23 décembre 2009

Manque


C'est un peu avant Noël, un repas arménien chez l'arrière grand-mère de Raoul. Autour d'elle, à table,  sa fille aînée (moi en l'occurrence) avec M., son petit fils Martin avec Y. et leurs deux enfants Raoul et Piero, le père de Y.et sa compagne. Nous attaquons, avec un excellent chablis, les pois chiches au sésame, la salade de poivrons hachés à la mélasse de grenade et aux noix, les calamars frits et les haricots à la tomate, que nous avons trouvés à l'épicerie arménienne Saint Georges de Valence. Raoul, deux ans et demi, qui dévore son houmous, annonce soudain d'une voix claire et sans affect, sur le ton  du simple constat :
— « il manque Guy.  »
Conscient de la stupeur qu'ont provoquée ces simples mots sur son père, sa grand-mère et son aïeule, qui se demandent s'ils ont bien entendu et compris, il répète et précise, sur le même ton :
— «  il manque Guy, sur une chaise là.  »
Du doigt, il montre la place où mon père, son arrière-grand-père, n'aurait pas manqué de s'asseoir s'il n'était pas mort il y a un an à quelques jours près.
Raoul n'a pas vu les larmes simultanées de ses trois ascendants.

04 décembre 2009

Les dissolus font débander l'église




Ça a commencé sur Twitter : un des twitteurs que je suis a annoncé que le célèbre golfeur Tiger Woods avait eu un grave accident de voiture. (Il a même, paraît-il,  été porté disparu par Wikipedia pendant quelques minutes). Puis très vite, on apprend qu'il est sorti de l'hôpital, ne souffrant que de légères coupures au visage. Il ne roulait pas vite, n'avait pas bu, sortait de chez lui, et a embouti une bouche d'incendie avant de terminer contre un arbre et d'être retrouvé allongé en train de ronfler. Bizarre. Des rumeurs, alimentées par les médias, commencent à circuler, disant que l'accident a été provoqué par l'épouse de Tiger Woods, le poursuivant avec un club de golf. Une hilarante reconstitution de cette version de l'accident est passée à la télé chinoise et se retrouve évidemment sur Youtube ou elle fait un buzz. On apprend ensuite que Tiger Woods entretenait une liaison avec une certaine Rachel Uchitel, puis que ce n'était pas la seule, puis qu'il avait essayé d'acheter leur silence, puis sa femme elle-même pour qu'elle ne parte pas avec les enfants. C'en était trop pour la « First Church », une authentique église qui s'était créée autour du culte du champion en qui elle voyait un nouveau Messie. Outrée par les outrances de son dieu vivant, elle « disband » et le voue à la damnation. Il est à noter que le verbe to disband est un faux ami :  il ne veut pas dire « débander » mais dissoudre. L'église s'est donc dissoute à cause de la vie dissolue de son Dieu. J'adore cette histoire.

03 décembre 2009

Tout pour les cailles


Pour nourrir nos invités d'hier soir, Raf et Noémi, Cécile, Malo, M. avait fait des cailles. J'en ai fait poser une assise sur un décor de serviette en papier mais c'est dangereux de mettre une caille devant nos mouchoirs. C'est dingue ce qu'on peut faire avec des cailles, d'ailleurs. Malo a joué au foot avec ses cailles. Heureusement que Nanou n'était pas là, car il n'y avait pas de cailles pour Nanou. Une année à Noël, M. avait fait une excellente tourte au cailles. Cette année il devrait faire des cailles aux moules, je l'espère. Ceci dit au bout d'un moment, les cailles saoulent. Celle-là n'a pas de tête : avez-vous déjà vu un cou de caille rôtie ? Ce qui est certain c'est que c'est un plat bien français : pas de cailles chez les Papous, notamment.

30 novembre 2009

Les Martiens repoussés

Selon les Helvètes, les Martiens sont de petits hommes verts très méchants qui veulent détruire avec des saletés leur belle planète bien propre. Il faut donc les empêcher de nuire. Pas de Martiens chez nous ! Pour résister à l'envahisseur les Suisses ont appelé le grand Décimator à la rescousse.  Décimator garde des armes puissantes à sa disposition, c'est une vraie nurse pour ses urnes. Il en a distribué aux Suisses qui ont voté et leur votation t'ôta OVNI comme par magie. Voilà Genève vengée. C'est ainsi que le Suisse trouve des issues à tout mais se prive d'élégantes barraquées bien mieux que des chalets et qui feraient bien, pourtant, sur un décor de montagnes enneigées.

Anagrammes : martiens/minarets, suisse/issues, votation/t'ôta ovni, genève/vengée, Décimator/démocratie, nurse/urnes, barraquées/arabesque

25 novembre 2009

Muse loin de Rivoli



À la suite de mon altercation avec le meussieu dont-auquel je parlais dans mon précédent post, je me suis amusée à rechercher des anagrammes sur le nom de Louise de Vilmorin.
Comme elle a écrit des articles de mode, j'ai choisi, parmi les centaines d'anagrammes possibles, celles qui avaient un rapport avec  cet aspect de sa vie.
Elles forment avec son nom le petit quatrain que voici :
Mode, illusion ivre,
Loi de velours mini,
Mur de voile, si loin,
Louise de Vilmorin
J'ai aussi trouvé à l'adresse suivante une archive de l'INA dans laquelle Olivier Barrot — celui-là même qui soulignait, selon le commentaire de MZ, l'insuffisance du livre du meussieu — parle de la vie de Louise de Vilmorin «qui aimait tant jouer avec les mots». Je vous le conseille, c'est ici http://tinyurl.com/vilmorin.
Le titre de ce post est aussi une anagramme.

17 novembre 2009

Gîte pour clébard


Patrice Delbourg est un éminent spécialiste de l’humour et membre non moins éminent des Papous dans la tête. Il ne saurait donc se tromper lorsqu’il affirme qu’il n’existe pas de femmes auteures de jeux de langage. — « Citez m’en une seule », a-t-il lancé à l’assistance de la table ronde de « Roman(s) à Romans » samedi 14 novembre.
— « Louise de Vilmorin », répondit quelqu’un dans l’assistance. C’était moi, venue en voisine de Chabeuil soutenir mon copain Jacques Perry-Salkow qui vendait son Anagrammes à l’autre bout de la table ronde.
Patrice Delbourg n’avait jamais lu ni entendu parler de l’Alphabet des aveux. Mais au lieu de le reconnaître tout bonnement, il a soutenu, du haut de son estrade et de sa condescendance, que Louise de Vilmorin avait certes écrit des tas de choses, mais qui ne s’apparentaient pas aux jeux de langage.
 (Lâchant son silence, la chanson s'y lance, ça s’apparente à quoi, déjà ? Et LEJ FMR, c’est un jeu de quoi déjà ? À l'étape, épate-la, ça s'appelle un quoi déjà ? )

Comme j’osais insister, il fit facilement rire le public à mes dépens en insinuant que mon obstination était «féministe». Sans micro et en bas de l'estrade, je ne faisais pas le poids. Je renvoie donc ce monsieur aux pages de Fatrazie ou d'Evene qui parlent de Louise de Vilmorin. Mieux encore, au blog d'un de nos amis communs sur Facebook, Sébastien Bailly, qui recommande chaleureusement la lecture de l'Alphabet des aveux, découvert en écrivant son livre «Jouez avec les mots». Je le cite :
 « Et surtout, j'ignorais jusque là ses poèmes, qui sont autant de jeux avec le langage. C'est à se demander, même, quels genres elle n'a pas illustré : palindromes, vers holorimes, pièces alphabétiques (avant les SMS), calligrammes, charades, rébus... C'est un régal de toutes les pages ».
De deux choses l’une : soit Patrice Delbourg n’est qu’un misogyne ordinaire, soit il a raison et le siège de l’humour doit se trouver dans les couilles. J'ai mis en titre de ce post une anagramme de son nom, mais c'est juste pour lui faire une niche !

06 novembre 2009

D'une pierre vingt coups




Comme chaque soir de séance Oulipo, nous nous sommes retrouvés hier à la pizzeria mais seulement à 8 cette fois : Annie et Alain, Valérie, Gilles, Nicolas, Dominique, M. et moi. Le vin sicilien se laissait boire et les pâtes aux gambas manger, mais il y avait trop de chantilly sur le café liégeois. Le pauvre JR n'était pas parmi nous. Il était à l'hôpital, où on le soignait où il avait mal, c'est à dire à la main, après avoir glissé sur le plancher assassin de la BNF. Ce plancher est un non-sens urbain, dès qu'il tombe la moindre goutte il se transforme en patinoire.

Comme nous quittions la pizzeria, Gilles m'a donné un mystérieux coffret intitulé Cabinet de curiosités, que je me suis retenue d'ouvrir avant d'arriver. Il contient une vingtaine de petits livres merveilleusement illustrés, parmi lesquels le texte de Michel Clavel dont il nous avait déjà parlé, et qui s'intitule de ma main gauche (manuscrit) et une sélection d'ambigrammes de Gilles Esposito-Farèse, ceux qu'il a faits sur les noms de membres de l'Oulipo. Mais les 18 autres sont tout aussi chouettes : on trouve donc un nuancier de couleurs aux noms fantaisistes comme bleu grand schtroumpf ou bronzage d'août, de ravissantes photos de microbes ignobles qu'il vaut mieux voir aux murs que sous la peau, une collection de plaques de rues imaginaires comme la rue Sissov-Yétik ou la rue Bissur-Longle, une sélection de pochettes de disques vinyle par Rémi Vimard, un atlas qui zoome la carte Michelin sur les noms de lieux les plus étranges, des anagrammes de prénoms courants, les bons plans du paradis, un codex de miracles promis par de vieilles réclames, une liste d'écritures étranges parmi lesquelles la Malayalam bien connue des palindromistes, de belles images de fleurs fabriquées à partir d'éléments aussi inattendus qu'alphabétiques, comme des wassingues ou des zapettes, quelques dessins érotiques et inédits de Pym, des photos de paysages signées Alexandre Duret-Luz qui ressemblent au monde du Petit Prince par la magie d'une transformation mathématique, de beaux dessins de vilains organes, de faux dessins de Boris Vian, une histoire cachée dans une nouvelle de Borges, un patchwork de bribes de conversations très actuelles, une liste à la Perec de choses qu'on croyait quand on était petit, et un catalogue de voyages imaginaires, comme un séjour dans la tour de Babel ou une expédition de rafting sur le Styx..

Une vraie boîte aux trésors, quoi !
On peut la trouver chez Decitre par exemple.

01 novembre 2009

Identité nationale

C'est la première fois que nous allions au salon du livre et des papiers anciens. Au milieu des cartes postales, des affiches et des vieilles réclames, on trouve des tas de choses intéressantes mais les prix sont prohibitifs. M. s'est tout de même acheté les œuvres complètes de Molière dans la Pléiade, et moi je suis tombée sur ces poèmes populistes en deux tomes, pour pas cher. J'espérais y glaner quelques perles mais à vue de nez il y en a peu. Quelques vers par ci par là, comme ceux-ci, sont émouvants.
Regarde. J'ai pris mon casque
Opaque et dur, puis mon masque
Aux yeux de mica
Mon bidon bat contre ma jambe
Et, dans mon âme en route, tremble
L'harmonica
 J'y ai trouvé aussi un poème intitulé « Bureau » du même auteur, Christian Dedeyan, dont voici un extrait :
Accepte la musique exsangue des machines
Qui chuchotent des mots simples en noir et blanc.
Sur le carbone usé les ampoules dessinent
Les étoiles d'un ciel minuscule et tremblant
Pour le reste, beaucoup de ridicule :
Ainsi parlait un jour l'humble cultivateur
Dont les pauvres lopins sont rétifs au tracteur
serait rigolo au second degré mais malheureusement, c'est écrit au premier. Et je ne parle pas du mauvais goût, de l'antisémitisme, du pétainisme qu'on débusque presque à chaque page :
Partout c'est la clarté de la vie artisane
L'entrain modeste et dur
Où résonnent les pas et la voix paysanne
D'une race au front pur.
écrit une certaine Claire de Saint Rémy. À mettre au débat sur l'identité nationale !

21 octobre 2009

Révélation

Le collègue de travail de N. a une petite fille de 4 ans. Un jour, elle le surprend à poil au sortir de la douche. Sous le coup de l'émotion, elle court vers sa mère: — Maman ! Maman ! Tu savais que Papa c'était un garçon ?

14 octobre 2009

Piero est né !





Piero ! C'est le prénom du peintre toscan auteur de cette nativité, et c'est aussi depuis environ deux heures celui de mon petit-fils, le frère de Raoul non encore réveillé de sa sieste et qui va avoir une fameuse surprise.

Ne t'en fais pas, Raoul, c'est un mauvais moment à passer mais après, quel bonheur d'avoir un frère  à initier ou à emmerder ! Crois-en la vieille expérience de ta grand-mère.

09 octobre 2009

Barack prix Nobel de la paix

M. et moi regardons BFM TV, télé pas trop mal mais qui se croit obligée de sacrifier comme toutes les autres à la mode du vote en direct des télespectateurs.
— Barack Obama a-t-il mérité son prix Nobel ? a-t-on demandé au bon peuple.
D'un air légèrement embarrassé, le présentateur annonce le résultat :
— comme vous le voyez, les avis sont partagés.
Et l'infographie s'affiche : 50 % sont pour le oui, 50 % sont pour le non.
— Hé bé, ça fait 100 % de cons, dit M.

08 octobre 2009

Zazie a 50 ans, elle a bien vieilli


























L'hôtel de Massa, qui était autrefois planté sur les Champs-Élysées, a été démonté puis remonté pierre par pierre dans un jardin proche de l'Observatoire, en face de l'hôpital Cochin : il tranche, au milieu d'un quartier à l'architecture très différente. C'est aujourd'hui le siège de la Société Des Gens de Lettres, qui accueillait les 2 et 3 octobre derniers le Colloque International Raymond Queneau, organisé à l'occasion des 50 ans de Zazie dans le métro. La quenellienne fanatique que je suis n'aurait raté ça pour rien au monde !
Un colloque très dense, puisque seize intervenants se sont succédé, à raison de quatre par demi-journée. Il serait vain de prétendre faire ici le compte rendu exhaustif de leurs communications, je me bornerai donc à les citer, en développant un peu celles qui m'ont le plus appris. Car ce qui est formidable dans Zazie, que j'ai dû lire une dizaine de fois, c'est qu'il y a toujours quelque chose à découvrir !
Le jeudi 1er octobre, en avant-colloque, Marie-Claude Cherqui nous avait présenté plusieurs films, dont le fameux Arithmétique dans lequel Queneau se livre à une démonstration de la soustraction aussi scientifique que désopilante, le somptueux Chant du Styrène que j'ai eu autant de plaisir à voir que les fois précédentes, et un portrait de Queneau réalisé en 1995 par Robert Bober avec Pierre Dumayet pour une émission télé de Bernard Rapp. Mais surtout, elle nous a donné l'occasion de découvrir deux superbes courts-métrages très peu connus : Les Sables, de Harold Manning, une évocation profonde et mélancolique de la guerre de 14, inspirée des personnages d'Un rude Hiver, et L’Emploi du temps de Bernard Lemoine et Raymond Queneau (1967), une adaptation cinématographique du principe des Exercices de style dans laquelle, à partir de quelques séquences de base, on en construit plusieurs variations à coup de coupures, de superpositions, d'accélérations, de retours en arrière, etc. Très efficace et très drôle !
Le colloque démarre très fort le lendemain matin, avec Jean-Pierre Longre, l'auteur de Raymond Queneau en scènes, prof à Lyon 3. Il lit Zazie en regard de deux pièces de théâtre qui ont toutes deux le métro comme décor, En passant, de Raymond Queneau, et les Amants du métro, de Jean Tardieu, et surtout en regard de Monsieur Phosphore, une œuvre de jeunesse de Queneau dans laquelle des archanges (dont Gabriel !) et des anges (à la fois mâles et femelles), finissent par créer l'enfer. Monsieur Phosphore est évidemment Lucifer (porte-lumière, lampadophore). Il donne un éclairage nouveau, original et très convaincant du personnage de Marcel-Marceline, porteur de la lampe torche qui éclaire la petite troupe dans l'enfer du métro. D'autant qu'il partage avec lui-elle la même ambiguïté et la même... douceur. Après quelques échanges dans l'auditoire, notamment à propos de l'Enfant du métro, de Madeleine Truel, livre paru en 1943 qui bloqua Queneau dans son élan et donna lieu à une étude de Jacques Roubaud, Patrick Brunel, maître de conférence à l'Institut catholique de Paris prend la parole à son tour. Il se demande si Raymond Queneau, qui a marqué, au nom d'une position morale, les limites du comique dans un article de 1938 repris en 1973, n'a pas outrepassé ces limites dans Zazie, roman des plus comiques qui soient. S'appuyant sur les travaux de Gérard Genette, il montre que si le ressort comique de Zazie est bien la parodie, le régime narratif n'est en aucun cas polémique ni satirique, il est essentiellement ludique, avec des incursions dans l'humoristique, l'ironique et le sérieux. Après la pause café, Gabriel Saad se pose la question de savoir s'il y a vraiment un narrateur dans Zazie, roman composé surtout de dialogues. Éric Beaumatin lui succède en jetant sur Zazie son œil (et son oreille) de linguiste averti, pour voir comment une poétique nous parle de la langue et du langage, et ce qu'elle en dit. Il s'attache particulièrement à ce qu'il appelle les «agglutinats», c'est à dire les amalgames syntagmatiques et autres polysyllabes monophasées du genre doukipudonktan ou lagoçamilébou, qui ont fait entre autres le succès de Zazie. Il en fait la liste et constate qu'ils comportent de une à six syllabes, l'hexasyllabe (lagoçamilébou) étant un hapax. Il remarque les hésitations de Queneau sur les paramorphismes à employer (entre le ss et le ç par exemple), examine l'usage-de ou le renoncement-à l'apostrophe, la suppression du trait d'union, la conservation des liaisons (qui aujourd'hui ne se prononcent plus), les ambiguïtés à lever (nasalisation du im évitée par imm au prix d'une surcharge) et pointe la sur-utilisation du k dans laquelle il voit une connotation germano-figurative. Le travail de Queneau sur la langue, au vu de cette analyse paraît inachevé et sporadique. Il termine en parlant de la langue en tant qu'espace de variation. La langue nous parle, également dans son traitement écrit.
Après un excellent déjeuner buffet dans les locaux de la SGDL, Paul Gayot, de sa voix voilée si particulière, et avec sa connaissance profonde de l'œuvre, nous parle évidemment des avant-textes de Zazie, que ce soient les work in progress, les plans successifs ou les manuscrits. Je renvoie à ses notes dans l'édition de la Pléiade, qu'il serait idiot de reproduire ici, et qui révèlent l'histoire cachée de chacun des personnages de Zazie. Philippe Wahl, de l'université Lyon 2, nous lit ensuite sa communication «l'incertitude des apparences» et, après une nouvelle pause, François Naudin intervient sur «Zazie et le Cortège du songe» en évoquant les premiers mots de Finnegans Wake de James Joyce, le Merdre! initial d'Ubu Roi d'Alfred Jarry et le premier titre d'Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, qui était... Alice's adventures underground, l'underground évoquant évidemment le nom du métro londonien. Le roman entier est-il un rêve ? Les mythes grecs sont également convoqués, avec Erebos et Hypnos. Puis Jérôme Roger (au nom si parfaitement et phonétiquement palindromique!), maître de conférence à l'université de Bordeaux, nous allèche avec son excellent titre, «jazzy dans le métro». Pas seulement un bon mot, car Raymond Queneau passionné de cette musique, connaissait Duke Ellington, etc., mais il faut reconnaître qu'il n'est jamais fait mention de jazz dans le roman. Jérôme Roger le débusque alors dans le rythme du roman, qui rappelle le phrasé scat utilisé, selon le mot de Boris Vian, «pour traduire des idées». L'alliance d'une oralité décapante et d'une éthique du langage fait honneur à Queneau. Le langage, s'il n'est pas improvisé, meurt et devient langue de bois, or la vitesse de répartie dans les dialogues tient de l'improvisation en jazz. Pas d'improvisation sans mémoire, comme dans le jazz, où abondent citations et parodies. Queneau sait qu'un écrivain ne peut pas strictement faire de la musique. Il doit avec le lecteur faire appel à l'oralité, résonance qui synthétise le corps dans le langage. Suit un détail des procédés utilisés pour fabriquer dans Zazie de véritables figures rythmiques. Georges Perec distingue entre les figures rythmiques qui cassent et celles qui opèrent l'unité. Il dit aussi que cela lui permet de parler de l'écriture (Magazine littéraire, 1976). Le vieillissement zazique guette le langage si l'enjazzement de la langue ne s'en mêle. Claude Debon rappelle, lors de la discussion qui suit ce bel exposé, que Narcense, le héros du Chiendent, est musicien de Jazz. Elle fait justement remarquer qu'il existe un genre, en littérature, dans lequel le rythme et les sons sont importants, et c'est la Poésie.
Le soir, la compagnie Lire autrement nous réservait un spectacle époustouflant : un voyage dans le roman Zazie à travers des extraits de textes choisis par Astrid Bouygues et Daniel Delbreil, lus-joués par Simone Hérault, excellentissime, et son complice Alexandre Lachaut, entrecoupés d'airs de chansons d'époque joués à l'accordéon par Frédéric Foret.
Le lendemain matin, c'est reparti sur des chapeaux de roues. Piers Burton-Page, avec le délicieux accent d'une langue forestière qui est pour lui maternelle, et un point de vue qu'il appelle transmanchien, se concentre sur The Scottish Play, (nom que l'on emploie par superstition à la place de Macbeth, pièce maudite), pour traquer l'influence de Shakespeare (Chexpire, écrivait Queneau) dans Zazie. Il compare différentes traductions du monologue de Gabriel et met en parallèle le «it is a tale/Told by an idiot, full of sound and fury,/Signifying nothing» de Macbeth et «toute cette histoire [n'est que] le songe d'un songe, le rêve d'un rêve, à peine plus qu'un délire tapé à la machine par un romancier idiot (oh ! pardon)», le oh pardon pouvant s'adresser aussi bien à l'auteur qu'à Shakespeare. Le reste, (Jeanne Lalochère en lady Macbeth, les écossaises du Mont de Piété) étant un peu moins convaincant.
La communication qui suit, avec Astrid Bouygues, est parmi les plus originales : partant du fait que Queneau lui-même présente Zazie dans le métro comme un roman d'initiation, elle s'attache à comparer d'un point de vue ethnologique l'initiation de Zazie à celle des jeunes filles de l'époque, dans un village, Minot, qui pourrait être Saint-Montron, à travers le travail d'une anthropologue, Yvonne Verdier. Le moins qu'on puisse dire est que les correspondances sont troublantes. La jeune fille de Minot passe par la communion à 12 ans, l'âge des premières règles, puis la Sainte Catherine à 15 ans, suivie, avant la pose des mais, d'une mise en marge du milieu maternel.  Elle passe en général l'hiver chez une tante à apprendre la couture, les couturières ayant la réputation d'en connaître un rayon sur le sexe, et devenir alors une fille à marier. Zazie, certes, ne va pas chez une couturière, elle la quitte (c'est le métier de Jeanne Lalochère) mais elle va bien chez une tante prendre un bain de féminité. Son initiation est ratée puisque Zazie ne se tient pas coite comme il serait séant, mais ouvre des tas de portes sur un domaine extérieur qui doit rester inaccessible aux filles. Pourtant le j'ai vieilli de la fin indique qu'il s'est réellement passé quelque chose, à mettre en relation avec le conte de la Belle au bois dormant, évoqué par Zazie, même si c'est pour s'en moquer, dans lequel une jeune fille se pique le doigt avec un fuseau comme les couturières avec l'aiguille. Le sang est celui des règles. C'est la grève du métro,  analogue à l'hiver chez la couturière, ou à 100 ans de sommeil, qui permet à Zazie de rejoindre son destin de fille. Le titre du roman pointe donc bien sur le moment essentiel, celui où l'enfant Zazie inconsciente sous terre meurt symboliquement pour renaître jeune fille.
L'intervention de Paul Fournel, qui suit la pause de 11 h, reste dans le domaine sexuel, mais d'un point de vue de mec puisqu'il a découvert à l'âge de Zazie qu'elle était «baisable». Lui que Queneau accompagne toujours, et ça se sent, rappelle que l'écrivain, qui pensait avoir écrit un livre sur la langue et sur la façon dont le sexe vient aux femmes, fut déçu par la réception d'un public qui n'y voyait que de la rigolade. Malentendu que le film de Louis Malle a selon lui renforcé.
Dans la communication suivante, Claude Debon, dont on connaît la rigueur scientifique, prend soin de rappeler que tout discours critique est par nature fictionnel. C'est pourquoi elle s'efforce de s'en tenir à la lettre ; et plus précisément à la lettre Z, qu'elle repère par exemple dans les zazous, ancêtres de Zazie et qui posent la question de l'engagement du roman, mais aussi dans la Zizanie, héroïne de Vercoquin et le plancton de Boris Vian et dans les «zig-zag droit devant elle» de Zazie courant comme l'éclair. Lettre qu'il faut écouter et qui donne un rythme au roman qui procède de rebond en rebond, de tac en tac, avec des courts-circuits étonnants comme «ils marchaient côte à côte mais droit devant eux», ou l'association de la grenadine et de la nocivité, ou encore une expression comme «le dénommé X». Elle conclut en disant qu'il est vain de chercher à répondre aux questions que pose Zazie, dans la mesure où tout le texte est précisément monté pour qu'on ne puisse pas y répondre.
Je n'ai pas droit au buffet aujourd'hui, pour cause d'affluence, et m'en vais prendre une entrecôte au bistrot du coin.
Au retour, c'est Gerhard Dörr qui parle de la partie cachée de Marceline, c'est à dire l'officier allemand déserteur de la Wehrmacht qu'elle était dans les avant-textes. Il en reste selon lui des traces, notamment quand il est dit que Marceline parle de la retraite «parce qu'elle connaissait bien la langue française», expression qui ne s'appliquerait pas à une Française d'origine. Christine Méry, qui enchaîne, s'intéresse, elle, au «réseau appellatif» de Zazie, nommée tantôt la mouflette, la gosse, l'enfant, la petite, etc. Quant à Bertrand Tassou, il s'interroge sur ce qu'il reste de Zazie aujourd'hui, en repérant les allusions simples et les transpositions du personnage. Dans Pour venger pépère d'A. D. G., un roman policier, Monique Voiron est une ado habillée de djins au visage vicieux, qualifiée de «pitoyable Zazie provinciale.» Dans Billy the kick de Jean Vautrin, une Julie rêve elle aussi d'aller à Paris et zozotte, elle est zobsédée, on trouve aussi un travesti, etc. On trouve une Zizanie dans le métro, roman policier de Hugo Lacroix dans lequel l'héroïne est plus âgée (20 ans). Il existe enfin une Zapinette Video où il est question d'un oncle travesti et d'un père tripoteur, mais le livre ne tient pas la route. Bertrand Tassou relève aussi de nombreuses allusions à doukipudonktan. Dans la presse, on compare à Zazie l'Amélie Poulain du film, l'héroïne Marjane de Persépolis, voire Isabelle Huppert. Du n'importe quoi qui révèle seulement que Zazie est identifiable. Mais il ne reste rien de la substance, de même qu'aujourd'hui tout est «ubuesque» ou «surréaliste». Pascal Herlem est le dernier intervenant, avec «Queneau adolescente», qui reprend l'énigme de la sexualité, questionnement du roman. Un sujet déjà largement abordé, qui lui donne l'occasion d'évoquer à propos de Gabriel l'Annonciation à la Vierge Marie.
Quant à moi je me demandais pourquoi l'on avait évoqué l'ambiguïté sexuelle de tous les personnages, (même celui de Laverdure,) en oubliant celui de Turandot. Après tout, c'est le nom d'une princesse, et soprano qui plus est.
Sur ce, nous sommes rentrés à la maison, bien fatigués mais contents, bien que tristes de rater la brouchtoucaille de fin de colloque !

06 octobre 2009

Meuh

Toutes choses étant égales par ailleurs, il vaut mieux du fourrage pour les bovins que du faux vin pour les bourrages.

12 septembre 2009

Tapisserie

De Buffalo, hotel Marriott-Niagara, sur un qwerty:

Dans la foule des passagers qui attendaient a Newark l'avion pour Buffalo, en retard evidemment une veille de 11 septembre, j'ai vu un ecossais vetu d'un kilt bleu en train de faire de la tapisserie. Plus tard dans l'avion, j'ai remarque que le sac de cuir oblong qu'il portait a l'epaule etait marque Scotland bagpipes. Je l'ai imagine en train de jouer de la cornemuse devant le Niagara pour couvrir le bruit des chutes.

05 septembre 2009

Pleine lune

En quête d'un Laguiole à offrir, je suis entrée hier dans une armurerie-coutellerie, où j'ai rapidement trouvé l'objet, conseillée par l'armurier-coutelier, un homme âgé, dont la collègue pas toute jeune elle non plus se vernissait les ongles derrière la caisse. Au moment où je me préparais à payer, un individu jeune, chapeauté d'un béret basque et assez nerveux de sa personne, est entré à son tour dans la boutique.
— Je peux vous renseigner, vous cherchez quelque chose ? lui demande la caissière aux ongles fraîchement nacrés, d'un air soupçonneux.
— Non non, hin hin hin, répond le jeune homme de plus en plus agité, je regarde juste les vitrines, hin hin hin. Il danse d'un pied sur l'autre, jette des regards furtifs, autour de lui, puis sort aussi rapidement qu'il était entré.
La caissière grommelle et, s'adressant à son collègue :
— ça sent sa pleine lune, ça. On est quel jour aujourd'hui ?
— le 4 septembre lui dis-je, intriguée.
L'ongle verni de la dame descend lentement les jours du calendrier.
— Tiens! Qu'est-ce que je disais! Pleine lune!
Et, devant mon air interrogatif:
— Avec le genre de marchandise qu'on fait, madame, on attire forcément les gens un peu... bizarres. Et chaque pleine lune, ça ne manque pas, on en voit entrer, ils sont comme aimantés. Avec le genre d'articles qu'on fait.

J'ai appris quelque chose, là. Et puis c'était bien la pleine lune, la preuve, je l'ai photographiée avec mon nouveau zoom que j'ai eu pour mon anniversaire !

13 juin 2009

Dans les vestibules


«permettez mille excuz à ce crâne — une boule —
de susurrer plaintif la chanson du néant»
Raymond Queneau, «Je crains pas ça tellment», in l'Instant fatal.
S'il y a un sport que j'ai en horreur, c'est bien la spéléologie. Rien qu'à l'idée de devoir me glisser dans d'étroits boyaux boueux à l'issue incertaine, sans même pouvoir me retourner pour revenir à l'air libre par le même chemin, me voilà prise de panique convulsive. Alors à celle de rester vingt minutes sans bouger dans un tube, vous imaginez bien que je n'étais pas fière. « Je me réciterai du Baudelaire », me disais-je (car j'ai remarqué en d'autres occasions que cette thérapie était efficace contre la trouille). Mais bernique! Une fois introduite dans le tube en question, quand on m'a envoyé dans les oreilles successivement des basses fréquences, puis des toc toc toc d'esprit frappeur, puis carrément les trépidations d'un marteau piqueur, mes beaux alexandrins se sont barrés en couille (c'en est un d'ailleurs). Essayez de marteler La / so / ti / zeu / lé / reur / le / pé / ché / la / lé / zi / no / cu / peu / no / zes / pri / et / tra / va / yeu / no / cor, sur le rythme d'un marteau piqueur, eh bien ça ne ressemble plus à rien. J'y ai donc renoncé pour me concentrer sur ce qui se passait. Mon cerveau traversé par des champs magnétiques (tiens, encore un) si puissants qu'ils peuvent faire voltiger les objets métalliques, allait-il résister à l'assaut ? N'avais-je pas à mon insu un de ces objets près de la tête ? Je me souvenais de l'avertissement qu'ils m'avaient donné avant:
«le port d'une pile (pacemaker), d'une valve cardiaque, ou de tout élément contenant du fer près des yeux ou dans la tête constitue un facteur de risque majeur (risque de décès, de cécité)»

Mais aucune de ces deux éventualités ne s'est finalement produite. Il y avait devant mes yeux sans lunettes un jeu de miroirs, une sorte de périscope me permettant d'apercevoir des silhouettes derrière une vitre, sans doute penchées devant un écran, en train de regarder défiler mes tranches de cervelle. J'y voyais aussi mon estomac se soulever au rythme de ma respiration. Dans ma main droite, une poire à presser pour appeler en cas de panique. Mais j'ai résisté, j'ai essayé de mémoriser les différents bruits qui m'assourdissaient, de compter les toc toc toc de l'esprit frappeur, de ne pas bouger malgré les soubresauts dont la machine était parfois agitée, et voilà, ça s'est arrêté, et j'avais la tête comme un melon.

Le médecin m'a remis un compte rendu très poétique:
En regard de la fosse postérieure, pas de lésion en regard des angles ponto-cérébelleux,
Intégrité des conduits auditifs internes, des appareils cochléo-vestibulaires.
Intégrité du 4e ventricule, du tronc cérébral, du cervelet.
À l'étage sus tentoriel:
Intégrité du système ventriculaire.
Présence de quelques hypersignaux de la substance blanche, aspécifiques, visibles notamment en regard des régions péri-ventriculaires, des centres semi-ovales droit et gauche.
Pas d'argument en faveur d'un accident vasculaire ischémique ou hémorragique récent.

Bon, j'étais un peu inquiète “de ces hypersignaux de la substance blanche” (encore un ma foi) aspécifiques, mais à la réunion Formules de ce matin, B. qui s'y connaît, m'a dit que le mot essentiel était «aspécifiques», ce qui veut dire qu'on ne peut rien en dire.

Je pense qu'ils étaient dûs aux alexandrins massacrés du poème «Au lecteur» de Baudelaire.


02 juin 2009

Le gendarme











Le dos orné d'un masque ethnique
La punaise d'Europe nique
Pendant trente heures quelquefois
Bouffant du tilleul et des noix

26 mai 2009

À moitié drôle


Soudain l’œil droit heurte.
On jette un cri, on a mal.
Du canal lacrymal
jaillissent sauriennes larmes.
Et s’engourdit la bouche
comme gueule de bois
mais seulement à dextre.
À table œil et bouche gênent.
On cligne on remue on se regarde dans la glace
On grimace.
On se couche en disant une bonne nuit là-dessus
Et tout ira bien. Mais

Le matin la réalité heurte.
À cinq heures
Quand on constate que l’œil droit ne se clôt
Que la joue est morte, et jusqu’au cou,
Ça craint.

À huit heures on le reconnaît, on le dit, on l’énonce.
(Sans articuler certaines lettres qui d’ailleurs manquent ici).
— Merde, dit le conjoint.
Au cabinet médical, le docteur
Ordonne les urgences.

À l’Hosto le toubib dit d’un air arrogant :
Central ? Neurologique ? Non non, mais ORL
Syndrome de Bell !
Des tests, du sang, un électrocardiogramme
La tension, la chaleur interne,
Tout est mesuré, consigné.
Sur l’ordonnance, on lit cortisone et Zélitrex
Et scotchez-moi cet œil la nuit.

Car on ne dort que d’un œil, le bon.
L’autre bée obstinément.
On l’arrose régulièrement
On l’oint d’onguents
On le chattertonne
Il ne bouge jamais d’un cil

.........

Huit jours sont écoulés et il y a du mieux.
La joue remue légèrement,
l’œil réussit à se clore.
Quelques séquelles drôles sont à craindre,
Comme les larmes de crocodile :
Les axones et les dendrites se mélangent les canaux
Entre le canal lacrymal et celui de Sténon, ils se gourent,
Et on chiale en mangeant.

Texte écrit sans p ni v ni f, que la paralysie faciale périphérique empêche de prononcer.

17 mai 2009

Maurice Fourré


«Tout au bas de l'échelle des êtres doués d'un si faible registre dans l'expression de la douleur, un vermisseau dont le frisson dans son faible corps annelé indique seul la peine ou la crainte et qui ne sait sourire, reçoit dans la nuit de sa vie sans yeux le sourire d'un Ambassadeur.»
Ces lignes sont extraites de la Nuit du Rose-Hôtel, de Maurice Fourré. Vous ne connaissiez pas cet auteur ? Moi non plus, jusqu'à l'invitation de Tristan Bastit via Facebook à fêter, cité Véron hier soir, le cinquantenaire de la mort de Maurice Fourré et les dix ans du spectacle Les Éblouissements de Monsieur Maurice, le tout autour d'un buffet angevin. Eh bien cela donne envie de le lire. Attention, c'est une langue très musicale, ce qui peut gêner ceux qui comme moi, ont une propension à se laisser bercer par les mots et hypnotiser par le rythme, au détriment de l'attention qu'il faut garder pour le sens, qui ne manque pas.
La soirée, très sympa, alternait interventions d'acteurs récitant des textes de Maurice Fourré (beaucoup extraits justement de la Nuit du Rose-Hôtel), dégustation de produits angevins, rillettes, jambonneau et vins rouge, rosé ou blanc, et film sur Maurice Fourré, dans lequel Michel Butor intervient de façon remarquable. Aux murs, une photo de Maurice Fourré et des illustrations de Tristan Bastit, un projet pour une édition de la Marraine du Sel qui se concrétisera peut-être un jour, on l'espère.
D'autres photos de la soirée sont visibles ici, car Maurice Fourré a un groupe d'amis sur Facebook, et je vous conseille une visite sur le site de l'Association des Amis de Maurice Fourré.

16 mai 2009

Photogénique


Depuis quelques séances, le technicien de la Bibliothèque Nationale nous gratifie, lors des jeudis de l'Oulipo, de quelques secondes de gros plan sur les visages des oulipiens au fur et à mesure de leurs interventions. Et comme Roubaud est photogénique, il s'attarde un peu sur le sien, ce qui me donne le temps de faire des photos correctes !
Ils étaient donc sept, avant-hier jeudi 14 mai, à plancher sur le thème de la prose liquide. Jacques Jouet, Jacques Roubaud, Marcel Bénabou, Michelle Grangaud, Ian Monk, Hervé le Tellier et Valérie Beaudouin. En l'absence de Frédéric Forte, que ses nouveaux devoirs paternels doivent absorber, Jacques Jouet a lu des extraits de ses 99 notes préparatoires à la prose liquide, pour le plus grand plaisir de la salle. J'ai retenu par exemple : «la prose gazeuse doit ressembler à quelque chose comme le vers libre». Puis Jacques Roubaud, à mon grand plaisir, lit quelques textes de Gonçalo Tavares, un auteur portugais que j'adore depuis que D. m'a fait découvrir Monsieur Valéry. Ses poèmes sont tout aussi remarquables. (Et faites moi penser à acheter Jérusalem, son dernier roman). Marcel Bénabou a réuni dans un texte plaisant toutes les expressions de la langue française qui font allusion à l'eau. Michelle Grangaud pastiche Proust en une phrase interminable et coulante. Ian Monk décrit l'adolescence de Mek Ouilles, avec un gros succès. Hervé le Tellier lit un extrait de son prochain roman, construit selon le jeu des dominos, ce qui ne s'entend pas forcément. François Caradec, excusé pour cause de décès, est à l'honneur, avec un texte désopilant extrait de son dernier ouvrage Entrez donc, je vous attendais. Jacques Jouet a lui aussi un prochain roman, «concurrent direct de celui de le Tellier», dont il cite quelques passages, tandis que Valérie Beaudouin nous lit du Garréta. Une bonne séance après deux moyennes, que nous terminons en bonne compagnie avec la pizza habituelle, arrosée évidemment à l'Orvieto.

14 mai 2009

Encore un pas et puis le ciel


Le Musée d'Art et d'Histoire de Saint-Denis est installé dans l'ancien Carmel, rénové au XVIIIe siècle par Louise de France, une des filles de Louis XV qui y fut pensionnaire, et au XXe par la Municipalité. Un lieu magnifique, certes un peu austère, mais qui tranche de façon heureuse et douce avec son environnement. À l'entrée de chacune des salles distribuées par le cloître, on peut lire au dessus de la porte une sentence mystique, aujourd'hui parfaitement décalée et donc productrice d'un excellent comique. Surtout quand la salle en question est celle des toilettes pour dames et que la sentence est :
Que votre modestie
Soit connue de tous les hommes.
On note d'autres perles de la même eau comme Le plaisir de mourir sans peine Vaut bien la peine de vivre sans plaisirs. ou Encore un pas Et puis le ciel. Pour atteindre non pas le ciel mais la salle où avait lieu hier mercredi une journée d'étude consacrée à François Caradec, il fallut fouler les tombes des carmélites et longer une citation de Thérèse d'Avila inscrite dans le sol en lettres d'acier. Cela en valait la peine. Étienne Cornevin, professeur de «tératologie poétique» à Paris 8 avait réuni les meilleurs intervenants. Malgré un fil conducteur un peu réducteur, la monstruosité, ils ont réussi à donner une image assez complète de cet auteur aux facettes multiples. Éric Dussert (L'Alamblog, le Matricule des Anges) parla d'abord de L'Encyclopédie des farces et attrapes et mystifications, édité chez Pauvert en 1964, écrit par Caradec en collaboration avec Noël Arnaud et alii, la situant dans le contexte du Collège de 'Pataphysique, de l'Institut français de Farces et Attrapes, et du Da Costa encyclopédique. [À ce point de la réunion, je constate que s'il est beaucoup question du Rire, peu dans la salle semblent se gondoler, en tout cas pas les rares étudiants qui s'y trouvent]. Yves Frémion, en tant que spécialiste incontesté des petits miquets, parle ensuite de Caradec iconologue, et plus particulièrement de sa «colombophilie» : Caradec était un admirateur et connaisseur de Christophe (i.e. Georges Colomb), l'immortel créateur du Savant Cosinus, du Sapeur Camembert et de la Famille Fenouillard, dont il écrit la biographie, la première consacrée à un auteur de bandes dessinées. Puis c'est au tour d'Astrid Bouygues, qui fait un exposé remarquable de finesse sur Caradec lecteur de Queneau, exégète de sa rime «asthmatique», et qui lui a consacré 10 articles. Pour Caradec, l'œuvre de Queneau n'est qu'une longue quête de l'enfance. Jacques Jouet, pour sa belle et riche intervention, a choisi la forme de la quenine qu'il explique au public: neuf strophes de neuf vers avec neuf éléments permutant (dans son cas les débuts de vers) selon des règles précises. Il a remarqué dans les Nuages de Paris l'occurrence importante du mot passer.
Avec ces deux dernières interventions on est un peu sorti de l'image trop réductrice du Caradec humoriste, pour aborder celle du Caradec poète et écrivain, excellent poète et excellent écrivain. C'est la pause. J'en profite pour photographier M. et A. Z. qui prennent des attitudes idoines sous les sentences mystiques. Déjeuner au Thaï d'en face, menu buffet à volonté pour 10 euros cinquante. Pas mal du tout. Et puis cela reprend.
J'ai peu suivi le premier exposé d'Étienne Cornevin sur la logique et Allais, digestion oblige, mais j'ai retenu qu'au mot de «pensée penchée», Claude Debon, de la salle, a fait cette remarque: «mais n'est-ce pas la définition du Clinamen ?» Elle a raison. Christian Laucou intervient ensuite sur Caradec typographe et montre une série de belles images de couvertures ou d'intérieurs de livres. Bruno Fuligni, qui dirige la Mission éditoriale de l’Assemblée nationale, parle brillamment des rapports de la farce et du sacré. Le comique de la politique vient de son excès de sérieux. La politique serait la mystification par excellence. Les «petites histoires» de l'Assemblée nationale, toutes vérifiables, sont toutes fausses ou presque. Mais chez Caradec, tout est vrai, et il a le don à partir du petit détail, de reconstituer l'ensemble, le grand truc finalement si dérisoire auquel il a conduit. Alain Zalmanski, remplaçant Paul Gayot, explique à un public déjà bien initié les arcanes de la 'Pataphysique, de ses commissions et co-commissions, ainsi que les fonctions et les titres de François Caradec, à l'aide de slides Power Point. [C'est curieusement le seul de toute la bande qui se soit servi de cet outil pourtant indispensable au conférencier d'aujourd'hui]. Étienne Cornevin conclut enfin, mais il n'y a plus un étudiant dans la salle. La table ronde qui suivit a dû paraître bizarre aux deux ou trois non pataphysiciens présents dans ce qui restait de public.

11 mai 2009

De but en blanc


Affluence mercredi soir au Crayon qui tue (éditeur), pour la présentation et la signature de «De but en blanc», un monologue en polychromie véritable de Marcel Bénabou, avec sept méthodes de phraséochromie par l'Ouvroir de peinture potentielle, l'Oupeinpo.
Le «monologue» de Marcel Bénabou, dans la droite ligne de son travail sur le «langage cuit», explore et permute de façon jouissive les nombreuses expressions de la langue française contenant des noms de couleur. Il se termine par une grille permettant à chacun de se créer ses propres images. Par exemple un avocat marron peut jouer à l'éminence grise au bord de la Mer rouge, une victime de la marée noire peut avoir une trouille verte face à un bas-bleu, etc. etc. Ces couleurs n'ont pas manqué d'inspirer les membres de l'Oupeinpo. Tristan Bastit, l'appliquant à des œuvres antiques et notamment la colère (noire) d'Achille, illustre Loth complètement noir et ses filles au noir dessein par de savantes manipulations de pixels. Jacques Carelman, rivalisant avec Klein, montre 3 monochromes : un casque bleu ayant une peur bleue au cabaret de l'Ange bleu, un Peau-rouge tirant à boulets rouges sur la place Rouge, et un jardinier à la main verte portant l'habit vert square du Vert-Galant. Thieri Foulc construit, à partir du célèbre tableau de Delacroix La Mort de Sardanapale, un étonnant Peau rouge broyant du noir en ses nuits blanches. Olivier O. Olivier, réalisant «que la place Blanche [est] rendue par un moulin rouge et que «le vin blanc [est] plutôt jaune pâle», renonce à colorier ses croquis pour laisser libre cours à l'imagination du lecteur. George Orrimbe, déjà inventeur de la méthode vocalo coloriste, l'applique avec rigueur et pertinence à ce nouveau sujet pour figurer un auteur de série noire faisant grise mine rue du Château rouge et 3 autres planches mêmement codées. Brian Reffin Smith fabrique une volvelle (disques superposés, voir ici) formée, pour le disque inférieur, de l'Origine du monde de Courbet réduite à sa sélection rouge, et pour le supérieur d'un disque à trous sur lequel on inscrit les expressions contenant le mot rouge, et obtient par cette machine un Rouge voyant rouge au bord de la mer... assez terrifiant. De Jack Vanarsky, enfin, dont ce sont hélas les dernières créations, 4 dessins noir et blanc : chacun illustre une expression (par exemple un gris boit du bordeaux..) à la manière d'un dessin de presse, mais se voit associer une tache formée des couleurs citées.
Un très bel ouvrage qui montre aussi la créativité de l'association trop rare oulipo-oupeinpo.
48 pages, 24 € à commander au Crayon qui tue, 51 A rue du Volga, Paris XXe.

06 mai 2009

Hervé le Tellier parle de Raymond Queneau







Hervé le Tellier présentait tout à l'heure, dans le cadre des mercredis littéraires du Petit Palais, deux archives de l'INA dans lesquelles on pouvait voir Raymond Queneau répondre aux questions de Pierre Dumayet. Dans la première, interrogé sur sa méthode d'écriture, Raymond Queneau répond en joignant le geste à la parole (photo centrale) et construit sous nos yeux une grille préfigurant en quelque sorte celles de Perec pour la VME. Dans la seconde, on découvre la poésie de Queneau à travers le Chien à la Mandoline qui vient d'être publié. Ce recueil est une sorte de journal intime dans la mesure du moins où les poèmes — surtout des sonnets même s'ils ne sont pas tous des sonnets réguliers — sont rangés par ordre chronologique et s'inspirent de faits divers publics ou personnels. Il est très émouvant d'entendre Raymond Queneau, à propos de «terre meuble», le dernier et plus long de ces sonnets, qui contient ces mots «mon vœu le plus cher c'est de disparaître», répondre à Pierre Dumayet avec simplicité et comme une évidence que, oui, c'est son vœu le plus cher. L'art poétique est évoqué avec le fameux poème «encore l'art po» dont Hervé le Tellier souligne la progression, du style «table de multiplication» du début jusqu'à la fin sérieuse. On a aussi parlé du classicisme à propos du sonnet «Voilà que j'assiste à un grand dîner officiel» (en l'honneur de Colette) qui n'est pas sans évoquer le repas ridicule de Boileau, et HLT nous a lu un passage de Corneille que RQ aurait pu signer.

Quant à moi, mon vœu le plus cher, c'est qu'un jour le lien à la mode en Chine soit le Chien à la mandoline.

04 mai 2009

La danse macabre
















Les Français en quête de Tamiflu*,
Méfiants, déféquant ailleurs,
Se lamentent du risque affilé.
Filme leur danse fantastique !

Quarante neuf mille sédatifs
Allumant identiques effarés
Fusent en masque, allié tardif,
Le marquant du fiel si néfaste,

L’assénant de fruit maléfique.
Qui renifle se damna, tel Faust.
Idée qu’ils meurent, s’affalant,
Défuntant, alarmés, liquéfiés !

Maudits relaient efflanqués,
Déquillant menteur affaissé.
Dans le fumier, lest fanatique,
La Tarasque de festin fulmine.

EC

* poème anagrammatique sur un titre du Figaro du 1er mai.
chaque vers contient les mêmes lettres que ce titre, mais dans un ordre différent.

01 mai 2009

H1N1 - Anagrammes d'actualité

Pigeon, pourceau pourrissant là,
un souci, par le groin osé, apparut.
Or un agriculteur posa sa pipe. On
grinça, ou présupposa la truie.
La peur — âge pourri ! — nous constipa.
La corruption, au sinus propagée,

par contagion sueur popularise.
Aucune guérison, à part propolis.
Galoper soupirant ? Aucun espoir !
SOS ! Rongé au lit, aucun approprié
appui pour s’écrouler agonisant.
La grippe porcine nous aura tous.

EC

11 avril 2009

Meschonnic et l'Oulipo


Au dernier jeudi de l'Oulipo, avant hier, les oreilles d'Henri Meschonnic auraient dû siffler aux fines allusions de Jacques Jouet. Auraient dû, seulement, car il était mort la veille. Mais Jacques Jouet ne le savait pas encore. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Meschonnic n'était pas l'ami de l'Oulipo, qu'il critiquait régulièrement dans ses essais et interviews. Voir par exemple cet entretien sur le site des éditions Verdier, dans lequel Roubaud est particulièrement visé :

[Roubaud] a écrit dans un livre appelé Poésie etcetera : ménage, qu’il n’y a pas de rythme dans la prose. Autrement dit, pour lui, le rythme est uniquement métrique. Il est en plein dans cette confusion qui remonte à Platon, et fait le contraire de ce que disait Aristote. [...] le vers est le domaine même du rythme, il n’y a de rythme que dans les vers, et la prose est dénuée de rythme. C’est ce que redit encore Jacques Roubaud. Déjà, les spécialistes français du XVIIIe siècle savaient qu’il y a du rythme dans la prose.

Les enjeux théoriques de ces controverses sont certainement importants, mais ils m'échappent un peu. De toutes façons, il n'y aura pas de survivants.

10 avril 2009

Chemin de croix


Cette histoire commence au jardin des olives
Par une trahison et une arrestation
Que suit incontinent une condamnation
Et le reniement d’un disciple qui s’esquive.

Un jugement s’ensuit, puis il faut qu’on décrive
La séquence assez hard d’une flagellation,
La croix n’arrivant qu’à la septième station ;
Pour son transport, Simon est la locomotive.

Les femmes, devant ça, pleurent, bien entendu.
Ensuite, sur le bois, le condamné pendu
Promet à son voisin sympathique un royaume,

Et confie à sa mère un copain éperdu
Avant de décéder sans être descendu.
À la fin on le met en terre et on l’embaume.

EC
(Sonnet de circonstance : contrainte = une station par vers.)

NB : il y a plusieurs traditions pour les stations, je me suis appuyée pour la circonstance sur celle-ci : http://infocatho.cef.fr/fichiers_html/cefpaques/rjcpqcrx00.html

01 avril 2009

La vérité relative


Reçu avec plaisir de Jacques Perry-Salkow son second livre d'anagrammes, en librairie le 4 avril prochain. En dédicace, ce beau sous-titre autoréférentiel : la vérité relative...
À l'instar du précédent, le Pékinois, (le Seuil, 2007), ce recueil, fait «pour sourire et rêver», cherche dans les lettres des noms de personnalités connues du monde pipole, politique ou artistique, mais aussi de personnages historiques ou littéraires, l'ordre qui révèlera le mieux leur personnalité profonde ou ce qu'il en imagine. Avec, en bonus et fin, une savoureuse réécriture des dix commandements dont, à la veille de la fête des mères, je ne peux résister à vous livrer le sixième : Tu honoreras ton père et ta mère/ton père taré ou ta mère en short, ni le septième : Tu ne commettras point l'adultère/Mais compte-t-on la tendre turlute ?
Comme dans tout ce qu'écrit Jacques, l'accent est mis sur la fluidité, le sens et la poésie de l'écriture, de sorte que si l'on n'était pas averti par le titre du recueil, on pourrait le lire sans se douter qu'il s'agit d'anagrammes, exactement comme Sorel Eros, le livre-poème qu'il a écrit avec Frédéric Schmitter (non publié) ne laisse pas deviner qu'il s'agit d'un palindrome, et a fortiori du plus grand palindrome jamais élaboré.
Jacques Perry-Salkow appartient donc à cette race d'auteurs à contraintes pour lesquels la contrainte, technique qui a permis la naissance du texte, ne doit pas être visible au premier abord, mais seulement après un effort de lecture supplémentaire.
«Hermétique ne suis, herméneutique accepte», comme disait Raymond Queneau.
À propos de fête des mères, donc, une excellente idée de cadeau : Le Seuil, 13 €.

20 mars 2009

Électricité

Quand la longue caravane passe
Il agresse son bon conducteur
Et l’intensité des aboiements
Varie sinusoïdalement
C’est le chien courant alternatif

16 mars 2009

Sari

Sophie nous racontait hier au déjeuner son voyage en Inde : elle a dû convenir qu'un sari mouillé était nettement plus érotique qu'un mari souillé.

13 mars 2009

Surmenage

Comme chaque année, la mise en pages et la correction du dernier numéro de Formules bouclé en principe ce dimanche, m'ont totalement accaparée, d'autant plus que le numéro s'annonce gros: 416 pages. Ces derniers jours s'y est ajouté le travail sur le Correspondancier numéro 7, dont le bouclage est aussi imminent. Tout ceci pour expliquer ce mois de silence.
De temps en temps, pour m'aérer, je faisais tout de même une petite variation sur le thème imposé cette année par Zazie Mode d'emploi, un extrait d'Espèces d'espaces de Georges Perec, prélude aux « 3 jours du livre » de Lille 3000 et à la soirée oulipienne du vendredi 22 mai, à la Gare Saint-Sauveur. À l'heure qu'il est, il y a déjà 41 versions sur le site, dont une douzaine de ma pomme. Tout le monde peut y participer, n'hésitez pas ! Une adresse : http://zazipo.net.

21 février 2009

Alexandrins

En faisant ma moisson quotidienne d'alexandrins dans les titres de journaux, je suis tombée sur un cas assez rare : un titre formé de deux alexandrins. Il est tiré du Figaro de ce week-end, page 10, le voici :
Le procès Colonna va reprendre lundi
mais reste à la merci d'un nouvel incident

15 février 2009

Vision

Battant doucement de ses ailes noires et blanches siglées Adidas, il volette avec grâce à quelques mètres de sa cage toujours ouverte. C’est l’ange gardien de but.

06 février 2009

Cherchez la p'tite bête à l'Oulipo


Cherchez la p'tite bête ! C'était le thème du dernier Jeudi de l'Oulipo, avec (de gauche à droite) Hervé le Tellier, Marcel Bénabou, Jacques Roubaud, Michelle Grangaud, Frédéric Forte et Olivier Salon.
L'occasion de découvrir les délicieux Rondeaux animaliers de Jacques Roubaud, qui viennent de paraître chez Gallimard Jeunesse (dans la collection Folio cadet classique 3). À lire dès 7 ans pour apprendre à aimer la poésie, et à relire bien plus tard. Je suis ravie que quelqu'un —et pas n'importe qui— s'intéresse aux rondeaux, je ne suis plus seule!
Autre découverte, les Poèmes isolés de Frédéric Forte, (Je les ai commandés : 3 euros aux Éditions du soir au matin, 936 chemin de Lézene, 31330 Merville, plus 0,55 euro pour les frais de port) dont il a lu quelques extraits et qui me paraissent à vue de nez très originaux.
Le reste on connaissait : les "sardinosaures" de Salon et Roubaud, les copulations d'insectes de le Tellier... mais c'est toujours drôle à écouter. Michelle Grangaud a exécuté une variation myrmidone très enlevée sur un thème fournelien connu, et Marcel Bénabou, ayant eu l'idée de féminiser les noms d'animaux dans les expressions du langage cuit, s'est fort heureusement arrêté à lapine.
Au dîner de la pizzeria habituelle, il y avait foule : un traducteur de Perec et deux facebookiens s'étaient joints à notre groupe, tandis que toute une partie de la salle était occupée par Hélène et ses élèves, qu'accompagnaient Olivier Salon et Frédéric Forte.

05 février 2009

Journée Queneau du 31 janvier 2009 (après-midi)

Je reprends ici mon compte-rendu de la 11e journée Queneau, commencé ce matin.

C'est à notre tour ! Nous, c'est à dire un duo de journalistes, formé de François Naudin (association des Amis de Valentin Brû), et de moi-même, très intimidée devant ce parterre d'universitaires distinglés.
Notre sujet est «Zazie entre quat'zyeux [à propos de la bande dessinée de Clément Oubrerie]». François l'introduit en rappelant le contexte historique, le succès populaire du roman Zazie dans le métro et les différentes analyses qu'il a pu inspirer : Zazie comme figure de Jésus Christ, comme décalque d’Alice au pays des merveilles ou comme contrepoint à Ubu Roi ; j'enchaîne avec une présentation illustrée des différentes éditions et adaptations de Zazie, depuis Siné, Carelman et Louis Malle jusqu'à Catherine Meurisse (dernière édition en date) en passant par Roger Blachon, Clément Oubrerie (adaptation en BD) et la désastreuse édition «folio plus classique» de 2006 (désastreuse à cause de sa couverture qui n'a strictement rien à voir avec le titre).
Nous nous focalisons ensuite sur la BD. François passe en revue les invraisemblances qu'il a repérées dans la représentation du Paris de 1958 : Paris était noir de pollution, les monuments étaient sales, ici tout est beau et propre. Les taximètres étaient à l'extérieur des taxis, pas à l'intérieur, le flic a un passepoil rouge sur le pantalon, comme les douaniers, etc. Il s'étonne que le dessinateur fasse partir et arriver Zazie de la gare du Nord au lieu de celle d'Austerlitz, ce qui rend incompréhensible certains passages concernant le métro, aérien ou non. À propos de métro, pourquoi avoir choisi comme illustration des pages de garde la station Abbesses qui est un faux caractérisé ? Pourquoi avoir escamoté la grille du métro en grève, ce qui rend les pleurs de Zazie incompréhensibles ? Et pourquoi avoir choisi de représenter Marceline comme une jeune femme black ? À l'époque, c'était invraisemblable, et la simple vision d'un couple mixte aurait focalisé toutes les questions de Zazie et des autres. Il termine en remarquant que le texte a été expurgé des expressions comprenant le mot «merde», mais que la clausule «mon cul» subsiste, sans doute devenue convenable.
J'enchaîne en reprenant de façon plus détaillée mon compte-rendu dans la revue des AVB. En comparant attentivement le texte original et celui de la BD, j'ai remarqué des coupures qui ne doivent pas toutes au travail d'adaptation nécessaire (coupures des descriptions, des «didascalies», des mots trop savants ou trop obsolètes etc.) : il y a en effet des coupures qui concernent ce qui fait tout le sel du roman, c'est à dire l'ambiguïté sexuelle des personnages. C'est ainsi que passent à la trappe toutes les allusions à un Gabriel trop tantouse : le mouchoir mauve très connoté dont il se tamponne le tarin, son évanouissement de fillette chez Turandot, sa peau douce, son épilation du menton, sa façon de baisser modestement les yeux ou de se trémousser quand on lui tape sur la cuisse, son rougissement aux blagues allusives. Des passages entiers disparaissent ainsi :
«vous allez pas nier que c’est parce que la mère vous considère comme une tante qu’elle vous a confié l’enfant ; et Gabriel devait bien le reconnaître Iadssa, iadssa, qu’il concédait»
ou le fameux
«il paraît qu'avec lui je n'ai rien à craindre»
dont l'escamotage rend incompréhensible le dialogue Zazie/Pedro Surplus dans les deux cases du bas de la page 21.
Toute allusion à une Marceline elle aussi ambiguë disparaît de même, et notamment toutes les allusions de Gabriel au fait que Marceline ne sort pas sans lui, ne porte pas de bloudjinnzes, etc. Et plus aucune trace de la scène très hot de séduction réciproque entre Mado ptits pieds et Marceline...
Je poursuis en me demandant ce qui reste du roman après ce lissage et ces coupures (Clément Oubrerie a «coupé ce qui dépassait», dit-il lui-même dans le dernier numéro des AVB en réponse à ma critique).
Et je termine en citant Queneau :
Le succès de Zazie a été un choc qu’il m’a été difficile de supporter. Je disais en ne me disant pas, seulement pour les happy few, je disais et voilà que la foule s’écrie « j’ai compris » même si c’est faux ; c’est impressionnant.

Journée Queneau du 31 janvier 2009 (matin)


La 11e journée Queneau s'est tenue à l'Université de Paris III samedi dernier de 9 h 30 à 17 h. Il est un peu tard pour en faire le compte-rendu mais cela vaut mieux que de ne pas en parler du tout !
Après une introduction par Daniel Delbreil, (à droite sur la photo) professeur à Paris III et spécialiste de Queneau, et quelques actualités d'édition présentées par Bertrand Tassou, secrétaire de l'association des Amis de Valentin Brû, Anne-Sophie Bories, qui fait une thèse sur la versification de Queneau, est intervenue sur son «art poétique» à travers le recueil l'Instant fatal : l'aspect intéressant de son travail est la constitution d'une base de données lui permettant de faire des statistiques sur les différents types de vers, de groupes de vers et de rimes utilisés par Queneau. Éric Beaumatin, linguiste, perecquien, professeur à Paris III, émit le souhait de voir élargir cette recherche à la poésie rythmique chez Queneau, et Véronique Montemont, «roubaldienne» de l'université de Nancy, celui de voir replacer l'art poétique de Queneau dans un contexte plus large que celui de l'Instant fatal et d'appuyer l'ensemble sur une référence en terme de métrique. Puis ce fut le tour de Laurent Fourcault, spécialiste de Giono, sur le thème de «Quelle poésie de la ville dans Courir les rues». Son intervention a d'abord souligné la récurrence du motif de la tranformation de la ville dans ce recueil de 154 poèmes, qu'il qualifie de «conservatoire», puis s'est concentrée sur la présence sous-jacente de la mère à travers une interprétation psychanalytique du métro et de ses bouches. Pour terminer la matinée, Camille Bloomfield, de Paris VIII, (à la droite de Daniel Delbreil sur la photo) nous a donné un passionnant aperçu de son travail sur les archives de l'Oulipo dans son intervention «Un Oulipo potentiel: quand Queneau corrige Bens»: Quel message Queneau a-t-il voulu donner de l'Oulipo à la postérité en censurant les comptes-rendus de séances de Jacques Bens ? Car ses corrections ne sont pas uniquement celle de l'excellent éditeur qu'il était : elles semblent témoigner du souci de Queneau de ne pas voir assimiler l'Oulipo à une bande de rigolos aimant la bonne bouffe et l'alcool, réputation qui lui a tout de même collé à la peau puisque Jacques Bens a publié son ouvrage sans tenir compte de ces corrections, après la mort de Queneau. Claude Debon, (au 1er plan sur la photo) professeure émérite à Paris III, qui a établi l'édition de Queneau dans la Pléiade, rebondit sur cette question en rappelant que Queneau avait arrêté de boire (ce qui le rendait moins drôle) et avait pris quelque distance avec le Collège de 'Pataphysique. Les comptes rendus de Bens montrent en tout cas un certain agacement de Queneau par rapport à Latis. Au déjeuner j'ai demandé à Claude Debon si ce n'était pas aussi à cause de l'homosexualité de Latis, ce qu'elle n'exclut pas. J'en ai parlé le lendemain à Alain Chevrier qui m'a cité de mémoire un mot de Queneau parlant du Collège comme «un nid de tantes».
La suite (l'après-midi) dans un prochain post !

28 janvier 2009

e-timbre

Profitant d'un peu de répit dans mes pannes, j'envoie la photo qui n'était pas passée hier. Celle de la conférence inaugurale du salon du e-marketing au palais des congrès. Beaucoup de monde, rien de très nouveau, une intéressante étude Cap Gemini présentée par Françoise Renaud (UDA) et Brigitte Canteloube (Yahoo) qui montre l'importance considérable prise par le search marketing. Mais surtout j'ai été stupéfaite d'entendre Bruno Florence, président de la commisson e-marketing du SNCD, qui parlait de «tensions sur la délivrabilité» des e-mails, évoquer la possibilité du ... e-timbre ! En 2002, l'ACSEL, alors présidée par Henri de Maublanc, et l'IREPP alors représentée par Paul Soriano, prévoyant ce qui allait se passer avec le spam, publiaient «mille milliards d'e-mails» et proposaient déjà une solution de ce type. Que n'avait-on pas entendu comme protestations à l'époque, de la part de ceux qui la proposent aujourd'hui du bout des lèvres !

27 janvier 2009

Numericable

Je peste contre mon FAI Numéricable : une connexion intermittente et d'une lenteur de limace depuis ce matin. Impossible de charger une photo sur ce blog, impossible d'envoyer des fichiers à mes clients. Au téléphone, un type tout sauf aimable, me récitant avec un accent inidentifiable et un débit accéléré des formules toutes faites qu'il doit lire sur son écran, ne répond à mes questions qu'en répétant ces formules, parmi lesquelles la promesse d'un SMS censé m'avertir lorsque la panne sera réparée. Tu parles, c'est déjà ce qu'on m'avait répondu la semaine dernière, et pas plus de SMS que de beurre en broche. Tout ce que je réussis à comprendre, c'est que je ne suis pas la seule à avoir appelé. C'est fou ce que ça me rassure.
Et là, suspense, est-ce que ce petit texte, au moins, va passer ???

24 janvier 2009

Encyclopédie contextuelle sur le New York Times


Je suis Ouriel Ohayon sur Twitter, et c'est très fatigant parce qu'il n'arrête pas une seconde, il fait quinze posts quand mes autres «suivis» n'en font qu'un seul petit malheureux. Ceci dit, je n'aurais jamais remarqué sans lui la fonctionnalité géniale des textes du New York Times.
Prenez un article, par exemple celui-ci sur Obama. Double cliquez sur un mot, ici «Congress». Une bulle avec un point d'interrogation apparaît. Cliquez dessus, et c'est une pop-up qui s'affiche, avec la définition du mot et sa prononciation, plus l'article de l'encyclopédie de Columbia sur le Congrès américain, son histoire etc.
Je sens que je vais lire encore plus le New York Times que je ne le faisais jusque là !

20 janvier 2009

L'effet Kosciusko-Morizet


La grande salle du cabinet Baker et McKenzie était trop petite pour contenir toutes les personnes subitement désireuses d’assister aux vœux de l’ACSEL, devenue depuis peu l’Association de l’Économie numérique. Nouveau logo, nouveau site Web, nouvelle vidéo (réalisée par Videomark), mais surtout nouveau président, dont la caractéristique principale n’est plus seulement d’être le fondateur et le patron de Price Minister, mais aussi — et pour certains surtout — d’être le frère de Nathalie Kosciusko-Morizet.
Nous nous sommes donc retrouvés à quelques uns, les vieux de la vieille, à l’extérieur de la salle pour papoter de tout et de rien, et par exemple des résistances bien françaises aux systèmes de paiement direct — sans carte bancaire — tels qu’ils se pratiquent au Japon et dans les pays nordiques.
À C., qui faisait remarquer à juste titre que les résistances des banques étaient exactement les mêmes du temps du Minitel, A., vieux routard du paiement en ligne, la moustache fraîchement rasée, a répondu par un proverbe brésilien. « C’est toujours la même merde, il n’y a que les mouches qui changent ».
Au cocktail qui a suivi, notre héros Billauman toujours en forme nous a montré les photos de Billaut 2.0 (son petit fils), et a affirmé sa foi dans la France d'en bas, seule capable selon lui de rebooster l'économie, grâce au nouveau statut d'auto-entrepreneur.

17 janvier 2009

anagrammes "sur le nom d'une amie"

Sur le nom d’une amie

Muse à demi luronne,
Manon sueur de miel,
Almée d’un monsieur...

Leur minou se damne.
Son mal demeure uni
Sur la moue indemne.

Même un dinar soule
Le rein ému d’un maso.
Mimons un duel aéré,

Miaulons une merde
Sur la nuée immonde !
Le démuni nous arme.

L’amour se mue en nid.
Il émane d’un remous,
Il a un nom démesuré.

05 janvier 2009

Beuh... onéreuse année 2009


Et c'est reparti pour un tour : bon tour ou mauvais tour, c'est à peu près la même chose, disait Victor Hugo. N'empêche, à chacun son tour. Parmi les bons que je vous souhaite, il y a un tour du monde, un tour du propriétaire, le quart de tour d'un bon départ, des tours de phrases et des tours d'esprit, le tour de main pour vos poèmes voire un ou deux tours de force, quelques tours de valse, et suffisamment de tours dans vos sacs. Vous éviterez en revanche le tour de rein pernicieux, les centimètres en plus au tour de taille, le vilain double tour de la trouille et les méchants tours de vis. Je ne parle même pas du Tour de France.