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06 avril 2019

Le sirex géant (sonnet)




Ils étaient deux copains ramant sur un kayak
Qui descendaient gaiement les gorges de l’Ardèche
Et leur embarcation filait comme une flèche,
Un matin tôt après une nuit de bivouac,

Quand soudain l’un des deux est saisi par le trac :
Il a les yeux tout ronds et sa bouche s’assèche,
Une vision d’horreur de pagayer l’empêche,
Car il voit se poser un insecte commac

Sur le crâne de l’autre. Une guêpe géante !
Un monstre comme ceux qui nos cauchemars hantent.
Sur la tête de son pote alors il abat

Sa rame, l’assommant. Mais l’insecte s’envole.
Il est aisé de voir là-dedans faribole
Mais le sirex géant, lui, existe ici-bas.

E.C.

02 octobre 2012

Queneau de la Vergondère, ou le Chiendent mongol

En vacances en Ardèche à la mi-septembre, j’entendis un jour, pendant la sieste, M. pousser un cri. — « Viens voir ! » Je me penchai sur l’écran du petit PC portable qui affichait la page Wikipédia consacrée à Queneau, et mes cheveux se dressèrent sur mon crâne. 

J’y lus que mon auteur préféré était né à Montpellier en 1902, mort à Paris en 1980 à l’âge de 78 ans, que ses langages d’écriture étaient le français, le japonais et l’allemand, qu’il s’appelait en réalité « Queneau de la Vergondère », et que c’est lors d’un voyage en Mongolie qu’il avait écrit Le Chiendent !

Que faire ? J’interviens, de temps à autre et sous différents pseudonymes, sur des articles de Wikipédia. Il m’aurait donc été possible en théorie de rectifier l’article, mais les ondes Wifi de nos voisins, pour pénétrer jusqu'au PC portable, doivent traverser l’épaisseur des murs de pierre ardéchois, ce qui rend notre connexion de vacances aussi précaire qu’aléatoire. 

Ayant retrouvé à Paris des conditions plus confortables, j’ai pu constater que la vérité historique avait plus ou moins repris ses droits et que l’article avait été remis dans un de ses états initiaux par un Michel-Georges Bernard, lequel précisait être intervenu à la suite d’une « plaisanterie ». 

Une plaisanterie ? Il suffit de se pencher sur l’historique et les discussions archivées par Wikipédia pour voir que son auteur, un certain « Senuoy97 », nouveau sur Wikipédia, l’avait renouvelée à plusieurs reprises avant d’abandonner — définitivement ? nous ne sommes que le 2 octobre — vers le 30 septembre. 

D’autres intervenants invoquaient des « corrections de date par un IP sans source ». En effet, pour corriger un article, surtout s’il s’agit de corrections de fond, pas de typo ou d’orthographe comme les miennes, Wikipédia impose que l’on soit identifié. C’est sans doute pour cela que notre plaisantin s’est enregistré sous le pseudonyme « Senuoy97 ». 

On peut noter que Senuoy donne Younes à l’envers, un prénom arabe qui ressemble très fort au prénom biblique Jonas, et que 97 peut tout aussi bien désigner une origine géographique dans les Dom Tom qu’un numéro d’ordre (le 97e Senuoy).  Mais tout cela ne nous mène à rien.

Parmi lesdits intervenants, un certain Arcane 17 annonce avoir « retiré de l’article » un « Paragraphe indémêlable » que voici : 
« Lors d'un voyage en Mongolie en 1932, à l'écart entre les langues parlées et les langues écrites, écart flagrant pour le grec moderne, mais très creusé aussi pour le français. Il précisera ces réflexions dans des articles sur le « néo-français », et les utilisera ici et là dans ses romans, comme le très fameux « doukipudonktan » ouvrant Zazie. Il y composa également son premier roman, Le Chiendent, qui fut publié en 1933. (Pour l'occasion fut créé le Prix des Deux-Magots). D'autres livres suivront, romans et recueils de poèmes, sans succès public dans un premier temps. » 
En effet, c’est non seulement indémêlable mais même indémerdable ! Sans doute le choix de la Mongolie pour remplacer la Grèce a-t-il été suggéré à Senuoy97 par cet extrait d’un texte de Michel Leiris, l’ami de Queneau : 
« Un autre trait qui me frappe chez lui, c'est son horreur de l'exotisme. Vous savez, bien sûr, qu'il n'aime guère les voyages, et cela peut surprendre puisqu'on lui connaît une curiosité inlassable à l'égard de toutes choses. Sans doute regarde-t-il l'exotisme — cette mythification de ce qui est étranger — comme une mystification pure et simple. » 
La mystification qui nous occupe, celle de Senuoy97, quel but poursuivait-elle ? Pourquoi s’attaquer à la bio d’un auteur français somme toute assez peu controversé de nos jours, pour y faire des modifications sans enjeu politique ni idéologique ni même littéraire ? Et s’il y a plaisanterie, qui fait-elle rire et de qui se moque-t-on ? 

Intéressante question à laquelle pour le moment je ne vois qu’une seule réponse possible : monsieur Senuoy97 est prof de français dans un lycée, il prépare au bac littéraire une tripotée de boutonneux incultes qui ne savent pratiquer que le copier-coller pour rédiger leurs dissertes. Il cherche donc à les piéger la main dans le sac, et, pour cela, modifie les parties les plus « énormes » de la bio de Queneau sur Wikipédia,  source principale des boutonneux : son nom, ses date et lieu de naissance, les circonstances de la création de sa première œuvre. 

Si quelqu’un a une autre explication, je suis preneur ! 

Il ne me reste qu’à déplorer l’état de l’article français sur Queneau dans Wikipédia, même corrigé. Nulle mention de Janine Queneau, allusion à la « bibliothèque de la Pléiade » au lieu de l’encyclopédie, mention du Surréalisme et pas de la ’Pataphysique dans l’encadré de droite sur les mouvements, et j’en oublie. L’article en anglais est bien meilleur, il aurait suffit de le traduire pour éviter les bourdes. 

Quand donc les spécialistes français des études queniennes — et j’en connais un certain nombre — réaliseront-ils l’importance d’un article Wikipédia et la nécessité de participer à sa rédaction ?

12 décembre 2011

Vida tragique d'En Guilelm de B., par M.


Oyez oyez, fans de M., vous qui suivez sur ce blog les élucubrations mathématico-poétiques de votre héros, qui goûtez son humour décalé, ses réflexions inattendues et sa logique d’enfer, sachez que le charme qui vous séduit tant chez lui, vous allez le retrouver dans Vida tragique d’En Guilelm de B., son bouquin enfin paru — depuis quatre ans qu’on essayait de l’éditer — je dis on, car sans l’insistance de ses amis, il n’aurait même pas envisagé la chose. 
L’intitulé, à la fois érudit et ironique (une vida, c’est une vie en occitan, mais celle-ci n’est pas vraiment tragique, elle est plutôt  tragicomique) cache, sous ses airs anciens de titre de grimoire pour vieil historien grincheux, un récit désopilant : celui d’un épisode de la vie d’un chevalier troubadour, amoureux, qui parle en vers à son cheval, se couvre de bravoure et de ridicule, et « scie sciemment la branche sur laquelle il est assis, et après […] se plaint d’être tombé sur le cul ». 
Le récit en question, truculent côté action, poétique côté descriptions, truffé d’allusions, émaillé d’emprunts plus ou moins cachés à des auteurs de tout poil et de toutes époques, de Théophile de Viau à Proust en passant par Montaigne, est rythmé par des extraits de poèmes des principaux troubadours, traduits par M. après les avoir mis dans la bouche de ses personnages, et parmi lesquels il glisse une sextine de sa propre composition. 
De même n’hésite-t-il pas, dans le cours du récit, à dialoguer avec son héros Guilelm, se traiter lui-même de « minable et sommaire historien amateur », ménager une pause pour Guilelm et son auteur, tous deux épuisés, ou faire brièvement le prof pour expliquer au lecteur la signification de mélismes ou de canson
Pour fabriquer cet objet littéraire pas vraiment identifiable, il aura fallu que prenne une sacrée mayonnaise : jeunesse ardéchoise, riche musique du patois, enseignement des mathématiques, étude de l’occitan, lecture de milliers de bouquins, fréquentations oulipiennes, recherches sur les troubadours, etc.
Gérard Lattier, son ami de toujours, a signé les illustrations et lettrines enluminées, Jean-Bernard Vazeilles la préface. Hervé Ozil, de Lagorce, l’a édité. Qu’ils en soient tous les trois remerciés.
Vida tragique d'En Guilelm de B., Maurice Chamontin, Les éditions du Chassel, Rue de l'Horloge, 07150 LAGORCE. 176 pages, 18 euros (20 euros port compris). editionsduchassel@wanadoo.fr

13 avril 2011

Accélération

Les vacances se terminent, elles furent superbes. Dix jours de franc soleil au cours desquels nous avons observé, M. et moi, dans une sorte d'accélération du temps, l'apparition du printemps, sa brève installation  puis son remplacement rapide par l'été. Le marronnier, dont les feuilles vert tendre pointaient à peine à notre arrivée est maintenant couvert de grappes roses et blanches et joue pleinement son rôle de faiseur d'ombre. Les iris sont apparus le long du muret, les blancs d'abord, les bleus ensuite, ils sont fanés aujourd'hui. Les lauriers-tins ont viré du blanc au rouille et les pissenlits dont l'herbe de l'aire était parsemée ont éclaté en boules gris-poudre. Les insectes ont grouillé, les chauves souris ont dansé chaque soir au chant du rossignol, les tartalasses ont plané, on a même vu un frelon géant, quelques scorpions, et un hanneton dont je croyais l'espèce disparue. 
— C'est décevant, dit M. Pourquoi ça s'est arrêté ? Je m'attendais à voir les feuilles jaunir puis tomber, l'aire roussir et sécher, et la neige se mettre à tomber.