11 avril 2009

Meschonnic et l'Oulipo


Au dernier jeudi de l'Oulipo, avant hier, les oreilles d'Henri Meschonnic auraient dû siffler aux fines allusions de Jacques Jouet. Auraient dû, seulement, car il était mort la veille. Mais Jacques Jouet ne le savait pas encore. Le moins qu'on puisse dire, c'est que Meschonnic n'était pas l'ami de l'Oulipo, qu'il critiquait régulièrement dans ses essais et interviews. Voir par exemple cet entretien sur le site des éditions Verdier, dans lequel Roubaud est particulièrement visé :

[Roubaud] a écrit dans un livre appelé Poésie etcetera : ménage, qu’il n’y a pas de rythme dans la prose. Autrement dit, pour lui, le rythme est uniquement métrique. Il est en plein dans cette confusion qui remonte à Platon, et fait le contraire de ce que disait Aristote. [...] le vers est le domaine même du rythme, il n’y a de rythme que dans les vers, et la prose est dénuée de rythme. C’est ce que redit encore Jacques Roubaud. Déjà, les spécialistes français du XVIIIe siècle savaient qu’il y a du rythme dans la prose.

Les enjeux théoriques de ces controverses sont certainement importants, mais ils m'échappent un peu. De toutes façons, il n'y aura pas de survivants.

10 avril 2009

Chemin de croix


Cette histoire commence au jardin des olives
Par une trahison et une arrestation
Que suit incontinent une condamnation
Et le reniement d’un disciple qui s’esquive.

Un jugement s’ensuit, puis il faut qu’on décrive
La séquence assez hard d’une flagellation,
La croix n’arrivant qu’à la septième station ;
Pour son transport, Simon est la locomotive.

Les femmes, devant ça, pleurent, bien entendu.
Ensuite, sur le bois, le condamné pendu
Promet à son voisin sympathique un royaume,

Et confie à sa mère un copain éperdu
Avant de décéder sans être descendu.
À la fin on le met en terre et on l’embaume.

EC
(Sonnet de circonstance : contrainte = une station par vers.)

NB : il y a plusieurs traditions pour les stations, je me suis appuyée pour la circonstance sur celle-ci : http://infocatho.cef.fr/fichiers_html/cefpaques/rjcpqcrx00.html

01 avril 2009

La vérité relative


Reçu avec plaisir de Jacques Perry-Salkow son second livre d'anagrammes, en librairie le 4 avril prochain. En dédicace, ce beau sous-titre autoréférentiel : la vérité relative...
À l'instar du précédent, le Pékinois, (le Seuil, 2007), ce recueil, fait «pour sourire et rêver», cherche dans les lettres des noms de personnalités connues du monde pipole, politique ou artistique, mais aussi de personnages historiques ou littéraires, l'ordre qui révèlera le mieux leur personnalité profonde ou ce qu'il en imagine. Avec, en bonus et fin, une savoureuse réécriture des dix commandements dont, à la veille de la fête des mères, je ne peux résister à vous livrer le sixième : Tu honoreras ton père et ta mère/ton père taré ou ta mère en short, ni le septième : Tu ne commettras point l'adultère/Mais compte-t-on la tendre turlute ?
Comme dans tout ce qu'écrit Jacques, l'accent est mis sur la fluidité, le sens et la poésie de l'écriture, de sorte que si l'on n'était pas averti par le titre du recueil, on pourrait le lire sans se douter qu'il s'agit d'anagrammes, exactement comme Sorel Eros, le livre-poème qu'il a écrit avec Frédéric Schmitter (non publié) ne laisse pas deviner qu'il s'agit d'un palindrome, et a fortiori du plus grand palindrome jamais élaboré.
Jacques Perry-Salkow appartient donc à cette race d'auteurs à contraintes pour lesquels la contrainte, technique qui a permis la naissance du texte, ne doit pas être visible au premier abord, mais seulement après un effort de lecture supplémentaire.
«Hermétique ne suis, herméneutique accepte», comme disait Raymond Queneau.
À propos de fête des mères, donc, une excellente idée de cadeau : Le Seuil, 13 €.