02 décembre 2010

Normes énormes

L'expat' Laurent C., isolé dans sa lointaine Ukraine, a eu la bonne idée de s'abonner à La Quinzaine littéraire. Il y a trouvé l'autre jour un article intitulé «Raymond Queneau et les premières années de l'Oulipo» et signé de Jacques Duchateau, membre de l'Oulipo depuis le début (il est né en 29). Comme cet article traite des rapports de l'Oulipo avec la 'Pataphysique, il a pensé que cela m'intéresserait. Il avait raison : non seulement ça m'a intéressée, mais ça m'a hallucinée !
Selon Duchateau, qui fait très fort dès l'intro, il y aurait eu au début 3 groupes d'Oulipiens : 
1) Le groupe des scientifiques, dans lequel il met Claude Berge et François Le Lionnais (puis Paul Braffort plus tard), 
2) Celui des pataphysiciens, avec Latis et Noël Arnaud seulement.
3) Celui de cinq autres membres « beaucoup plus proches instinctivement des scientifiques que des 'pataphysiciens » [sic, aussi pour l'apostrophe] à savoir  Bens, Lescure, Queval, Schmidt et Duchateau lui-même. 
Toujours selon le même Duchateau,
Queneau, [...] appartenant aux trois Groupes, [...] voulut intégrer l'Oulipo à l'intérieur dudit Collège. On peut s'interroger sur les raisons profondes d'une telle fusion, impliquant que tous les travaux de l'Oulipo soient considérés comme relevant de la 'pataphysique, ce qui n'était absolument pas le cas, y compris d'ailleurs aux yeux de Queneau...
Passons sur la séparation qu'opère Duchateau entre la 'Pataphysique et la Science. Elle est proprement ridicule pour qui connaît un peu ce dont il s'agit. En effet, pour le Satrape Queneau comme pour tous les pataphysiciens — et parmi eux le Dataire Jacques Bens (par ailleurs agrégé de Sciences Naturelles) et le Régent François Le Lionnais, qui bizarrement semblent tous deux exclus du Collège par Duchateau —  la 'Pataphysique est la Science. 
Passons donc et interrogeons plutôt ce Collège, qui a gardé précieusement les traces de cette époque, en particulier des lettres de Bens et de Queneau, d'ailleurs montrées à Duchateau, paraît-il très étonné de la démarche du Transcendant Satrape qui souhaitait que l'Oulipo « soit quelque chose dans le Collège de 'Pataphysique ». Pourquoi le voulait-il tellement ?
Selon Jacques Bens, l'Oulipo qui liait la mathématique et la littérature et s'attachait à la forme plus qu'au contenu, permettait de sortir enfin de ce contenu, qui était devenu (avec Sartre et Camus, entre autres) l'ornière dans laquelle s'entassaient pêle-mêle sentiments, politique, morale, métaphysique etc.
Mais Queneau, qui selon le P.E.G. actuel « était loin d'être un âne », n'avait-il pas pressenti que l'excès de forme comportait lui aussi un risque ? À la question de savoir si les contraintes consistaient à inventer des normes, il répondait oui, mais « des normes énormes » ! Bref, si la contrainte oulipienne n'est pas pataphysique, ne risque-t-elle pas de devenir académique ?

26 novembre 2010

Pétaflop

Aux infos du 13 h de France 2, le journaliste « scientifique » s'extasie sur le supercalculateur français, 6e du monde, destiné à modéliser les essais atomiques qu'on s'est engagés à ne plus faire. « Il peut faire autant d'opérations en 1 seconde que l'ensemble de la population mondiale en 48 heures » dit-il en levant les bras au ciel.
— Dans la mesure où 99 % de la population mondiale ne dépasse pas les opérations à deux chiffres, ça fait pas tellement, dit M.

21 novembre 2010

La suite dans les Actes !

Le 14e colloque des Invalides se tenait vendredi dernier au Centre culturel canadien, sur le thème Films et plumes. Vous connaissez la contrainte ? Cinq minutes, pas une de plus, par intervenant. Cette forme inhabituelle a pour effet de rendre le colloque toujours passionnant, parce qu'on n'a jamais le temps de s'y emmerder.
Certes, il est des universitaires qui ont du mal à changer leur rythme habituel et qui, perdus dans leur idée, ne voient pas s'avancer, inexorable, celui qui leur coupera le sifflet par ces mots sans pitié : «la suite dans les Actes!» La salle rigole et le pauvre orateur le prend plutôt bien, de toutes façons c'est chaque année son problème.

C'est Alain Chevrier qui a démarré cette année, et tout essoufflé par l'effort qu'il avait dû fournir pour arriver à l'heure de sa province, il a débité dans les temps impartis son texte Cinépoésie sur les poètes et le cinéma, conviant successivement et sans respirer Apollinaire, Soupault, Aragon, Cendrars, Desnos, Péret, Prévert, Cocteau, Michaux, Isou, Queneau (Ah! le chant du Styrène...), Grangaud, Gleize, Alféri, et Baetens.

Daniel Zinszner lui a succédé, évoquant le professeur Frœppel (oui, celui de Tardieu), pour suggérer la création d'un indice ϰ (kappa) de cinématographitude des textes, destiné à mesurer leur capacité à produire des images mouvantes. Sur cette échelle de 1 à 10, le sonnet en X de Mallarmé aurait un ϰ de 0,76 alors que Les Trois mousquetaires flirteraient avec le 9,99.

Marc Décimo, qui a un don pour dénicher les choses curieuses, a enchaîné sur Michel Bréal au cinéma, montrant à l'écran de délicieux petits films d'époque, muets bien entendu, dont une conférence, désopilante à regarder, du fameux linguiste dont on adore les yeux malins.

Avec Paul Schneebeli, on a abordé sous le titre Imperia et Tue-la-Mort le domaine passionnant du cinéroman des années 1904 à 1935, et des rapports marketing étroits entre films et journaux de feuilletons comme le petit Parisien, dont le tirage, ainsi attisé par le cinéma, put atteindre 1 million d'exemplaires par jour.

Claude Makowski a ensuite abordé la Physique du film, d'abord avec le nitrate de cellulose qui brûlait bien dans les incendies, puis avec l'acétate de cellulose, pas plus durable et puant l'acide acétique, pour s'inquiéter de l'avenir des supports numériques actuels.

Christophe Bourseiller a évoqué en Debord Celui qui tourne et détourne, finalement rattrapé par le Beau comme en témoignaient les magnifiques extraits qu'il nous a passés.

Françoise Gaillard nous a révélé les films de cul que Flaubert se projetait dans sa tête (c'est à dire dans ses avant-textes), et notamment à propos de Salammbô, qualifié par lui-même de « baisade sous le péplos ». Comme je sors de l'expo Gérôme, je comprends mieux.

J'attendais après la pause café Alain Zalmanski, qui chaque année s'attache à détourner le sujet et qui cette fois nous a montré une liste d'images de films dont le titre contenait le mot « plume », depuis Plumes de cheval des Marx Brothers jusqu'à certaine Plume perverse classée dans le « charme ».

Henri Béhar, grand spécialiste du surréalisme, avait préparé une étude sur Roger Vitrac, le retour de manivelle. Il a été coupé par le gong des 5 min, mais a pu citer un de ses dialogues dont je me rappelle ceci : « je méprise l'argent, alors il se froisse ».

Avec Pascal Durand c'est Mallarmé qui déclare à propos d'un projet de livre illustré : « je suis pour — aucune illustration. Mais si vous employez la photographie, que n'allez vous droit au cinématographe ? ».

Anne-Violaine Houcke a enchaîné avec Pasolini ad bivium, montrant le dynamitage méthodique du classicisme grec par le cinéaste du trivial au sens propre (le carrefour des trois voies où se tient la prostituée).

Jean Vallier a poursuivi avec les rapports entre Losey et Duras (leur correspondance est conservée à Londres) et les échecs successifs de leurs tentatives de collaboration.

Dominique Noguez s'est ensuite moqué des écrivains coincés, méfiants, coquins et givrés face au cinéma, qu'ils condamnent a priori (Duhamel), ou dans lequel ils voient une émanation de la plus basse humanité (France). Sans parler de Suarès qui parle d'un art de singe. Alain et Proust restent réservés. Aragon, Picabia, Desnos et même Colette feront basculer la culture du côté du nouvel art.

À la table du déjeuner, partagée avec mon amie Sophie et Philippe Didion, j'ai appris de ce dernier une récidive en plagiat de « gîte pour clébard », hin hin hin, qui m'a honteusement réjouie (1).

Un peu alourdis par le confit de canard aux pommes sarladaises, nous avons écouté Yves Thomas nous parler de Louis Feuillade et de Paris aux pieds de Fantômas.

Puis Marc Dachy nous a montré un étonnant film de Man Ray, monté en catastrophe à partir de pellicules impressionnées directement par l'ombre d'objets éclairés (sans que les objets la touchent), et de séquences de  vraies images filmées à la caméra.

Maurice Culot a parlé des rapports de Marcel Lherbier avec Georgette Leblanc, 54 ans, la sœur de Maurice et l'égérie de Maeterlinck, dont il s'éprend à 26 ans alors qu'il sort avec sa nièce, tout en étant homosexuel, enfin je n'ai pas tout compris.

Olivier Salon a assumé totalement et sans vergogne aucune son hors sujet en nous offrant un beau présent plutôt coquin sur les lettres de Films et Plumes, intitulé Les sept mille puits. Genre « le lit est le lieu usité, le slip étui fesse et festif etc.»

Bernard Girard a parlé du ciméma lettriste et des cinéastes lettristes. Mais j'ai eu comme une baisse d'attention, là.

Jean-Michel Durafour a nettoyé de façon salutaire quelques malentendus sur Kafka vu uniquement comme victime de la bureaucratie, en montrant qu'il allait au ciné comme à la noce, lisait Paul Bourget, allait au bordel comme tout le monde et écrivait aussi des trucs pornos.

Crevée par une récente opération et les médicaments y attenant, j'ai failli partir à la pause café mais j'ai bien fait de rester.

C'est Rohmer qui a repris le marathon avec Noël Herpe. Rohmer écrivain ? Ou Rohmer adaptateur d'œuvres littéraires qu'il respecte à la lettre comme la Marquise d'Ô, Perceval le Gallois, l'Astrée. On regrette qu'il n'ait pas mené à bien son projet des Petites filles modèles.


Alice d'Andigné a mené tambour battant son intervention en 5 min pile sur le thème Plus c'est court moins c'est long  et s'est interrogée sur les standards de durée, observant qu'avant ces standards le cinéma prenait les œuvres à bras le corps.

Sima Godfrey, toujours brillante, a orienté son intervention sur les Indiens de cinéma et leurs coiffes de plumes, que la plupart des vrais Indiens, sauf les Sioux, n'ont jamais portée. Ou comment grâce au cinéma, l'Indien en est réduit à des plumes.

À tout seigneur tout honneur, le mot de conclusion est revenu à Nelly Kaplan, en pleine forme, avant une table ronde et rondement menée comme le reste, où l'on a beaucoup parlé de Proust, de ses critiques contre le cinéma et de sa lanterne magique.

La suite dans les Actes ! Ils seront publiés, comme les précédents,  aux éditions du Lérot, 16140 Tusson.

(1)  Extrait des Notules dominicales de Culture domestique de Philippe Didion : En feuilletant Livres Hebdo : Découvert dans la page "Annonces classées", sous la rubrique "Divers" : "Dans L'odyssée Cendrars (Ecriture, 2010, pp. 190-192) M. Patrice Delbourg a utilisé un long passage de l'article de M. Jérôme Meizoz "Blaise Cendrars antisémite" (Le Courrier, Genève, 5 avril 2007), sans le créditer. Le présent avis tient lieu d'accord entre les parties." Ce n'est pas la première fois que l'intéressé, qui aime tant les calembours qu'on a du mal à ne pas le surnommer Patriche Delbourg, se fait prendre les doigts dans le pot de confiture. 

12 novembre 2010

Abstraction

Maria Montessori
Gérard Berry, de l'Inria, Régent de Déformatique au Collège de 'Pataphysique, membre de l'Académie des sciences et prof au Collège de France, arrive à se trouver quelques moments perdus. Il les occupe à éveiller les petits de l'école Montessori aux joies des mathématiques.
Voici ce qu'il nous a conté dimanche soir, en sortant de la cité Véron où était présenté le Faustroll annoté, qui paraît le 18 novembre prochain aux éditions de la Différence et que je vous recommande d'autant plus chaudement qu'il fait un temps de novembre.
Pour faire comprendre les nombres aux enfants, il leur pose des questions :
— par exemple, qu'est-ce qui représente le 1 ?
— C'est moi, ou c'est toi, ou c'est lui.
— Et le 2 ?
— C'est Papa et Maman !
— Et le 3 ?
— Papa, maman et moi.
— Le 4 ? Euh.. les 4 pattes du chien !
— Bien !
— Les 4 pattes du chat !
— Bien aussi !
— Le 5 ?
— Les doigts de la main.
— Le 10 ?
— Les doigts des deux mains, ou des deux pieds, etc.
Et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il arrive à soixante.
— Soixante ?
Grand silence, les gosses cherchent.
Soudain, un gamin lève le doigt.
— Oui ?
— Je sais ! C'est l'âge de la retraite !

11 novembre 2010

Pepero

Le 11 novembre, c'est quoi pour vous ?
Le 315e jour de l'année ?
La fin de la première guerre mondiale ?
La journée des dupes ?
Le 21 brumaire ?
La saint Martin ? (Bonne fête, Martin !)
Le jour de naissance de Maurice Leblanc, Fiodor Dostoïevski et Jack London ?
Certes, c'est tout cela, mais c'est aussi et surtout... le Pepero Day !
Le Pepero Day, c'est un peu la Saint Valentin coréenne : ce jour là les jeunes gens s'offrent entre autres cadeaux ces biscuits au chocolat qui ressemblent nos Mikado. Ils ressemblent aussi à des «1», d'où le choix du 11/11.
Alors joyeux Pepero day à tous !

10 novembre 2010

Limite

Nous parlons, M. et moi, d'un monsieur vieillissant mais qu'accompagnent, depuis qu'on le croise, des filles de plus en plus jeunes. 

45 ans  environ pour l'antépénultième, 35 pour la pénultième, et visiblement 25 pour la dernière, si pas moins.

— Quand la fille aura 0 ans, il mourra
dit M.

Et devant mon air interrogatif, il précise, en bon mathématicien :
— C'est sa limite.

(phot. Wikimedia Commons)

07 octobre 2010

Du nouveau dans Facebook

Marc Zuckerberg, le patron de FaceBook a annoncé hier sur le blog facebook d'importants changements concernant le fonctionnement des groupes. Il est désormais possible de créer des groupes dits « fermés » dans lesquels on peut publier des photos, des vidéos et des textes, que seuls les membres du groupe peuvent voir. Idéal pour les groupes familiaux, par exemple, qui peuvent s'envoyer les photos du petit dernier sans enquiquiner la masse de leurs amis (et amis d'amis) qui n'en a rien à faire. C'est ce que notre famille a testé, en se créant un groupe de ce type. Nous avons même pu "chatter" à plusieurs à la fois, ce qui n'était pas possible dans l'ancien système. Mais comme à chaque innovation, on s'aperçoit assez vite qu'un certain nombre de problèmes ont été sous-estimés. Par exemple, un administrateur de groupe peut vous inscrire dans un groupe même si vous ne l'avez pas demandé : vous recevez alors une notification par mail, et si vous êtes quelqu'un de très populaire, cela devient vite aussi pénible que du spam. D'autant que vous recevez une notification à chaque message d'un membre du groupe Les gens s'en plaignent déjà, d'après le site readwriteweb.com. [Ajouté plus tard : et pourtant il est possible de paramétrer aussi l'envoi des notifications. Il est vrai que ça n'est pas visible du premier coup d'œil.] Deuxième problème, si les publications d'un groupe «fermé» sont effectivement masquées aux yeux de vos amis et amis d'amis, ses membres apparaissent par contre en clair si votre paramétrage n'a pas été verrouillé lors de la création [Il est possible de choisir «secret»]. Imaginez que vous créez un groupe «fermé» avec des collègues. Votre patron ne voit pas ce qu'il s'y dit mais voit qui appartient à ce groupe, et peut vous demander quelques explications ! Quant à vos collègues, ils découvrent que certains d'entre eux sont en plus vos amis alors que eux ne le sont pas, ce qui peut être la source d'autres problèmes... Certains, comme le Canadien Mark Evans, voient déjà dans cette évolution une preuve de plus de la mainmise de Facebook sur les contenus des utilisateurs. D'autres sont plus enthousiastes, à l'instar de Chris Pirillo qui fait remarquer que les photos de vous complètement bourré après une fête ne seront vues que par ceux que vous aurez triés sur le volet. D'autres enfin comme Venturebeat voient dans ces nouvelles fonctionnalités une offensive sérieuse de Facebook contre Google. Je ne suis pas loin de partager ce sentiment, mais des améliorations semblent nécessaires. Wait and see.

28 septembre 2010

Requiescant in pace

Un reportage sur France 2 nous montre entre midi et deux une population allemande vieillissante qui ne supporte plus le bruit des enfants. Une vioque paraît même prête à tirer dans le tas d'un jardin d'enfants situé devant chez elle : elle prétend que leurs piaillements dévalorisent son bien immobilier.
« Ils devraient construire les crèches près des cimetières », suggère M., toujours rationnel. « Comme ça, ils seraient sûrs de ne pas avoir de plaintes de la part des voisins. »

27 septembre 2010

démission

J'appelle M. ce matin.
— « Devine ce que j'ai lu sur Twitter ! Kouchner aurait démissionné. Il paraît qu'il a envoyé sa lettre de démission en août ».
— « Ah bon ? » répond M. « Et elle n'est pas encore arrivée ? »

25 septembre 2010

Lion

Au café, nous regardons vaguement une émission de TF1 sur les bêtes sauvages en captivité.
Une séquence montre Gervais,
propriétaire de cirque et dompteur vieillissant, obligé de décrocher et de se séparer de ses fauves.
« Une partie de lui-même restera toujours dans la cage aux lions », dit la voix off. J'entends M. rire doucement.
« La question est de savoir laquelle » dit il.

17 septembre 2010

Chabrol

Nouveau look, nouvel élan peut-être ? On verra bien.
En attendant, voici pour les fans de M. sa dernière histoire:
M. veut traverser le boulevard Haussmann, mais les voitures (et même un bus) refusent de s'arrêter au feu rouge.
Un monsieur râle, M. lui dit : «vous avez raison, ne nous laissons pas avoir» et ils traversent, obligés de forcer la voie qui pourtant leur est verte.
Le monsieur, tout content, dévisage M. et lui dit : « vous avez quelque chose de Chabrol » (M. n'a pas grand chose de Chabrol, sauf peut-être un je ne sais quoi de bienveillante ironie dans le regard).
— «Euh», répond M. décontenancé : «Sans doute l'espérance de vie!».

16 juin 2010

Question de sens

Nous regardons les infos de France 2 sur les terribles inondations du Var.
Déjà Élise Lucet nous épate en disant : «il s'agit d'un phénomène typiquement météorologique» [sic].
Puis quelqu'un témoigne :
« C'était un torrent, dans tous les sens du terme » [resic].

Surtout dans le sens de la pente, dit M.

11 juin 2010

Tourner rond

On m'a fait remarquer, et on a eu raison, que mon blog n'est plus mis à jour avec autant d'assiduité que naguère. Il y a au moins deux raisons à cela. 

— Facebook d'abord, sur lequel je publie maintenant les liens, les images, les contrepèteries et les bons mots faciles que j'aurais mis sur Blog O'Tobo avant.  Facebook est idéal pour partager avec un lectorat de copains ce genre de trucs, comme dans une conversation. De plus, c'est immédiatement gratifiant, il y a toujours un ami en ligne pour apprécier, commenter, ou «partager» avec d'autres votre publication. Sur Twitter (où je suis aussi mais sous un pseudo), ça va encore plus vite, mais il faut ne faire que ça.
Alors : chronophagie ? paresse ? Sûrement, mais pas uniquement.
Il y a une autre raison.

— J'avais consacré une bonne partie de mon blog à mes commentaires et comptes rendus d'œuvres de littérature oulipienne ou formelle, avec enthousiasme et dans le désir sincère de faire connaître et, oui, de « vendre », comme on dit dans le marketing, les bouquins que j'appréciais. 
Mais l'auteur reste un auteur, même s'il est oulipien, et l'auteur a tendance à se prendre assez souvent au sérieux. Ce qui m'a valu quelques mésaventures, dont la dernière (que j'ai dû solder par la suppression pure et simple d'un de mes articles) m'a un peu coupé le sifflet blogueur. Que voulez-vous ? Je n'ai plus envie. 

C'est dommage pour Paul Fournel, un mec qui, lui, ne se prend pas au sérieux, et dont la lecture de « besoin de vélo »  hier soir était formidable. S'il l'avait faite il y a quelques semaines, je vous en aurais fait un super compte rendu, avec une super photo de lui en train d'enlever son froc sur scène pour apparaître en tenue de cycliste, ou de lui buvant à la gourde, et pédalant en offrant à notre contemplation une musculature de la jambe plutôt remarquable pour son âge !

Mais je n'avais même pas emporté mon appareil photo. Ma vraie motivation pour aller à la BNF est devenue le repas post lecture que nous nous offrons depuis des années entre potes de la liste Oulipo.

Je me contente donc de cette illustration et je vous recommande chaudement son bouquin «Besoin de vélo», comme tous ses autres. C'est en le lisant que vous apprendrez (entre autres choses délicieuses) que la pratique du vélo peut devenir une philosophie. Selon Paul Fournel et les gyroscopes, pédaler donne de l'équilibre, c'est à dire fait tourner rond.

Je ne peux que suggérer à certains auteurs de se mettre enfin au vélo.

07 mai 2010

01 mai 2010

Tristan Bastit à Va l'Heur

La librairie Va L'Heur, 27 rue Rodier, 75009 Paris, va troquer son pas de porte pour un site plus virtuel : www.valheur.fr. En attendant, et jusqu'au 2 mai inclus, elle abrite des œuvres récentes de Tristan Bastit : dessins, collages, «dispersions». C'était hier l'inauguration en présence du peintre et de ses nombreux amis oupeinpiens, oulipiens, ou pataphysiciens. J'ai écrit sur le livre d'or que Tristan pourrait pisser sur une feuille blanche, que je reconnaîtrais à coup sûr que c'est de lui. Peu de peintres me font cet effet là, contrairement aux musiciens que j'identifie en général au bout de trois ou quatre mesures, à ce je ne sais quoi qui est leur signature. À quoi identifié-je Tristan Bastit ? À ses angles ? À la façon dont il découpe l'espace de la feuille ou de la toile ? À son trait rapide et rugueux ? À ces formes qui ressemblent à des sculptures ? Je n'en sais rien, mais ça fonctionne. Je ne peux qu'encourager les lecteurs de ce post à aller le découvrir aujourd'hui ou demain à l'adresse indiquée au début.

29 avril 2010

Lire et Choir


C'était hier à la librairie « Le comptoir des mots » où Frédéric Forte est en résidence depuis septembre 2009. Il avait prévu une lecture avec Emmanuelle Pireyre  qui, retardée par les cendres du volcan islandais, a dû annuler. Qu'à cela ne tienne ! Il a décidé de lire lui-même quelques extraits de Comment faire disparaître la terre, dernière œuvre de l'auteure, ainsi que des textes merveilleux (introuvables en français) d'Oskar Pastior, et a invité tous ceux qui avaient envie de lire quelque chose, à le faire à cette occasion. Tout le monde s'est exécuté de bonne grâce et, malgré mes fausses dents de devant, aussi provisoires que branlantes, j'ai zozoté avec plaisir un poème d'Émile Verhaeren extrait des Campagnes hallucinées, ainsi que le début de Choir, ce magnifique roman d'Éric Chevillard, en espérant donner à tous envie de l'acheter. 

De tous les bouquins de Chevillard, et je suis une mordue, je crois que c'est celui qui m'a le plus marquée. Je dirais même atteinte. C'est un roman très pessimiste, très noir, et l'humour de même couleur qui l'imprègne n'y change rien. Choir est une sorte d'atoll glacial, que les habitants qui le peuplent ne rêvent que de quitter. Mais ils ne le peuvent pas. L'écriture, magnifique, est organisée autour de trois voix. La première voix est celle du narrateur, très descriptif, qui parle à la première personne du pluriel pour établir une sorte de chronique de la vie sur Choir : une vie horrible, dans la pesanteur, au milieu des punaises, du sable, des mouches, des vautours, dans laquelle on passe son temps à éviter de s'aimer («Nous y mettons les dents parce que vous y mettez la langue»), où l'on encourage les rixes entre enfants, rares enfants réduits en esclavage et nés «des suites fâcheuses d'un moment d'égarement dû à l'alcool, à la fatigue, au froid [...]», et où l'on commémore les défunts en brisant leurs crânes à coups de pelle, mais où l'on espère tout de même dans le retour d'Ilinuk le Polydactyle, sorte de messie réputé être le seul à avoir réussi à fuir Choir, en fusée. Yoakam, un vieillard un peu ridicule et radoteur, est la deuxième voix du roman, introduite par le narrateur et toujours en italique dans le livre. C'est lui qui entretient l'espoir des habitants de Choir en leur racontant la geste d'Ilinuk. La troisième voix est une voix collective et poétique, sur le mode de la prière, de l'hymne, de l'incantation, mais aussi et de plus en plus à mesure que le récit avance, et jusqu'au grotesque, de la parodie grinçante : elle s'adresse à Ilinuk. Je ne veux pas dévoiler la fin qui détruit les derniers espoirs de rédemption de ce peuple chu. Je dirais seulement que Chevillard, avec cet espèce de conte philosophique, frôle les sommets de la littérature française. On devrait l'étudier dans les écoles.

Avant de quitter le Comptoir des mots, j'y ai acheté, sur les conseils enthousiastes de Frédéric Forte, L'affaire Furtif, de Sylvain Prudhomme. Je l'ai lu d'une traite cette nuit. Eh bien je ne le regrette pas !

15 avril 2010

Ligne 13


J'ai reçu avec plaisir le premier numéro de Ligne 13, [www.ligne-13.com] récemment lancée par Sébastien Smirou et Francis Cohen. Une revue de 138 pages d'un format agréable (210 × 170), qui réunit des auteurs venus de différents horizons (philosophes, artistes, poètes, critiques...) autour d'un même thème, celui de ce premier numéro étant «tirer-un-trait». Trait tiré par Alain Cressan entre Stevenson et Hocquard, analyse de l'utilisation du tiret chez Nietzsche par Michèle Cohen-Halimi, méditations de Rémi Froger ou de Marie Rousset sur le trait, réflexions de Laurent Prost sur la «biffure HTML» qui raye le texte, comme ici par exemple, etc. On trouve aussi un texte de Sébastien Smirou sur la poétesse Anne Portugal, une étrange lettre de Roger Giroux à Roger Laporte (pleine de traits), des poèmes de Christophe Mescolini, de Jean Daive, de J. H. Prynne (traduits par Abigaïl Lang), de Marie-Louise Chapelle, et des anagrammes inédites de Frédéric Forte dans la suite d'Une collecte. La vraie découverte pour moi a été l'entretien de Francis Cohen avec Jean-Michel Fauquet, un artiste — sculpteur, photographe — qu'à ma grande honte je ne connaissais pas et dont une œuvre, Le grand séparateur, est reproduite et analysée. Ce premier numéro de Ligne 13 est parcouru par des dessins (au trait, bien sûr) de François Matton. Au fait pourquoi ce titre ? En référence à Nord-Sud, certes, mais aussi parce que Sébastien Smirou et Francis Cohen habitent chacun à un bout de la ligne 13, qui est aussi la mienne.

04 avril 2010

Invisible, de Paul Auster



Cette signature est illisible, mais elle n'est pas invisible. C'est celle que Paul Auster m'a fait l'honneur de gribouiller sur mon Invisible au dernier Salon du livre, il y a déjà une semaine. Nous étions une centaine à faire la queue mais malgré la pression j'ai pu prendre quelques secondes pour lui donner un exemplaire du numéro 4 du Correspondancier du Collège de 'Pataphysique, dans lequel, sous le pseudonyme anagrammatique d'Ursule Pata, je montrais en juin 2008 qu'il n'était « pas l'auteur » de Dans le scriptorium. Il a eu l'air agréablement surpris et a corné avec application la page 69 de la revue, en me disant qu'il lirait l'article. Et puis il a repris son travail de signature à la chaîne en professionnel averti  dont le temps est compté.


Depuis, j'ai relu Invisible avec attention. Car Invisible est un livre que l'on a envie de relire. On l'a lu une première fois comme un thriller ou, comme disent les Américains, un page turner. On s'est passionné pour le mystère de ce meurtre qui n'en est peut-être pas un, (en est-il un ?), pour ces amours incestueuses qui n'ont peut-être jamais existé, (ont-elles existé ?), pour l'atmosphère de mélancolie romantique qui imprègne le personnage de Walker, le gentil, et pour le mystère malsain qui flotte autour du personnage de Born, le méchant.

Et puis on se demande : mais pourquoi ce titre, Invisible ? On voudrait avoir l'original pour vérifier des phrases comme « Born savait où j'étais né » (page 45) qui doivent faire tilt en anglais. On sait, pour être une vieille lectrice d'Auster, que les noms des personnages ne sont jamais choisis au hasard. Alors on relit, on pointe par exemple les occurrences du mot Invisible. La première apparaît dès la page 11, dans la description de Rudolf Born « un visage qui deviendrait invisible dans n'importe quelle foule », la seconde un peu après, page 20 : « cet invisible chaudron d'estime de soi et d'ambition qui frémit et bouillonne au fond de chacun d'entre nous », et surtout la troisième, page 88 : « en parlant de moi-même à la première personne je m'étais étouffé, rendu invisible, je m'étais mis dans l'impossibilité de trouver ce que je cherchais. Il fallait que je me sépare de moi-même », passage dans lequel Auster nous donne en quelque sorte une des clés du livre ou plutôt de son écriture.

On réalise que le personnage d'Adam Walker, jeune poète naïf et pur, est assez inconsistant dans la première partie du roman, écrite à la première personne, et qu'il prend un peu plus d'épaisseur dans la seconde — celle des amours incestueuses — écrite à la deuxième personne. Adam Walker, c'est l'homme qui marche. Reprocher à Paul Auster, comme l'a fait le critique du New Yorker dans cet article, de ne pas avoir donné assez d’étoffe à ce personnage est aussi ridicule que de reprocher à Giacometti de ne pas avoir assez rembourré les siens. Pour le même critique James Wood, la seconde partie est la meilleure des quatre. C'est ne pas avoir compris que les quatre n'en font qu'une, comme les quatre saisons de la vie d'un homme, celle de l'auteur par exemple, « chaque homme étant l'auteur de sa propre vie » (Moon Palace).

Les similitudes entre la biographie d'Adam Walker — au prénom de 4 lettres et au nom de 6 lettres comme ceux de Paul Auster — et celle de l'auteur sont trop nombreuses pour être toutes énumérées (âge, situation par rapport à la guerre du Vietnam, voyage à Paris, traductions...). Il s'agit bien évidemment d'un de ses nombreux avatars, comme l'est aussi Born le malsain (au nom de 4 lettres et au prénom de 6), le Caïn de cet Abel d'Adam Walker sans lequel ce dernier ne pourrait exister, Born le guerrier opposé au poète  mais qui ne fait qu'un avec lui en la personne de Bertran de Born, le troubadour évoqué dès la première page du roman, ou encore Born le démon tentateur qui séduit l'ange par l'argent, le sexe et la violence : Milton et Paradise Lost sont longuement évoqués page 99, et on lit page 78 « le clan Walker tout entier avait reçu au berceau des gênes d'ange».

Born n'est « né » que parce Walker meurt en lui donnant naissance, il lui a donné sa substance, son sang (c'est de leucémie que se meurt Walker). Walker, « né stérile » (encore une expression ambiguë qu'on aimerait bien lire en anglais) n'enfante que les personnages de son histoire : « plus je parlais avec eux [Born et Margot] plus ils me semblaient devenir irréels — comme s'ils avaient été des personnages imaginaires dans une histoire qui se serait passée dans ma tête » nous est-il dit dès la page 17 et, un peu plus loin page 18, Born déclare : « un jour vous vous trouverez en train d'écrire ma biographie. Je le garantis. » Mais après la troisième partie, l'automne à Paris pendant lequel Adam Walker connaît l'échec, et après sa mort quarante ans de désert littéraire plus tard, c'est son amie Cécile Juin (tiens, encore 6 et 4) qui la poursuit, cette biographie, et avec quel terrifiant contenu.

Le roman prend fin sur une scène inattendue et saisissante, mais récurrente chez Auster, liée je crois à un souvenir d'enfance, celle de gens cassant des pierres dans une carrière, et qui me semble elle aussi être une métaphore de l'écriture. Le blanc — Born est toujours habillé de blanc — étant chez Auster un symbole néfaste. Les pierres sont blanches comme la page (blanc et pierre sont des mots très proches en hébreu,  le récit de la tour de Babel joue d'ailleurs sur ces mots).
Je cite ici un extrait d'un de ses poèmes, datant de 1970 :
Picks jot the quarry—eroded marks
That could not cipher the message,
The quarrel unleashed its alphabet,
And the stones, girded by abuse,
Have memorized the defeat

Qui a écrit finalement ce roman ? se demande la plupart des critiques. Adam Walker ? Son ami Jim auquel il a confié le manuscrit ? Cécile Juin ? Born lui-même ? Paul Auster s'est appliqué comme chaque fois à se séparer de lui-même. À nous lecteurs de recoller les morceaux pour le rendre un peu moins invisible et déchiffrer, peut-être, le message.

22 mars 2010

Maths



M. est mathématicien. 
Notre fille N. lui téléphone :
—  Comment ça va, Papa ?
—  Inférieur ou égal à moi-même, lui répond-il.

10 mars 2010

Œdipe


Eh bien quoi ? il suffit de confiner un pied pendant un mois et demi pour qu’il ne ressemble plus à un pied. Lorsque l’infirmière eut fini de scier le carcan de résine, on vit apparaître une chose informe. Au bout d’une jambe de serpent, rêche, dure, comme recouverte d’une couche de vernis écaillé, cette chose se présentait comme un fruit blet, presque pourri. Elle avait certaines caractéristiques d’un pied (cinq orteils et un talon, par exemple), mais ce n’était pas un pied. Certainement pas le mien. L’épaisseur considérable de la cheville abolissait tout semblant de transition entre la jambe et son extrémité. Le long du côté extérieur courait un filet marron, dont on sentait le relief au doigt, et qui était une croûte. Sur ce qui avait été le cou-de-pied, on observait les plis qu’avaient imprimés ceux des bandes de résine dans la chair enflée. Du côté intérieur, coulant du talon vers la plante, s’étalait une tache violacée, qui faisait pendant à une autre plus noirâtre s’insinuant vers le gros orteil. Et là-dessous bourgeonnait un amas fétide d’un blanc sale, comme si les cellules mortes de la peau, trop longtemps contenues, et qui avaient eu le temps de proliférer, se libéraient soudain au ralenti, dans une ignoble floraison que l’humidité du ruisseau dans lequel j’avais trempé ma chaussette au sortir du taxi avait sans doute favorisée.

22 février 2010

Lapin à trois pattes

À cause de cette foutue cheville, voilà deux jeudis d'Oulipo que je rate, sans parler des réunions et banquets pataphysiques, des lectures des expos ou des pièces de théâtre auxquelles j'avais prévu d'aller. Voilà un mois maintenant que je suis emplâtrée. En fait de plâtre, il s'agit de résine, c'est certainement plus léger mais ça s'accroche partout. La dernière radio de contrôle étant encourageante, le chirurgien m'a autorisée à poser — attention, sans l'appuyer ! — le pied par terre, ce qui est tout de même plus pratique pour utiliser les cannes anglaises, mais ne m'a pas empêchée de me casser la gueule en beauté lundi soir en sortant de table. Pour préserver ma jambe, j'ai tout pris sur le coude gauche. Mon bras est entièrement violacé et j'en ai bien souffert le lendemain pour me traîner jusque chez le coiffeur. Ceci dit, pour le moral, c'est bon de ne pas avoir de racines, donc ça valait tout de même le coup. Mais je me suis refichue par terre deux jours après, heureusement sans grand bobo à part un bleu aux fesses. Quelle maladresse ! La vieillesse est-elle en cause ? Ben non, pas du tout : à l'occasion d'un match de rugby auquel M. avait emmené son petit fils, N. est venue faire du maman sitting. Et il ne lui a pas fallu deux minutes pour remarquer... que mes deux cannes n'étaient pas réglées à la même hauteur ! Elle a réparé ça et depuis je cours comme un lapin. Enfin... un lapin à trois pattes !

30 janvier 2010

Morphine



















Sois sage ô ma douleur et fais moins la maline ;
Tu réclamais l’opium, il descend le voici.
Je m’en vais t’endormir d’un peu de Lamaline :
Une gélule ou deux, tu me diras merci.

Je sais que tu aurais préféré la morphine,
Je peux te l’avouer entre nous, moi aussi.
Mais il faudra nous faire à cette discipline
Car de toute façon je n’en ai pas ici.

T'en souvient-il ? Sa paix était instantanée...
Mon pied comme habillé d’une ouate raffinée
Restait sensible, mais sous cet anesthésiant,

Il était soulagé, tu devenais caresse,
Et je trouvais  alors proprement stupéfiant
De pouvoir m’endormir dans ta douce paresse.

EC

29 janvier 2010

Urgences


Était-ce par inadvertance,
Par bêtise ou par imprudence ?
(Mais cela n’a plus d’importance).
Une perte de vigilance,
Et me voilà, par l’ambulance,
Lariboisière, en tes urgences.

Au milieu de tant de souffrance,
J’ai attendu avec patience,
Sans révolte, sans arrogance,
Sans m’abîmer dans l’inconscience,
Et j’ai toujours gardé confiance,
Lariboisière, en tes urgences.

Mais quand fut venue l’échéance,
J’ai compris sur quel pied je danse,
Et n’ai pu souffrir en silence
Tant la douleur était intense.
J’ai gueulé avec véhémence,
Lariboisière, en tes urgences.

Maintenant que mon pied me lance,
Revenue dans ma résidence,
Je n’ai pas l’esprit de vengeance
Et te dois ma reconnaissance
Pour cette publique assistance,
Lariboisière, en tes urgences.

EC