02 décembre 2010

Normes énormes

L'expat' Laurent C., isolé dans sa lointaine Ukraine, a eu la bonne idée de s'abonner à La Quinzaine littéraire. Il y a trouvé l'autre jour un article intitulé «Raymond Queneau et les premières années de l'Oulipo» et signé de Jacques Duchateau, membre de l'Oulipo depuis le début (il est né en 29). Comme cet article traite des rapports de l'Oulipo avec la 'Pataphysique, il a pensé que cela m'intéresserait. Il avait raison : non seulement ça m'a intéressée, mais ça m'a hallucinée !
Selon Duchateau, qui fait très fort dès l'intro, il y aurait eu au début 3 groupes d'Oulipiens : 
1) Le groupe des scientifiques, dans lequel il met Claude Berge et François Le Lionnais (puis Paul Braffort plus tard), 
2) Celui des pataphysiciens, avec Latis et Noël Arnaud seulement.
3) Celui de cinq autres membres « beaucoup plus proches instinctivement des scientifiques que des 'pataphysiciens » [sic, aussi pour l'apostrophe] à savoir  Bens, Lescure, Queval, Schmidt et Duchateau lui-même. 
Toujours selon le même Duchateau,
Queneau, [...] appartenant aux trois Groupes, [...] voulut intégrer l'Oulipo à l'intérieur dudit Collège. On peut s'interroger sur les raisons profondes d'une telle fusion, impliquant que tous les travaux de l'Oulipo soient considérés comme relevant de la 'pataphysique, ce qui n'était absolument pas le cas, y compris d'ailleurs aux yeux de Queneau...
Passons sur la séparation qu'opère Duchateau entre la 'Pataphysique et la Science. Elle est proprement ridicule pour qui connaît un peu ce dont il s'agit. En effet, pour le Satrape Queneau comme pour tous les pataphysiciens — et parmi eux le Dataire Jacques Bens (par ailleurs agrégé de Sciences Naturelles) et le Régent François Le Lionnais, qui bizarrement semblent tous deux exclus du Collège par Duchateau —  la 'Pataphysique est la Science. 
Passons donc et interrogeons plutôt ce Collège, qui a gardé précieusement les traces de cette époque, en particulier des lettres de Bens et de Queneau, d'ailleurs montrées à Duchateau, paraît-il très étonné de la démarche du Transcendant Satrape qui souhaitait que l'Oulipo « soit quelque chose dans le Collège de 'Pataphysique ». Pourquoi le voulait-il tellement ?
Selon Jacques Bens, l'Oulipo qui liait la mathématique et la littérature et s'attachait à la forme plus qu'au contenu, permettait de sortir enfin de ce contenu, qui était devenu (avec Sartre et Camus, entre autres) l'ornière dans laquelle s'entassaient pêle-mêle sentiments, politique, morale, métaphysique etc.
Mais Queneau, qui selon le P.E.G. actuel « était loin d'être un âne », n'avait-il pas pressenti que l'excès de forme comportait lui aussi un risque ? À la question de savoir si les contraintes consistaient à inventer des normes, il répondait oui, mais « des normes énormes » ! Bref, si la contrainte oulipienne n'est pas pataphysique, ne risque-t-elle pas de devenir académique ?

2 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas l'Oulipo et la 'pata depuis une semaine (allez, deux) que j'avais déjà globalement compris, alors de la part de quelqu'un qui a baigné dedans la source, c'est assez drôle.

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  2. Patrice / Oulipo Vinyle
    Oulipo du 8 octobre 2010 au 02 janvier 2011
    Bibliothèque / Les Champs Libres / Rennes
    Des Chicago, des sardinosaures, des paronomases… Ces appellations incongrues sont des jeux oulipiens,des classiques du genre. Dans le cadre d’un partenariat avec l’Institut supérieur des arts appliqués (LISAA) de Rennes, soixante étudiants en design graphique se sont emparés des contraintes définies par l’OuLiPo et du vocabulaire technique des bibliothèques (désherbage, récolement, massicot…) pour en proposer une approche plastique...
    http://lisaa-line.blogspot.com/2010/07/entre-guillemets-oulipo.html

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