06 décembre 2013

Noir et blanc

Toutes les chaînes de radio et de télévision ne parlent que de la mort de Nelson Mandela depuis hier soir. 
Aussi imaginez mon étonnement lorsque ce midi, devant BFM TV allumée, M. très sérieux me déclare soudain, en servant la pizza :
— Mandela est mort.
— ????
— Il était noir, poursuit-il, imperturbable devant mon attitude d’incompréhension totale.
— ????
Alors, joignant le geste à la parole :
— Ça n’empêche pas de boire un coup de blanc à sa santé !

29 novembre 2013

Panne de carburateur


Cette « morale élémentaire » est presque un Ready made : tout est extrait des pages 343 et 344 du Manuel du mécanicien d'aéronautique édité en 1941 par le ministère de la Marine.

EC.

17 novembre 2013

XVIIe Colloque des Invalides. Le secret.

Cette année, je ne participais pas en tant qu'intervenante au XVIIe colloque des Invalides, ce qui m'a permis de prendre quelques notes pour les lecteurs de Blog O'Tobo. Je rappelle que les intervenants n'ont que 5 minutes montre en main pour s'exprimer, ce qui rend le contenu d'autant plus passionnant.

Alain Zalmanski et les Hommes dansants de Conan Doyle

C’est Alain Zalmanski qui démarre en trombe, avec « la Stéganographie ou l’art de lire entre les lignes », art pratiqué par de nombreux précurseurs de l’Oulipo comme Conan Doyle avec ses Hommes dansants, Edgar Poe dans son Scarabée d’or, Willy et son sonnet acrostiche injurieux pour Hubacher, ou Fils du peuple de Maurice Thorez recélant « Fréville a écrit ce livre » dans une phrase de la première édition.

La Joconde est un portrait dont le commanditaire (et mari) refusa la première version. Benoît Noël avec « le secret de la souris qui sourit, définitivement dévoilé » suppose hardiment, au vu du regard en coin de la belle, qu’elle avait été initialement peinte nue. Vinci serait donc le premier peintre à avoir peint son modèle nu et habillé, à l’instar de Manet, de Goya et de nombreux autres, exemples projetés à l’appui.

David Christoffel pense, et il a raison, qu’on ne peut pas réduire La Flûte enchantée à la franc-maçonnerie, pas plus que la Pathétique de Tchaïkowski ne se résume à l’homosexualité de son auteur ou que d’autres secrets de compositeurs n’expliquent leurs musiques. Pourtant, on continue à en faire des livres.

Olivier Salon et la Boîte verte de François Le Lionnais

Olivier Salon qui enquête depuis déjà des années sur la vie de François Le Lionnais, nous raconte « le mystère de la boîte verte », dont l’exemplaire de luxe numéro 4 fut offert et dédicacé à FLL par Marcel Duchamp, son partenaire aux échecs, puis volé par les nazis tandis que son propriétaire était dans les camps, retrouvé par hasard à Stockholm par FLL en 1966 dans une expo, puis enfin vendu 130 000 euros par Sotheby’s à un riche collectionneur qui a été mis au courant par O. Salon de l’origine de son acquisition. On attend impatiemment la suite.

Dans la discussion qui suit ce premier tour de table, on apprend par Françoise Gaillard l’origine de L’Origine du monde : les modèles nus se faisant rares, les peintres de l’époque se servent de plus en plus de photos pour travailler. On a récemment retrouvé un croquis de Rodin représentant le même objet que celui de Courbet : même position, même forme, même cadrage… Donc L’Origine du monde a été peinte d’après photo !

Christophe Bourseiller relate quant à lui sa propre expérience chez les francs-maçons, ce qui donne envie de lire son livre « Un maçon franc ». Si les secrets sont ceux des rites et gestes qui ont été révélés il y a deux siècles, pourquoi interdire d’en parler ? S’il s’agit de l’Insondable, de toutes façons il ne peut être révélé donc trahi.

Alain Chevrier embraye avec « les lettres secrètes de Perec » (joli monovocalisme), en l’occurrence les « belles absentes » sur le nom de sa compagne Catherine Binet, dont un poème fait de vers de 35 lettres, car elle avait 35 ans. Il termine avec un filigrane de Michèle Métail, « double secret provocateur de renseignement », dont la solution est « agent », et un équivalent graphique de la forme « belle absente ».

Tiphaine Samoyault : la traduction augmente le secret

Le « motif dans le tapis » qui apparaît chez Henry James et « bondit sur lui comme une tigresse qui bondit hors de la jungle » intéresse Tiphaine Samoyault, qui constate que l’abstraction et la violence subsistent si l’on renonce à chercher le secret. Le mouvement de la traduction, lui, augmente paradoxalement ce secret.

Maurice Culot, avec « Passages secrets », a écrit un centon magnifique où sont collés des textes des plus grands auteurs dont Poe et Balzac. C’est si bien fait que l’auditeur ne s’en rend pas compte, tout en ayant l’impression d’avoir déjà lu ça quelque part…

Après la pause café, Philippe Oriol s’attaque aux « petits secrets de l’affaire Dreyfus », c'est-à-dire qu’il pourfend les historiens amateurs qui prétendent dans un livre récent expliquer l’affaire par l’homosexualité de deux attachés militaires, l'Italien Panizzadi et l'Allemand Max von Schwartzkoppen. Il s’agit de surinterprétation, d’une vision paranoïaque de l’Histoire.

En plus d’auteurs comme Alban Berg ou Fats Waller, le «roman clownesque» de Félicien Champsaur a inspiré Andrea Oberhuber. Constatant que le personnage de Lulu exerce une sorte de fascination, elle explique pourquoi avec « Les secrets de Lulu », projetant quelques unes des nombreuses illustrations du livre, intéressant également par sa disposition typographique.

Andrea Oberhuber, Bertrand David,  Paul Edwards et Philippe Oriol

Pour comprendre ce qui a pu pousser Nicéphore Niépce à croire à la possibilité de fixer des images, Bertrand David nous « révèle », c'est le cas de le dire, ses secrets. Nicéphore Niépce n’a jamais existé. Joseph prend à 22 ans le nom de Nicéphore 1er, celui qui a mis fin à la querelle des images mille ans plus tôt. Plus tard Niépce déclare qu’« on » lui a communiqué qu’il fallait utiliser du bitume de Judée. Quel « on » ? Mystère. Ce produit était utilisé par bien des peintres et graveurs, il est à l’origine des fissures et du noircissement des tableaux de l’époque, on l’appelle stercus diaboli, la merde du diable.

J’avoue avoir un peu décroché pendant la communication de Paul Edwards, président de l’Ouphopo, qui enchaîna sur «les secrets de la chambre noire», à cause d’une crise d’acouphènes qui m'en rendait trop difficile le décryptage..

Le badge arboré par les conjurés du XVIIe colloque

Au tour suivant, nous attendions un certain Jules Huchin sur « un secret de Hollande », mais coup de théâtre ! Dans l’auditoire, plusieurs personnes porteuses du même badge bizarre se mettent à conspuer le Jules en question et à le traiter d’imposteur. Julien Schuh, dont c’est curieusement l’anagramme, expulse l’individu et prend sa place pour parler des « sociétés secrètes au XIXe siècle » et de leurs conséquences esthétiques, les écrivains s’imaginant comme une société secrète pour contrer la vision paranoïaque de l’État. 

Jean-Pierre Lasalle s’interroge ensuite sur l’origine du mot « surréalité », utilisé en italique dans le Manifeste. Il en trouve trace dans les brouillons du Côté de chez Swann, où le mot a été remplacé par « réalité », vraisemblablement par Proust lui-même car André Breton, qu’on aurait pu soupçonner, ne corrige Proust qu’à partir de 1920. On le trouve aussi dans trois poètes après Apollinaire, et dans Cendrars. Mais avant, pendant la guerre ? Le mystère de l’origine du mot est entier.

Henri Béhar nous parle du poème perpétuel de Tristan Tzara, édité en mars 1958 à 22 exemplaires. Il s’agit d’un poème combinatoire écrit sur une volvelle et qui comporte 10^150 possibilités, soit plus que les 100 000 milliards (10^14) de Queneau. « Cette gravure cache un avis secret », mais personne ne l’a jamais trouvé, il faudrait endommager le livre, sans être certain du résultat. Les spéculations vont bon train.

Avec « on écrit pour fixer des secrets » Daniel Bougnoux s’en prend au démon de l’explicitation. On ne gagne rien à révéler le 1er degré, on perd au contraire en séduction. Son intervention est un véritable  pamphlet contre les démystificateurs.

Pendant la discussion qui précède le repas, Françoise Gaillard signale à Jean-Pierre Lasalle que le mot « surnaturalisme » existe chez Huysmans et peut-être aussi « surnaturalité ». À vérifier en cherchant sur Gallica. 

Nous allons déjeuner M. et moi en compagnie de Dominique de R. et de Françoise G. Confit de canard et gratin dauphinois arrosés de bourgogne aligoté. Nous voici reconstitués.

À la reprise, c’est Paul Schneebeli qui parle, sur le sujet « livre secret, secret livre », mais nous sommes un peu en retard à cause du canard et en ratons la plus grande partie. Cinq minutes, c’est si court !

Marc Décimo et Paul Schneebeli

Pierre Cassou-Noguès, très attendu par M. qui a lu les démons de Gödel, lui succède. Il se demande si les savants ont des secrets. On voudrait scruter leurs archives, mais entre le chercheur et les savants il y a… les veuves. La femme de Gödel, Adele, a notamment supprimé des archives les lettres de sa belle-mère. Pourquoi les épouses font-elles ça ? Les savants auraient ils trahi la raison ?

Marc Decimo, qui a découvert Marie-Herminie Hanin, peintre émule de Rosa Bonheur, mais aussi inventeur et promotrice du calendrier perpétuel de son père, nous révèle qu’elle a écrit à Millerand en 1914 pour lui proposer un système de défense anti-aérienne de son invention : c’est un piège à avions formé de câbles accrochés à des dirigeables. Pas con !

Pour Julien Bogousslavsky, qui propose une « clinique du secret », un secret est « une chose qu’on dit à une seule personne à la fois ». Il y a les secrets normaux, mais aussi les pathogènes. Sont évoqués ceux de Cahuzac et celui de Chirac, à l’occasion duquel on a entendu le mot anosognosie pour la première fois. Le déni est le secret, la mise au secret du trouble trop gênant.

Quelqu’un dans la salle pose une question sur Yalta. Selon Julien Bogousslavsky, il aurait sans doute été plus intelligent de révéler à l’époque l’état de Roosevelt, très affaibli, hors d’état de négocier avec ce gros malin de Staline.

Martine Lavaud et le secret des Ultima verba

Martine Lavaud nous révèle ensuite « Le secret des ultima verba ». L’agonie sous la 3e république a des journalistes pour mouchards. Mais les derniers mots du mourant sont-ils géniaux ou plutôt régressifs ? Tel Maupassant, pourtant soigné chez le Docteur Blanche, qui s’écrie « Des ténèbres Oh des ténèbres » ou le guillotiné « donnez moi mes chaussettes ». Depuis les romantiques on ne sait plus mourir.

Michel Golfier nous parle des « châteaux en Espagne de Marc de Montifaud », cette femme auteur de nouvelles « pornographiques » qui eut des démêlés avec la justice, mais qui était aussi critique d’art inspirée.

Daniel Ridge, avec « la face cachée d’un écrivain », examine les lettres échangées entre Paul Bourget adolescent et son amant, lettres qui ont ensuite servi à le faire chanter.

Jean-Paul Goujon se plonge dans quelques unes des 15 000 pages relatant des exploits sexuels, écrites et cryptées en prétendu sanskrit et pendant 30 ans par un « architecte polygame », Henri Alphonse Legrand, mort de syphilis, découvert (et décrypté) par Pierre Louys. Édifiant.

Jacques Neefs se pose la question « le roman peut-il garder un secret ? » D’habitude le roman révèle le secret dont il tire l’élément narratif. Mais quand Sade écrit dans La Philosophie dans le boudoir « il parla bas aux deux femmes », c’est au lecteur d’imaginer ce secret qu’il est le seul à ne pas partager…

Daniel Zinszner et Hervé Le Tellier

Hervé Le Tellier se penche sur les « secrets de fabrication » de la littérature. Certains Oulipiens sont pour les révéler, d’autres pour les cacher. Par exemple, les secrets de fabrication des débuts de roman. Tout a-t-il été fait ?

Un coup de fatigue a rendu mes notes sur l’intervention de Marc Zammitt, «un secret pour personne», totalement illisibles. Elles resteront donc secrètes à part celle-ci : « le secret est-il dans la question ou dans le langage avec lequel nous la posons ? »

L’intervention de Daniel Zinszner, « Index du secret, secrets de l’index », traite de My secret life, catalogue d'exploits érotiques écrit par un anonyme anglais, mais publié à Amsterdam par des typographes non anglophones. Or ce livre comporte un index mystérieux, à la fois insuffisant et redondant…

Après une pause opportune, le colloque reprend avec « Secrétions » et Marc Hanrez qui, visiblement non utilisateur de réseaux sociaux, reprend les clichés les plus éculés dont Finkielkraut se fait aussi l'écho : il n’y a plus de secret à cause d’Internet et c’était mieux avant…

Sur la « Secrétivité », Romain Enriquez a découvert un chapitre dans un livre de phrénologie. La sécrétivité est innée, elle est localisée dans un endroit du cerveau, elle est parfois involontaire. Le secret a une fonction morale et sociale. Mais les criminels ont besoin de dissimuler. C’est le début de l’anthropologie criminelle.

Françoise Gaillard, avec « l’oncle Sam a de grandes oreilles », réfléchit à l’aide de Machiavel sur la question du secret dans le pouvoir. Là où il y a secret il y a pouvoir. Il s’agit de protéger le pouvoir du regard qui en révèlerait le vide. Nos hommes politiques ont donc besoin des fuiteurs qui, en révélant des prétendus « secrets », nous font croire qu’ils sont réellement aux manettes…

Clément Carbonnier aborde le secret fiscal avec un titre mystérieux composé des noms des articles du code général des impôts et du livre de procédures fiscales. LPF : L103, L166D… Un domaine de spécialistes, j'aurais trop peur de retranscrire ici des bêtises.

Dominique Noguez, Pierre Conesa, Olivier Bessard-Banquy, et Emmanuel Pierrat

Olivier Bessard-Banquy livre aux naïfs que nous sommes les « petits secrets de l’édition ». Le secret fait vivre l’édition et vise à faire croire au génie de l’auteur, même quand celui-ci ne sait pas écrire. On joue ici sur le fétichisme qui lie le lecteur au livre. Nous avons tous foi en la pureté du livre...

Dominique Noguez se penche de façon très émouvante et personnelle sur les secrets divulgués brutalement dans les journaux intimes. Leur auteur affronte alors la honte et le remords. Honte d’être nu en pleine vue et remords d’avoir compromis quelqu’un. Sur la honte, Montaigne conseille «qu’on n’ait pas honte de dire ce qu’on n’a pas honte d’éprouver». Mais sur le remords d’avoir compromis les autres… N’est-ce pas finalement la fatalité de toute littérature ?

Les organisateurs — Jean-Jacques Lefrère et Michel Pierssens — avaient mis à la fin deux communications explosives. Celle de Pierre Conesa traitant du « secret défense » et du « secret d’État », et celle d’Emmanuel Pierrat, sur les « Écrivains au secret professionnel ». Il serait trop dangereux pour moi de vous en révéler la teneur.


EC






28 octobre 2013

Le Mur (XX) Sonnet du street art



                Je n’en crois pas mes yeux : la vache ! ils ont osé !
                Je l’aurais parié ! J’étais sûre et certaine
                Qu’ils allaient profiter de cette double aubaine :
                Un mur, un échafaudage pour y monter !

                C’est sans doute la nuit qu’ils s’y sont attaqués.
                Je n’ai pas vu l’action qui dut être soudaine,
                Périlleuse certainement, car aérienne.
                En tombant ils pouvaient très bien se disloquer.

                Leur exploit est signé des lettres V,M,D,
                Bordées de noir et vides, sauf le V, fardé
                D’un genre de violet vite absorbé par l’ocre.

                VMD signifie « Vibro Marker Deluxxx »
                Ce qui ne rime à rien mais rime avec Pollux.
                Ce street-art ne m’en apparaît que plus médiocre.

                EC

15 octobre 2013

Le Mur (XIX) Poème anagrammatique



               Mur sale et terni ! On méprise ses
               Pourrissements élémentaires…
               Stériles empierrements ! À nous,
               Ornements, aspérités, lumières !
               Mur ! On méprise la tristesse née
               Amère. Tes mornes piliers usent,
               Ternissent la première mousse.
               Aérer il est temps, ô Mur insensé
               Respire, muet, entre les maisons !

               Mais le Mur persiste en son être.
             
               E.C.

Poème anagrammatique : chaque vers est composé des mêmes lettres, mais disposées dans un ordre différent.

07 octobre 2013

Le Mur (XVIII)



                              À l’entrée de l’automne, avec résolution,
                              Fidélité, constance, espoir, honneur, courage,
                              Je reprends mes exercices de pédalage,
                              Malgré leur piètre effet sur ma constitution,

                              Lorsque je crois mon œil victime d’illusion :
                              N’y a-t-il pas devant comme un échafaudage
                              Qui voile de l’immeuble lépreux le visage ?
                              Il faut que je regarde avec plus d’attention.

                              Je n’ai pas la berlue, je vois des palissades,
                              L’immeuble est en travaux, ils refont ses façades,
                              Ils vont me les repeindre du blanc le plus pur !

                              Mais seuls le pan coupé ainsi que les deux ailes
                              Qui sont percés de baies font l’objet de leur zèle.
                              J’avais cru un instant qu’ils ravalaient le Mur…

                              E.C.

12 septembre 2013

La Seine

La nymphe de la Seine, dans son nymphée.

                                   J’ai vu les sources de la Seine :
                                   C’est un filet d’eau rikiki
                                   Qu’on voit progresser à grand peine
                                   Dans la direction de Paris.

                                   J’ai vu la nymphe de la Seine :
                                   Elle écoute le clapotis
                                   Du bassin dont elle est la reine,
                                   Et dans sa grotte se blottit.

                                   J’ai vu le premier pont de Seine :
                                   C’est un pont en pierres construit
                                   D’une taille lilliputienne.
                                   Mon Dieu mon Dieu qu’il est petit !

                                   EC




Cette chanson a été publiée avec deux autres poèmes, sur le blog de Giovanni Merloni, le Portait inconscient, dans le cadre des «Vases communicants », tandis que mon blog accueillait son texte.



11 septembre 2013

Camargue

Ces flamants artificiels font partie d'un ensemble d'art brut remarquable
découvert sur la route de Paris juste après la Chaise-Dieu.
Ceux que j'ai vus en Camargue étaient plus pâles.

De pétrole un marais s'irise. 
Sous l'horizon voilé de gaze, 
Un bateau monte dans l'écluse.
Deux flamants tirant sur le rose 
Pied dans l'eau cultivent leur blues. 
Ce n'est pas comme ça qu'on bronze... 
La Camargue met mal à l'aise, 
J’aurais dû visiter la Meuse.

EC

Ce poème est paru (sauf le dernier vers ajouté ensuite) avec deux autres, sur le blog de Giovanni Merloni, le Portait inconscient, dans le cadre des « Vases communicants », tandis que mon blog accueillait son texte.

10 septembre 2013

Le Mur (XVII). À la manière de Lamartine













Ô mur ! l’année à peine avait fini son cours,
Que je t’abandonnai pour partir en vadrouille.
Regarde ! je reviens, ayant bouclé mon tour,
Et ne suis pas bredouille.

En Bourgogne les murs ont des cadrans solaires,
Des fresques colorées qui semblent des BD,
Des colombages qui les raient dans la lumière,
Ils sont comme fardés.

Sous le soleil j’ai vu comme Marseille est belle,
Et comme sont brillants ses murs de diamant,
Du Mucem j’ai vu l’ombre des murs de dentelle,
Avec ravissement.

J’ai vu se refléter dans les eaux de Martigues,
Des murs au crépi rouge ou jaune ou même bleu,
Car les murs de Provence en couleurs sont prodigues,
Pas comme toi, morbleu !

Le plus majestueux des murs, le Mont Aiguille,
Écaillé comme toi culmine bien plus haut.
Sa dent inaccessible était une bastille,
Toi tu n’es qu’un chicot.

Tu m’attendais ainsi dans l’ombre parisienne
Pendant que je collectionnais les autres murs.
Pourquoi donc aura-t-il fallu que je revienne ?
Oh que ce sera dur !

EC

Cadran solaire à l'abbaye du Paraclet,
fresque de l'abbatiale de Saint-Seine-l'Abbaye, colombages à Troyes.


Marseille : le MUCEM, la maison diamantée.
Martigues

Le Mont Aiguille, « vigie du Vercors », 2 087 mètres.
La falaise a 350 m de dénivelé.


















Ce poème et ces photos ont été publiés, en compagnie de deux autres poèmes, le 6 septembre 2013, sur le blog de Giovanni Merloni, le Portrait inconscient, tandis qu'il publiait ses textes sur mon blog, et cela dans le cadre des « Vases communicants ».

06 septembre 2013

Aller-retour : texte et photos de Giovanni Merloni

Un grand merci à Giovanni Merloni qui, pour la seconde fois, m'a proposé un échange dans le cadre des « vases communicants ». Son texte Aller-retour est donc publié ci-dessous, alors que les miens le sont sur Le portrait inconscient, le blog dans lequel il publie ses poèmes, sa prose et ses images ; Car Giovanni Merloni est non seulement poète, mais aussi peintre ! Depuis notre premier échange, nous nous sommes déjà rencontrés plusieurs fois et avons lié amitié. Partis cet été dans des directions opposées, nous avons rapporté, de nos vacances respectives, poèmes et photos que nous partageons aujourd'hui.
Rappelons que le projet de « Vases Communicants », lancé par
Le tiers livre et Scriptopolis consiste à écrire, chaque premier vendredi du mois, sur le blog d’un autre, chacun devant s’occuper des échanges et invitations, avec pour seule consigne de « ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre ». La liste complète des participants est établie grâce à Brigitte Célérier.



Aller 
 

Attention aux marches, les partants !

Balancez-vous doucement, avec vos valises !

Comment vous expliquer qu'il y a des règles ?


D'accord, dorénavant je ne vous dis rien, je vais me coudre la bouche.

(Effectivement le globe est grand

Faut pas s'engueuler

Gentiment je vais leur souhaiter...) Bon voyage !



Heureusement, vous avez de la chance !

Italie, c'est beau, vous verrez la tour de Pise…

(Je passai ma lune de miel à Venise

Kit de voyage une seule chemise

Linge pour une nuit et brosse à dents

Merveilleuse parenthèse, cela me suffit pour le reste de ma vie)


Nous avons le canal, les vélos, Paris plage…

Opiniâtre ? Oui, j'aime le théâtre !

Pourtant on ne peut nier que parfois j'y pense


Que c'est beau de partir…

Rouler sur une route vide, briser les remparts

Saluer le profil de maisons sans leur dire bonjour

Trébucher dans un pré de montagne frais et nu, saluer l'inconnu

Une à une apprendre les cimes, leurs noms redoutables

Voltiger dans l'air, se diriger vers la mer…



What ? You don’t understand ?

Xénophobe ? Pas du tout.

Yes, dans le Yacht où j'habite vous serez toujours les bienvenus.

Zigzaguant on se débrouille, dans cette ville infinie. Je vous attends !



Retour 
 

Zénith, il faut laisser la chambre…

Yeux cernés, vous voyez ? C'est la Mort subite, une boisson locale...

Xylophone monotone dans le hall de l'hôtel, vous entendez ?

Whisky au petit matin pour ces messieurs hautains. N'est-ce pas drôle ?

Valises. Avec en plus les faïences hollandaises et les chocolats belges.

Urgence ! Je dois faire pipi !


Tournures menaçantes dans le ciel du Brabant,

Solennelles promesses de revenir,

Rêveries d'autres promenades ou d'autres bouffes, ensemble…


Quand la cloche sonne...

Partir est mourir un peu !

Opiniâtre nécessité de revenir à la base,

Notre seule plage, d'ailleurs.


Mirage d'une halte à mi-chemin, dans un village petit, très joli

Loisir de s’adonner à une halte rétrospective :

Kiss me my dear ! Embrasse-moi, idiot !


Je traverse comme un jongleur mes voyages de rêveur

Impossible, car tout cela restera inconnu,

Hélas ! On se console envisageant quelques bricoles :

Gentiment on pourrait transformer le cagibi en petit atelier ;

Froidement on pourrait remonter la pente en brisant les contraintes;



Élégamment on pourrait s'en sortir.
Demain soir on se souviendra du code

Chancelant on grimpera dans l'escalier

Brusquement on ouvrira la porte

Attention aux cafards !



Giovanni Merloni

24 juillet 2013

Dépassez-vous !

« Vous ne serez pas au pont Neuf, que je vous aurez déjà rattrapées »
Christophe, l'Idée fixe du savant Cosinus.

Nous attendons M. et moi les informations, tout en regardant très distraitement les publicités qui les précèdent, les suivent, et les interrompent. M. fronce le sourcil à l'injonction de l'une d'elles : « Dépassez-vous ! »
— Me dépasser, me dépasser, grommelle-t-il, déjà que j'ai du mal à me rattraper !

17 juillet 2013

Le Mur (XVI) Sonnet en taratantaras*



                     La chaleur me rend un peu paresseuse
                     Je vais moins souvent sur mon vélo bleu,
                     Je pédale mieux quand dehors il pleut.
                     La chaleur me rend très peu courageuse.

                     La chaleur me rend soudain dédaigneuse
                     De ce qui faisait mon but glorieux :
                     Perdre mes kilos, dire enfin adieu
                     Au poids encombrant, à la graisse affreuse.

                     Mais ce qui peut seul me remettre en selle
                     À supposer qu’on puisse nommer telle
                     Ce siège anguleux, à mon cul si dur,

                     C’est l’envie de voir, face à ma fenêtre
                     Malgré le niveau de mon thermomètre
                     Comment le soleil peut changer un mur.
        
                      EC

* Taratantara : décasyllabe a césure médiane. À ce sujet, lire Le décasyllabe à césure médiane, histoire du taratantara, Alain Chevrier, Classiques Garnier 406 p., 49 €

13 juillet 2013

Le cinoque de Saint-Jean


Samedi, dans l’exceptionnelle église « art nouveau » Saint Jean de Montmartre, rue des Abbesses, où je me trouve en compagnie de ma fille, nous remarquons l’étrange manège d’un homme mince et jeune (entre 30 et 40 ans), vêtu normalement, des écouteurs dans les oreilles : trempant la main dans l’eau d’un bénitier tenu par un ange, il en touche les joues de l’ange, puis le menton, puis les oreilles, dans un geste caressant, presque érotique, qu’on dirait copié sur celui des publicités pour les parfums. Il fait de même avec le deuxième ange, situé de l’autre côté de la porte, puis successivement parfume d’eau bénite l’ensemble des statues de l’église. Il n’a par ailleurs aucun geste de piété catholique traditionnelle : pas de génuflexion, pas de signe de croix, pas de mains jointes ni de tête baissée. Je pense immédiatement aux « cinoques » de Claude Meunier et j’essaie, à sa manière, de le photographier.

Coupe de l'église Saint Jean de Montmartre

10 juillet 2013

Racines de la connerie et ailes de chevêchettes

Le village perché de La Laupie


M. m'invite à regarder Des racines et des ailes rediffusé sur France 3, parce qu'il s'agit du Dauphiné, du Vercors, de la Drôme, bref de mon pays. Après de belles images du Mont Aiguille, suit un reportage sur le village perché moyenâgeux de La Laupie, dans la Drôme provençale, remis en état depuis deux générations par la famille Armand.

— Vous remarquez ? Pas de fils électriques, pas de plaques d'égouts ! dit  le proprio tout heureux aux visiteurs enchantés et aux cameramen qui arpentent les rues du village rénové. — Mais comment font-ils sans égouts ? dis-je à M. — Ils doivent manger leur merde, me répond-il froidement.

Plus tard, l'aïeule octogénaire de la famille Armand s'extasie devant un mur qui vient d'être dégagé par ses descendants et leurs amis bénévoles. Dans une sorte d'épanchement orgastique, elle confie : — c'est extraordinaire ! Imaginez tout ce qu'a connu ce mur. Il nous raconte une histoire ! ah, il en a vu des choses ! 
— Et il en a entendu, des conneries ! renchérit M. 

Enfin, sur les hauts plateaux du Vercors, nous partageons la pacifique chasse d'ornithologues qui finissent par attraper une chevêchette, rare rapace nocturne à vivre le jour. C'est une sorte de chouette minuscule (plus petit rapace d'Europe) qui tient dans la main. Admirez, dit le scientifique tandis que la caméra zoome, la puissance de ses serres.
— Il faut la voir, dit M., attraper un mouton !


29 juin 2013

Le Mur XV. La complainte de l'EPO


Tandis que de Porto Vecchio,
En Corse où il fait toujours beau,
S’est élancé le Tour de France,
Devant des spectateurs en transe,
Sous mes yeux pleure le ciel bistre
Au dessus de ce mur sinistre,
Et je pédale en ayant mal
Par ce temps d’été hivernal.
Comme ils sont beaux tous ces cyclistes
Admirés par les journalistes !
Ils sont gonflés à l’EPO,
C’est pour ça qu’ils montent si haut.
Moi qui n’ai pas de cocaïne
Je n’attends que mes endorphines.

13 juin 2013

Le Mur (XIV), sonnet du platane.



          Les arbres ont poussé pendant le mois de juin :
          Déjà je ne vois plus le magasin d’optique
          Ni du poulet hallal la miteuse boutique,
          Et ce platane-là, du bus quatre-vingt-un

          Cache l’abri de verre où l’attendent en vain
          Des usagers blasés, somnolents, léthargiques.
          Son vert amas feuillu qui se meut, élastique,
          Envoie des signes amicaux à l’écrivain,

          Atténue l’ordinaire tintouin du trafic,
          Le pin-pon des pompiers, la sirène des flics
          Et dissimule un peu de la laideur urbaine.

          J’attends impatiemment qu’il monte encore en graine,
          Lorgnant de mon vélo cet arbre qui, c’est sûr,
          Dans dix, quinze ou vingt ans me masquera le Mur !
EC. 

12 juin 2013

Le Mur (XIII) : les dix mots

Chaque année, les membres de la liste Oulipo jouent au jeu des dix mots organisé par le ministère de la culture et de la communication. Cette année les dix mots à caser dans un texte sont ; ambiancer, à tire-larigot, charivari, faribole, hurluberlu, ouf, s'enlivrer (néologisme signifiant s'enivrer de lecture), timbré, tohu-bohu, zigzag. En pédalant tout à l'heure, j'ai eu l'idée de les intégrer à un poème qui fait partie de ma série sur le vélo d'appartement intitulée « Le Mur », et que j'ai envoyé à la liste. Ils sont en lettres rouges dans le sonnet.


Mon vélo ne me permet pas trop de zigzags
À tire-larigot je pédale pourtant,
Mes yeux de ouf rivés sur ce mur débectant,
Dont je regrette qu’il soit dépourvu de tags.

Comme il serait plus doux de pouvoir s’enlivrer,
Vautré sur son plumard (avec des boules Quiesse
Pour le charivari qu’il y a dans la pièce)
Au lieu de suivre ce programme de timbré,
Faribole conçue par un hurluberlu,
Mon médecin traitant pour ne pas le nommer,
Lequel, peu satisfait de vouloir m’affamer,
Réduit mon existence à un tohu-bohu
Et prétend ambiancer ma vie, ma mort, mon ciel,
Par cet entraînement quotidien démentiel.
EC. 
NB : j'ai pris tohu-bohu dans son sens originel et biblique d'informe et vide, et non pas dans le sens de bruit assourdissant qu'il a pris par la suite. 

Fleurs et plumes

Plaque ornant la sépulture de Jules Caillaux, au cimetière de Belleville.
Photo prise par M. le 11 juin 2013. (Cliquer pour agrandir).

   M., qui visitait hier le cimetière de Belleville, tomba en arrêt devant une tombe, à cause de la dédicace inscrite sur une plaque de fonte art nouveau très travaillée dont elle s’ornait : 
« L’Assistance paternelle des fleurs et plumes à son bienfaiteur, Jules Caillaux, 1849 – 1916, chevalier de la Légion d’honneur, président de 1892 à 1916 ».
   À quel carnaval, à quelles Folies Bergère, à quel temple de la mode Belle Époque pouvait bien renvoyer cette inscription funéraire plutôt festive dont la légèreté florale et plumassière, à peine teintée d’un soupçon de paternalisme, contrastait si gaiement avec la gravité des lieux ?
   La réalité, trouvée grâce à Google sur le site des Presses de l’éducation, s'avère nettement moins gaie. Raccourcie pour des raisons de lisibilité ou d’économie, la raison sociale complète de l’association était en fait « Société pour l'assistance paternelle aux enfants employés dans les fabriques [puis industries] des fleurs et des plumes. Patronage industriel ». En effet les fabriques de fleurs artificielles et plumes de parure de l’époque employaient des enfants, des filles, à la confection des aigrettes, des chapeaux, des boas et des éventails des élégantes. 
   L'association patronnait quelques dizaines de ces enfants et veillait à leur moralité et à leur éducation. 
  On lira sur le sujet des « Articles de Paris » et plus particulièrement des fleurs artificielles, l'intéressant article de Claire Lemercier « "Articles de Paris", fabrique et institutions économiques à Paris au XIXe siècle.»
  Un autre article intitulé «Plume et mode à la Belle Époque» et signé Anne Monjaret, est paru dans la revue Techniques et culture. Il montre comment étaient utilisées les plumes des oiseaux exotiques et raconte les protestations que cette utilisation provoqua chez les amis... des bêtes !
  Il y avait aussi, apparemment, quelques amis des enfants, dont ce monsieur Jules Caillaux qui mérite pour cette raison sa plaque. 

21 mai 2013

Plus. — Sonnet plein de mots vides.



          Jamais exprès de là, pourtant même, sinon
          Derechef, par-dessus et cependant naguère,
          Incognito soudain hormis devant derrière,
          À l’encontre peut-être autant que si oui-non…

          Ainsi toujours, partout, et pas plus tard qu’hier,
          Enfin près, vite et loin, donc presque aussi longtemps
          Qu’avant, parfois toujours, souvent aussi devant,
          Comme après ou très tôt avec peu (trop peu), vers

          Ici plutôt que là, partout et aussitôt.
          Qu’ensuite désormais ailleurs… Plutôt jusqu’au
          Quoi déjà ? Jusqu’à quand ? Assez dorénavant !

          Combien de trop encore et de sitôt céans ?
          Lorsque en voilà de mieux, pourquoi jamais dehors ?
          Demain, enfin demain, et maintenant d’abord !

          EC

25 avril 2013

Le Mur (XII) : Le Trou noir

Il n'y a qu'un trou noir

Je ne pédale pas la nuit, Dieu m’en préserve !
Mais le bruit m’ayant fait sortir sur mon balcon
Pour examiner qui pouvait être assez con
Pour travailler à l’heure ou d’autres se réservent 
Un peu d’intimité, je me penche et j’observe
Des grues et des engins, en clignotants féconds
Avec des gens casqués tout autour, et dès qu’on
Leur crie un truc ou l'autre, on voit bien qu’ils s’énervent ; 
Le regard, machinalement, cherche autre chose,
Et ne le trouve pas, même quand il se pose
À l’endroit où, normalement, (c’est presque sûr) 
Il devrait contempler l’objet de sa recherche.
Il devra convenir que l’on n’y voit pas lerche,
Et qu'on n'a qu’un trou noir à la place du Mur !

Des grues et des engins en clignotants féconds

L'eau sans o (ni eau), sonnet


Il n’y a que de l’air, de la terre et du feu
Mais rien de ce qui file entre les mains, liquide,
Duquel il n’est resté que cet état frigide
Appelé glace et gel. J’y ai vu du gazeux,

Car la vapeur, la brume (et la buée un peu),
Scientifiquement parlant, c’est un fluide
Qui s’apparente au gaz, même si c’est humide.
Bref, tu l’auras saisi, même quand c’est fumeux,

Ce qui manque ici-bas sur la vieille planète
C’est cet élément-là, que je ne peux citer
Mais qui parmi les quatre est vital car sa quête

Est le but des humains et autres asséchés.
Heureusement, le vin existe et je le tire ;
Et même, j'en ai bu, avant cette satire.

EC

Explications : l'idée de ce sonnet m'est venue après la publication sur twitter, le 21 avril 2013, de ce défi https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=SUS-Fq8Lsys d'origine canadienne, qui a d'ailleurs suscité la créativité de plusieurs écoliers, il suffit de suivre le hashtag #eausanso pour le constater !