Les cent kilomètres de Millau |
Bien qu’il fasse volontiers le jeune-homme, mon coiffeur a atteint un âge où, comme le dit Coluche, les bougies commencent à coûter plus cher que le gâteau. Mais il sait s’entretenir, et pas seulement d’un point de vue capillaire. Mon coiffeur est en effet marathonien. Il court avec ses copains chaque semaine, et participe aux grands événements annuels, tels les cent kilomètres de Millau. Cette année, ils se sont courus sous la pluie du cinquantième au dernier kilomètre. C’était dur, surtout pour les pieds. La peau des talons mouillés se fripait dans les chaussures, me dit-il, comme celle des doigts d’un bébé resté trop longtemps dans son bain. Aussi, une fois arrivé, après plus de quinze heures d’efforts, mon coiffeur a-t-il pensé à se réconforter avec ses potes plutôt qu’à appeler son épouse. Inquiète de l’état de sa mémoire, celle-ci l’a persuadé, à son retour à Paris, de se faire examiner par un neurologue. L’homme de l’art ordonna une IRM, pendant laquelle mon coiffeur, d’un naturel confiant et optimiste, s’endormit, malgré le bruit. Au réveil, on discute devant les clichés de l’IRM qui montrent un cerveau parfaitement normal :
— Mais quand je l’envoie me chercher une baguette, il part, et il revient sans la baguette, explique madame. Alors, mon coiffeur, au neurologue :
— Que voulez-vous, quand j’étais petit, on n’a pas arrêté de m’inculquer que Marignan, c’était 1515, et ça je ne l’oublie pas. Si vous pouvez m’enlever Marignan de la tête et mettre la baguette à la place, je suis d’accord !
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