13 juin 2009

Dans les vestibules


«permettez mille excuz à ce crâne — une boule —
de susurrer plaintif la chanson du néant»
Raymond Queneau, «Je crains pas ça tellment», in l'Instant fatal.
S'il y a un sport que j'ai en horreur, c'est bien la spéléologie. Rien qu'à l'idée de devoir me glisser dans d'étroits boyaux boueux à l'issue incertaine, sans même pouvoir me retourner pour revenir à l'air libre par le même chemin, me voilà prise de panique convulsive. Alors à celle de rester vingt minutes sans bouger dans un tube, vous imaginez bien que je n'étais pas fière. « Je me réciterai du Baudelaire », me disais-je (car j'ai remarqué en d'autres occasions que cette thérapie était efficace contre la trouille). Mais bernique! Une fois introduite dans le tube en question, quand on m'a envoyé dans les oreilles successivement des basses fréquences, puis des toc toc toc d'esprit frappeur, puis carrément les trépidations d'un marteau piqueur, mes beaux alexandrins se sont barrés en couille (c'en est un d'ailleurs). Essayez de marteler La / so / ti / zeu / lé / reur / le / pé / ché / la / lé / zi / no / cu / peu / no / zes / pri / et / tra / va / yeu / no / cor, sur le rythme d'un marteau piqueur, eh bien ça ne ressemble plus à rien. J'y ai donc renoncé pour me concentrer sur ce qui se passait. Mon cerveau traversé par des champs magnétiques (tiens, encore un) si puissants qu'ils peuvent faire voltiger les objets métalliques, allait-il résister à l'assaut ? N'avais-je pas à mon insu un de ces objets près de la tête ? Je me souvenais de l'avertissement qu'ils m'avaient donné avant:
«le port d'une pile (pacemaker), d'une valve cardiaque, ou de tout élément contenant du fer près des yeux ou dans la tête constitue un facteur de risque majeur (risque de décès, de cécité)»

Mais aucune de ces deux éventualités ne s'est finalement produite. Il y avait devant mes yeux sans lunettes un jeu de miroirs, une sorte de périscope me permettant d'apercevoir des silhouettes derrière une vitre, sans doute penchées devant un écran, en train de regarder défiler mes tranches de cervelle. J'y voyais aussi mon estomac se soulever au rythme de ma respiration. Dans ma main droite, une poire à presser pour appeler en cas de panique. Mais j'ai résisté, j'ai essayé de mémoriser les différents bruits qui m'assourdissaient, de compter les toc toc toc de l'esprit frappeur, de ne pas bouger malgré les soubresauts dont la machine était parfois agitée, et voilà, ça s'est arrêté, et j'avais la tête comme un melon.

Le médecin m'a remis un compte rendu très poétique:
En regard de la fosse postérieure, pas de lésion en regard des angles ponto-cérébelleux,
Intégrité des conduits auditifs internes, des appareils cochléo-vestibulaires.
Intégrité du 4e ventricule, du tronc cérébral, du cervelet.
À l'étage sus tentoriel:
Intégrité du système ventriculaire.
Présence de quelques hypersignaux de la substance blanche, aspécifiques, visibles notamment en regard des régions péri-ventriculaires, des centres semi-ovales droit et gauche.
Pas d'argument en faveur d'un accident vasculaire ischémique ou hémorragique récent.

Bon, j'étais un peu inquiète “de ces hypersignaux de la substance blanche” (encore un ma foi) aspécifiques, mais à la réunion Formules de ce matin, B. qui s'y connaît, m'a dit que le mot essentiel était «aspécifiques», ce qui veut dire qu'on ne peut rien en dire.

Je pense qu'ils étaient dûs aux alexandrins massacrés du poème «Au lecteur» de Baudelaire.


02 juin 2009

Le gendarme











Le dos orné d'un masque ethnique
La punaise d'Europe nique
Pendant trente heures quelquefois
Bouffant du tilleul et des noix