Hier soir, j’allais chez une copine, une copine de vingt ans, chez qui je devais retrouver quatre autres joyeuses survivantes de l’heureux temps post minitel où nous avions fondé internenettes.fr, avant même que le mot « blog » ait été inventé. J’ai donc pris d’abord le bus 80, dans l’intention de changer pour le 32 à l’arrêt Pasquier. Et dans ce 80, j’ai remarqué un noble vieillard, de stature imposante, dans un de ces larges sièges que prévoient maintenant les bus. Il n’y était pas avachi, mais installé comme s’il était sur un trône, et son port de tête attestait une souveraineté spirituelle, sinon temporelle. Son visage bienveillant était éclairé par une barbe blanche magnifique, des sourcils et une moustache de même couleur. À Pasquier, il descendit en même temps que moi et nous cherchâmes de conserve l’arrêt du 32, qui était tout proche.
Là, nous eûmes la désagréable surprise de lire sur le panneau électronique indiquant les délais d’attente, qu’il nous faudrait poireauter dix-huit minutes dans les courants d’air avant le prochain bus. Assis sur le banc de cet abri Decaux nouveau modèle — visiblement conçu pour qu’on n’ait pas la tentation d’y rester plus de quinze secondes — nous nous préparâmes à cette attente, moi branchée sur FB et Twitter via mon Samsung, lui au téléphone avec quelqu’un pour prévenir qu’il allait être en retard. Dans ces cas là, on lie forcément conversation. J’appris donc vite que mon voisin se rendait au temple de Passy à une répétition du Requiem de Mozart devant être donné le soir suivant en mémoire des victimes des attentats. Je lui dis que j’aurais pu être moi-même en train d’assister à une performance de Ein Deutsches Requiem, de Brahms, si je n’avais pas été invitée chez ma copine. — «Quelle œuvre magnifique», me dit-il et nous voilà causant musique et musiciens pendant une dizaine de minutes, évoquant Alfred Cortot, son piano maintenant au Brésil, Jacques Thibaut, sa copine Jeanne Isnard qui fut prof de violon de ma sœur, et que sais-je encore.
Ce n’est que quelques minutes avant l’arrivée du 32 que cet ancien architecte, adepte de Bla Bla Car et choriste mozartien, dont je croyais déjà tout connaître, me révéla la vérité de son être. Car ce monsieur EST le père Noël, le vrai ! pas un de ces crétins avec la barbe en coton mal collée sur une gueule d’ado retardé, non, le vrai, le seul, le grand, d’ailleurs je l’avais bien senti avant même qu’il ne m’adresse la parole !
Bon, d’accord, avec les attentats ils n’a plus le droit de se balader en costume. Ces connards d’islamistes prennent en effet le père Noël pour un symbole chrétien, quel manque de culture ! Mais il revêt ce costume entre le Printemps Haussmann et la Grande Récré, pour la plus grande joie des enfants qui peuvent toujours essayer de lui arracher sa barbe ! Pour mieux me le prouver, il m’a offert sa photo dédicacée et m’a invitée à liker sa page Facebook. Le bus arrivant, bondé, nous fûmes rapidement séparés. J’ai passé une bonne soirée avec mes cinq internénettes, et en rentrant, j’ai liké la page. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre le père Noël !
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