02 mai 2014

Un panorama de Louis Dumoulin

Tombe de Louis-Jules Dumoulin,
au cimetière Montmartre

Une jolie tombe fleurie ornée d'une palette en bronze dans le cimetière Montmartre. C'est bien un peintre qui repose ici : Louis Dumoulin, 1860-1924, né de parents peintres et dont le grand-père était sculpteur, était l'élève du fameux Henri Gervex, dont la toile « Rolla », décrite par Huysmans qui avait bon goût, fit un beau scandale au Salon de 1878. Mais lui, Dumoulin, n'est pas connu pour ses nus ou ses scènes d'intérieur. Une œuvre lui reste attachée à jamais, plongeant hélas dans l'oubli ses nombreux paysages et ses tableaux « coloniaux », pour la plus grande joie d'ailleurs de quelques connaisseurs qui les collectionnent : c'est le Panorama de la bataille de Waterloo, qu'on peut toujours voir en Belgique sur le site de la bataille du même nom. L'œuvre est abritée dans une rotonde blanche de style néoclassique. Elle est inscrite depuis juillet 2008 sur la liste indicative de la Belgique à l'Unesco, comme exemple particulièrement significatif du phénomène des panoramas.


Un morceau du panorama de la bataille de Waterloo
par Louis Dumoulin


Il faut ici dire un mot de ces « panoramas », fresques grandioses exécutées en trompe l'œil, qui adoptaient une forme circulaire de manière à entourer les spectateurs, selon le procédé breveté en 1787 par un Anglais d'origine irlandaise, Robert Barker (1739-1806). Avec un peu d'imagination, les spectateurs en question pouvaient se croire au cœur même de la scène représentée. 

« Nouveau Panorama des Champs Élysées »

Les panoramas connurent une vogue incroyable au XIXe siècle, tenant le rôle que le cinéma allait bientôt jouer. Des bâtiments cylindriques furent spécialement construits pour les abriter, certains à deux étages, on s'y rendait en famille. L'entrée du spectacle était d'un franc et de cinquante centimes « pour les militaires et les enfants ». Deux de ces « tours » se trouvaient à l'entrée du passage des Panoramas, dans le 2e arrondissement de Paris, c'est à elles qu'il doit son nom.

Trois affiches pour des panoramas

Il fallait être un peintre vraiment habile pour exécuter de tels tableaux : le pionnier et le maître incontesté du genre avait été le peintre Pierre Prévost, détenteur en France du brevet de Barker. On lui doit dix-sept panoramas, les plus célèbres illustrant les vues de Rome, de Naples, d'Amsterdam, de Jérusalem, d'Athènes, ou la bataille de Wagram. Mais il eut plusieurs émules, comme Castellani, Poilpot, ou même Gervex en personne, avant son élève Dumoulin. Louis Daguerre, toujours malin, perfectionnera le système sous le nom de diorama, en y ajoutant des effets de lumière qui donnent encore plus de vie à la scène.

Le Piton de la Fournaise, île de la Réunion,
par Louis Dumoulin

Il serait toutefois dommage que la bataille de Waterloo, aussi bien exécutée qu'elle soit, éclipse le reste du travail de Dumoulin, qui fait partie de la catégorie des « peintres voyageurs ». Il exposait régulièrement au Salon ses toiles représentant des paysages d'Europe quand une mission au Japon vint rompre ce train-train. Il en rapportera des études très intéressantes, des croquis pris sur le vif comme cette fête à Kyoto.


Koi Nobiri (fête des garçons) à Kyoto

Il visite ensuite le Brésil, le Sénégal, la Russie, la Turquie, la Grèce, la Syrie, la Palestine, puis est nommé en 1891 peintre du ministère de la Marine et du ministère des Colonies. C'est lui qui organise l'Exposition Coloniale de Marseille en 1906 et fonde en 1908 la Société coloniale des artistes français, qui rivalise avec la Société des peintres orientalistes français et qui sera entre autres à l'origine de la création du musée de Casablanca.

Minaret d'une mosquée à Marrakech

Quelques unes des œuvres de Dumoulin sont visibles au musée Guimet, au musée d'Orsay ou au Quai Branly. Mais la plupart semblent détenues par des particuliers qui se les échangent assez cher sur le web. J'avoue avoir ignoré l'existence de ce peintre jusqu'à la rencontre de sa tombe si pimpante. Je ne regrette pas de l'avoir découvert, et avec lui l'histoire des panoramas.




2 commentaires:

  1. Merci pour cette excellente présentation de Louis Dumoulin sur la vie duquel j'ai publié un roman" Louis Dumoulin, peintre des colonies".
    Michel LOIRETTE

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    1. Merci à vous ! Je ne connaissais pas votre roman, mais je comprends que vous ayez été inspiré par ce peintre.

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