Comme on l'a vu dans le post précédent en découvrant Maurice Neumont, le Cornet était une importante goguette. Cette société d'entraide avait été fondée en 1896, au retour des obsèques d'un ami poète, et dans un bistrot, par quatre Montmartrois :
La Nichonnette, musique de Paul Delmet |
Chanson de B. Millanvoye (cliquer pour agrandir) |
1. Georges Courteline, (1858-1929) immortel auteur des Gaîtés de l’escadron et de nombreuses comédies. Ses « romans tableaux » à l'écriture alerte, en forme de sketches, n'ont pas manqué d'inspirer les cinéastes. On parle beaucoup d'infra-ordinaire en ce moment : eh bien Courteline en était un spécialiste ;
2. Paul Delmet, (1862-1904) compositeur et interprète de plusieurs romances connues aux mélodies délicieusement surannées qui furent reprises par Tino Rossi. On peut en écouter sur YouTube : par exemple L'Étoile d'amour, le célèbre Envoi de fleurs et Charme d'amour ;
3. Bertrand Millanvoye (1848-1913) auteur de La Belle Espionne, des Coquines, et d’une Anthologie des poètes de Montmartre dans laquelle on trouve quelques uns de ses vers, par exemple ceux-ci :
Pour être imbécile à mon aise.
Pour rester, le cul sur ma chaise,
Béatement, le jour entier !
N'ayant plus de rêve en chantier,
Je deviendrais très vite obèse;
Je voudrais bien être rentier,
Pour être imbécile à mon aise.
J'attirerais dans mon sentier
Une maigre et frigide Anglaise,
Aux yeux de brume, au cœur de glaise,
Qui rirait avec un dentier ;
Je voudrais bien être rentier !
Les « Cornettistes » se réunirent fidèlement chaque mois pendant presque quarante ans, à environ une centaine de convives, dans divers restaurants successifs, autour d'un repas aussi soigné que bien arrosé et suivi d'une séance de lecture ou d'un concert de chansons et de romances. Les menus de ces repas étaient somptueusement illustrés par les membres, dont Maurice Neumont qui fut comme on l'a vu l’un des plus prolifiques.
À chaque dîner, on tire aux dés (avec un cornet) le nom de celui qui aura l’honneur de présider le prochain. On tire également une tombola, qui rapporte chaque fois plusieurs centaines de francs. Le droit d'entrée au repas, de 25 francs en 1927, n'est pas négligeable, et les finances sont rigoureusement tenues, faisant l’objet de comptes rendus scrupuleux dans la revue mensuelle de la goguette, appelée elle aussi Le Cornet.
Limitée en général à quatre pages seulement, elle fait le portrait du nouveau président du dîner, donne des nouvelles des membres, liste les admissions et les candidatures, annonce les événements, les concerts ou les expositions des membres, publie parfois textes ou poèmes, tient la rubrique nécrologique. Elle paraîtra régulièrement de novembre 1905 à avril 1936 soit pendant plus de trente ans ! Ses portraits-charges, souvent signés de Charles Léandre (1862-1934), constituent au fil des mois et des années une galerie qui en dit, sur chaque caricaturé, aussi long sinon plus qu'une biographie.
« Le portrait-charge est un portrait souligné, on pourrait dire un portrait intense ; le détail caractéristique n'est pas toujours celui qui se voit le plus. Mais quand on tient ces détails révélateurs, quelle lumière tout d'un coup ! On pourrait dire qu'on arrive à une interprétation qui est mieux que la ressemblance » dit très bien Charles Léandre, cité par le Dico Solo. Souvenez-vous de lui lorsque vous passerez à Montmartre dans l'avenue Junot, devant l'entrée de la Villa Léandre, cet endroit ravissant où l'on aurait tous envie d'habiter.
« Les dames ne sont pas invitées », précise souvent l'annonce du dîner dans les premiers numéros du Cornet. Et pour cause : on n'y parle que d'elles, et de toutes les façons possibles... Elles finiront cependant par l'être parfois, les idées évoluant au Cornet comme ailleurs.
Pour être imbécile à mon aise.
J'attirerais dans mon sentier
Une maigre et frigide Anglaise,
Aux yeux de brume, au cœur de glaise,
Qui rirait avec un dentier ;
Je voudrais bien être rentier !
et 4. Albert Michaut, un chansonnier, auteur de pièces de théâtre jouées au Grand-Guignol qui était aussi... commissaire de police ! Il écrivit les paroles de l'hymne du Cornet et en devint président en 1920, à la mort du précédent, Ernest Grenet Dancourt. Le commissaire est bon enfant !
Têtière de la revue Le Cornet à partir de 1928 |
Les « Cornettistes » se réunirent fidèlement chaque mois pendant presque quarante ans, à environ une centaine de convives, dans divers restaurants successifs, autour d'un repas aussi soigné que bien arrosé et suivi d'une séance de lecture ou d'un concert de chansons et de romances. Les menus de ces repas étaient somptueusement illustrés par les membres, dont Maurice Neumont qui fut comme on l'a vu l’un des plus prolifiques.
À chaque dîner, on tire aux dés (avec un cornet) le nom de celui qui aura l’honneur de présider le prochain. On tire également une tombola, qui rapporte chaque fois plusieurs centaines de francs. Le droit d'entrée au repas, de 25 francs en 1927, n'est pas négligeable, et les finances sont rigoureusement tenues, faisant l’objet de comptes rendus scrupuleux dans la revue mensuelle de la goguette, appelée elle aussi Le Cornet.
Portrait de Courteline jouant avec son théâtre de marionnettes, par Charles Léandre, auteur de nombreux portraits-charge qui illustrèrent Le Cornet. |
Limitée en général à quatre pages seulement, elle fait le portrait du nouveau président du dîner, donne des nouvelles des membres, liste les admissions et les candidatures, annonce les événements, les concerts ou les expositions des membres, publie parfois textes ou poèmes, tient la rubrique nécrologique. Elle paraîtra régulièrement de novembre 1905 à avril 1936 soit pendant plus de trente ans ! Ses portraits-charges, souvent signés de Charles Léandre (1862-1934), constituent au fil des mois et des années une galerie qui en dit, sur chaque caricaturé, aussi long sinon plus qu'une biographie.
« Le portrait-charge est un portrait souligné, on pourrait dire un portrait intense ; le détail caractéristique n'est pas toujours celui qui se voit le plus. Mais quand on tient ces détails révélateurs, quelle lumière tout d'un coup ! On pourrait dire qu'on arrive à une interprétation qui est mieux que la ressemblance » dit très bien Charles Léandre, cité par le Dico Solo. Souvenez-vous de lui lorsque vous passerez à Montmartre dans l'avenue Junot, devant l'entrée de la Villa Léandre, cet endroit ravissant où l'on aurait tous envie d'habiter.
« Les dames ne sont pas invitées », précise souvent l'annonce du dîner dans les premiers numéros du Cornet. Et pour cause : on n'y parle que d'elles, et de toutes les façons possibles... Elles finiront cependant par l'être parfois, les idées évoluant au Cornet comme ailleurs.
Autoportrait de Charles Léandre |
Parmi les membres du Cornet, il faudrait encore citer Fernand Gottlob (1873-1935), qui illustra justement Courteline et collabora à de nombreuses revues de l'époque : Le Journal pour Tous, Le Rire, Le Sifflet, L'Assiette au Beurre, etc. ; Misti (Ferdinand Mifliez, 1865-1923), peintre, lithographe, sculpteur, dessinateur, affichiste et « compositeur pianiste par intuition », toujours selon le Dico Solo ; Louis Vallet, connu pour ses dessins archi-élégants de chevaux, d'officiers chics et de petites femmes, qui sont quasiment des dessins de mode. Antoine Paul Taravel, dit Xavier Privas, 1863-1927, chansonnier, dont j'offre la Chanson des heures aux amateurs de disques qui grattent. Il faudrait en citer tellement d'autres ! Mais parce qu'il faut bien finir, je terminerai par Ernest Grenet Dancourt lui-même, le premier président du Cornet : c'était un homme très laid mais très drôle, auteur de comédies à succès, dont je vous conseille entre autres le poème « Coco ».
Pourquoi m'est-il si cher ? Parce que son nom constituait le remarquable aptonyme anagrammatique suivant :
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