Giovanni Merloni, Le Cycliste, 1970. Extrait de son blog, Le Portrait inconscient |
Il suffit aujourd’hui pour se dire poète,
Pourvu qu’on sache un peu manier l’alexandrin
Et qu’on ne soit pas tout à fait analphabète,
De laisser ses humeurs s’écouler par ce drain.
Ah que j’aurais aimé les mettre sur la table,
Mes entrailles, mon sein, mon foie, mes reins, mon cœur,
Pour vous faire pousser un soupir lamentable
Et voir votre œil ému s’humidifier d’un pleur !
Avec des lieux communs et des stéréotypes,
Des clichés, des idées reçues et des poncifs,
Je vous aurais montré sans vergogne mes tripes,
Choisissant les plus éculés des substantifs.
J’aurais parlé d’amour, de bonheur, de tendresse,
De partage, de sens, de ciel, de lendemain,
Jusqu’à ce que ma muse, en me bottant la fesse,
Ne vienne m’accuser de faire la putain,
Et, d’un doigt impérieux, me désignant la page
Où se trouve gravé le saint nom de Queneau,
Ne m’enjoigne de me remettre à mon ouvrage,
Ordre auquel j’aurais obéi d’un air penaud.
Poète, à tes instincts il te faut mettre un frein !
Pour contenir l’affect construis-toi une digue.
Prends un peu de recul pour pondre ton quatrain,
Et de tes sentiments ne sois pas trop prodigue.
Si tu n’as pas de digue, un mur qui te fait face,
Lorsque tu es sur ton vélo d’appartement,
Pourra faire ma foi une digue efficace.
Tu le contempleras et tout en t’échinant,
Tu devras déchiffrer comme dans un grimoire
Les ratures les traces et les inscriptions
Gravées sur sa paroi, surgies de ta mémoire,
Car c’est en pédalant que vient l’inspiration.
Merci Elisabeth
RépondreSupprimerBravo!!
RépondreSupprimerIl vient parfaitement bien dans la série.
Ç'aurait quand même été dommage qu'il ne soit pas publié ;-)
C'est très beau. Je cheminais à pied, à côte de votre vélo et je voyais l'Arioste en train d'endiguer dans ses octaves le Roland Furieux. Endiguer pour exister. Donc le mur est nécessaire, une frontière du moins invisible et gentille est nécessaire ? Et alors, le Mur de Shakespeare qui nous quitte... est-ce qu'il nous laisse dans la babel du "n'importe quoi" et de l'indifférence ? Je voyais aussi La Fontaine, s'adressant à son roi à lui par le biais de ses animaux parlants... Merci de cet échange qui continue !
RépondreSupprimerC'est en suivant le lien depuis votre commentaire (qui m'a ravi) en suite d'une note sur facebook parue sur le blog "rézonances" du monde.fr (ici : http://rezonances.blog.lemonde.fr/2013/02/08/facebook-comment-proteger-son-compte-avant-larrivee-de-graph-search/#comment-5192) (ouf...) que j'ai découvert le vôtre, de blog. Et ce poème superbe que j'aime beaucoup et que je m'empresse de "partager" sur FB avec l'espoir immodeste que cela contribuera un poil à son audience. Bien cordialement.
RépondreSupprimerMerci beaucoup du commentaire et du partage. C'est très sympa !
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