23 avril 2012

#RadioLondres, une compile

Course d'escargots aux couleurs éloquentes, vue sur Twitter

Ça a commencé très tôt, dès samedi vers 18h, juste après le vote à Saint Pierre et Miquelon, où fleurissent apparemment les roses, puisque un twittos posta ceci : 
« Les roses font au moins 30 cm de haut à St Pierre et Miquelon. Je répète, 30 cm. #RadioLondres »
Ce hashtag (mot-clé), #RadioLondres, allait connaître un succès grandissant au fur et à mesure que l’on approchait du lendemain 20 heures, avec d’autres tels que #Jerespectelecodeelectoral, #marchesaintpierre, ou #resultats2012. Comme on votait aussi à Londres, un petit malin, aussitôt retweeté par des dizaines d’autres, ajouta à 18 h 36 : 
« Surtout ne pas diffuser les premiers résultats que lesoir.be vient de publier sur le vote à Londres. »
Un clic sur le lien suffisait pour s’apercevoir que Le Soir, se basant sur un sondage sortie des urnes, annonçait Hollande plus bas que prévu, Sarko encore plus bas, Mélenchon à 14 %, et déjà... « Le Pen la surprise ». 

Passant du langage des fleurs à celui de la chaussure, un autre twittos, citant une estimation interdite, annonçait : 
« le nain chausse toujours du 26 ». 
Un troisième, inquiet ou heureux, s’exclamait : 
« La Marine nationale monte, la Marine nationale monte !! » 
Un autre, apparemment déçu, déplorait dans un style plus culinaire que « la béarnaise ait raté » alors que « la mimolette » était « confirmée à 30 € ». 
Un adepte de la variété affirmait :
« L'Eurovision donne 29 points à la Hollande et 26 à la Hongrie... » 
Affolés par cette avalanche de métaphores, certains avouaient avoir du mal à s'y retrouver : 
« Avec l'histoire de #RadioLondres, maintenant je cherche un double sens à tous les tweets... » 
se plaint un twittos perdu.

Dans le genre océanique, on vit ensuite et successivement passer la navigation de plaisance
« le yacht de Bolloré prend la vague en pleine face, je répète, le yacht de Bolloré prend la vague en pleine face », 
la poissonnerie
« #RadioLondres Je crois que le marché de St-Pierre ferme à 22 h, s’il y a un pêcheur de morue sur Twitter, on voudrait qu'il se signale » 
et le Titanic
« Le capitaine de pédalo a évité l'iceberg, je répète le capitaine de pédalo a évité l'iceberg ! »
Vers 19 h 30 samedi, on pouvait demander sur le mode primeurs
« qui peut dire combien coûte le panier de l'ouvrière au marché de St-Pierre ? mentionner les oranges mi-bourgeoises », 
ou sur le mode climatique
« Quelqu'un peut il me donner la météo en Guyane et en Martinique en ce moment ? »
« quelqu'un connaît la force du vent marin sur #marchesaintpierre ? » 
ou encore sur l’alcoolique
« Demain, j'ouvre une bouteille de rosé et de rouge, des conseils sur le degré d'alcool ? » 
Tous les twittos n’était pas dupes : les uns avertissaient les autres d’un très sérieux 
« Attention, les carottes ne sont pas cuites. Je répète: les carottes ne sont pas cuites. », 
les autres se lançaient dans la dérision
« L'information qui dit que Cheminade aurait eu une voix dans les DOM-TOM est un fake. »,
 « Que font tous ces camions de la marque Kleenex devant le siège de l'UMP? »,
« Je prédis que le gagnant de l'élection ne tiendra pas ses promesses #RadioLondres // mouahahahhahahaha »,
« Si tu lis jusqu'au bout, tu auras lu 2 fois le même truc. Je répète. Si tu lis jusqu'au bout, tu auras lu 2 fois le même truc. » 
et le délicieux 
« Sinon allez poster les résultats et sondages sur Google+, personne ne le remarquera. » 
En tout cas, tous se félicitaient de la situation entraînée par une interdiction ridicule : 
« Magnifique #effetStreisand pour l'interdiction des estimations d'ici dimanche 20h ! » 
L’effet Streisand, faut-il le rappeler « est un phénomène internet qui se manifeste par l’augmentation considérable de la diffusion d’information ou de documents faisant l’objet d’une tentative de retrait ou de censure. ». 
On en vit même entamer le débat politique avec vingt-quatre heures d’avance : 
— « Churchill : « La vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère. » disait l'un
— « Alors que la répartition de 600 milliards de dette, c'est quand même beaucoup mieux ! » répondait l'autre.
Le dimanche, il y en eut qui se firent plus vulgaires
« Dans les Dom Tom la poissonnière l'a dans la raie ! #JeRespecteLeCodeElectoral #RadioLondres »
tandis que la présence du hashtag RadioLondres dans les TT (trending topics) attirait l’attention des étrangers : 
« French resistance style tweets to offer early and illegal #french #election results under #radiolondres hashtag ». 
La multiplication des métaphores légumières ne laissait pas d’étonner : 
« Beaucoup de monde dans mon épicerie de quartier pour un dimanche de vacances... #RadioLondres 
Quelques twittos équipés profitent d’Instagram pour envoyer des photos, comme celle d’un Flanby périmé, accompagné de la légende 
«#RadioLondres Impossible de voter pour Flanby, je répète : impossible de voter pour Flanby !» 
Un sympathique cuisinier de colo envoie la photo de ses piles de crêpes en précisant 
« La pile de gauche semble avoir une nette avance... #radiolondres ». 
Un mystérieux message, 
« #RadioLondres Veuillez transmettre à vos réseaux de résistance la vue aérienne ci-joint. #topsecret », 
sert de commentaire à une photo de course d’escargots en bois rose, bleu, jaune, rouge, orange et vert. 
Circule aussi un bon montage photo montrant un camion des déménageurs bretons devant le palais de l’Élysée. 

Cependant, l’heure approchant, les prévisions s’affinent : 
« Les numéros du loto du jour (à confirmer) 27/ 25,5/ 16/ 13/ 10 »
« Dernière observation du marché RTBF: le gouda à 28 € la rolex à 26 € la choucroute à 16 € la tomate à 13 € #radiolondres »,
« Nouveau bulletin Météo de #radiolondres 27-29°à Amsterdam, 25-26 à Budapest,18-20 à Vichy, 11-12° à Moscou ». 
Et devant la montée de Marine le Pen, les twitts se teintent d’amertume :
« La tomate est moins mûre qu'attendue. Il a trop plu. #RadioLondres #22avril »,
« Harry Potter nous a pas libéré de Valdemor ». 
Les twittos, maintenant au courant de ce qui les attend, se sont installés devant la télé pour patienter avant la divulgation officielle et autorisée des différents sondages, dont tous ont connaissance, par des journalistes aussi aware qu'eux.  C’est toujours l’humour qui domine : 
« Plus efficace encore que #radiolondres : observer à quel moment Jacques Seguela va re-re-re-retourner sa veste... #bfmtv »
« Borloo revient du coiffeur. Borloo revient du coiffeur. #radiolondres »
« Serge Moati en repérage au Panthéon. #RadioLondres »
« Et toujours aucune info sur le score de Cheminade. Les menaces d'amendes semblent efficaces #RadioLondres »

EC

22 avril 2012

Problèmes de réception

C'est aujourd'hui l'anniversaire de ma mère, 88 ans. Je lui ai offert ces fleurs, choisies chez Aquarelle, une maison qui a la bonne idée de vous envoyer la photo de votre bouquet juste avant l'expédition. Voici l'histoire de leur envoi et de leur réception : je l'ai écrite comme la précédente, en twitts de 140 caractères pile, publiés sur Twitter. Il doit y en avoir dix-huit, si mon compte est bon, soit 2520 signes exactement.

À 88 ans, ma mère vit dans la maison de son beauf, 90 ans, et de sa sœur, 86 ans. Les trois sont un peu sourds, mais s’entendent assez bien.
Ils mangent ensemble, regardent ensemble la télé, partagent la même « auxiliaire de vie », font quelques pas dans le village s’il fait beau.
Pour célébrer ces 88 ans, j’ai choisi sur Aquarelle un beau bouquet de roses, rouges et jaunes, quelque chose de gai, livraison prévue hier.
Vendredi 20, à 17 h 30, le bouquet est au centre Chronopost de Creil, chez l’expéditeur. Il arrive chez Chronopost Valence à 5 h 49, samedi.
À 7 h 21, samedi, le bouquet est dans la camionnette de livraison de Chronopost, laquelle entame sa tournée. Le village est à 10 kilomètres.
À 11 h 47, le livreur se présente à l’adresse indiquée avec le colis, et sonne. Rien ne se passe. Il sonne encore et demande si ya quelqu’un
À 11 h 48, n’obtenant pas de réponse, il téléphone au numéro indiqué sur son bon de livraison, mais se heurte alors au silence du répondeur.
Il décide donc comme prévu en pareille circonstance et au vu de la disposition des lieux de laisser le colis sous le porche devant la porte.
Un peu avant 11 h, avertie de la livraison et étonnée de n’avoir pas reçu de coup de fil, j’essaie de téléphoner à ma mère, pas de réponse !
Un peu inquiète, je rappelle vers midi, puis plusieurs fois dans l’après midi (en respectant l’heure de la sieste). S’ils n’étaient pas là ?
Mais où pourraient-ils être, eux qui ne bougent jamais ? Vers 17 h enfin je finis par entendre la voix de ma mère au téléphone, tout baigne.
« As-tu reçu les fleurs ? » — « Quoi ? » — « Je t’ai envoyé des fleurs. » — « Ah non, je n’ai rien reçu. Si, je vois une branche de lilas. »
Flûte, me dis-je. Le livreur n’a rien livré du tout, ou alors des personnes mal intentionnées ont franchi la barrière et dérobé le bouquet !
Va voir tout-de même, dis-je à ma mère, qui s’exécute. Tu ne vois pas un carton ? Ah oui, il y a bien un carton, là. Il est léger, dit-elle.
À midi moins dix, je suis sortie comme chaque jour pour ramasser le courrier, j’ai vu ce carton, j’ai pensé que ton oncle voulait le jeter !
Tu comprends c’est un carton très moche, un peu déchiré. Tu crois qu’il y a des fleurs dedans ? J’appelle ton oncle pour m’aider à l’ouvrir.
Aucun des trois n’avait entendu la sonnette, pas plus que la voix du livreur. Mes coups de téléphone, aucun des trois ne les avait entendus.
Plus tard, ma mère m’a rappelée : d’un bouquet, ils en avaient fait deux gros. L’un trônait dans le salon, l’autre sur la table de l’entrée.

15 avril 2012

Le Gitan de la ligne 2


Encouragée par les exemples remarquables de Kolia Delesalle et Lucien Suel, ainsi que par le groupe des twittérateurs de Facebook, je me suis essayée aujourd'hui à la «twittnouvelle», un genre appartenant à la «twittérature». Celle-ci, qui pourrait s'intituler «le gitan de la ligne 2», a été publiée sur Twitter et sous le pseudonyme de souris_verte, en dix fois 140 caractères.

Le musicien de la ligne 2 gratte sa guitare avec une telle conviction qu’il couvre presque entièrement sa voix, les paroles sont inaudibles
La musique, des rythmes sud-américains, est suffisamment connue pour que certains passagers battent discrètement la mesure avec leurs doigts
Pas le type que je fixe depuis la Place Clichy à cause de sa chemise bleu turquoise phosphorescente et de sa cravate rose sale épinglée d’or
D’or plaqué, certainement. Plaqué comme le sont ses cheveux noirs plantés bas sur le front et lissés en arrière avec du gel. Il ne bat rien.
Ni des doigts, ni des pieds, ni des paupières il ne bat, non. Mais dans son regard il y a du vague et même du tendre, et ses lèvres bougent.
Il les connaît par cœur, les paroles, et sur ses lèvres, oui, je peux lire l’espagnol. Une chanson, deux chansons, trois, il les sait toutes
Il met la main dans sa poche droite. Pour chercher de la monnaie ? Non. Il en retire un objet plat de forme arrondie, qu’il cache avec soin.
Il le cache comme s’il en avait honte. Puis toujours discrètement, il enroule une sorte de fil autour de son pouce. Le guitariste lui, joue
Le type fouille sa poche gauche et sort un autre objet de même forme qu’il cache dans sa main et entortille un autre fil à son pouce gauche
Le musicien s’arrête, fait la quête mais personne ne lui donne de pièce. Le type remet les objets dans ses poches. Ce sont des castagnettes.

Par ailleurs, je poursuis avec un aveugle acharnement le pensum de mon quatrain quotidien, réalisé — comme son nom l'indique — chaque jour, entre 7h 30 et 8h, (8 h 30 le dimanche) sur les titres de l'actualité. On peut le retrouver à l'adresse http://lequatrainquotidien.blogspot.fr/.