26 septembre 2011

Réécrire Harry Mathews

Harry Mathews
C'est parti ! Zazie mode d'emploi vient de lancer son jeu annuel de réécritures. Après Roubaud, Le Tellier, Calvino, Pastior, Perec et Salon, c'est au tour de Mathews d'être trituré par des dizaines et des dizaines d'oulipiens en herbe.
Le texte à travailler est tiré de Sainte Catherine publié en 2000 chez P.O.L.
C’est un soir de vent, de tonnerre et de pluie. Elle est plongée dans la lecture des Hauts de Hurlevent en bande dessinée. Un brusque coup de tonnerre et la pluie persistante se change en pluie d’orage, avec des éclairs nets ou diffus, et un tonnerre qui dirait-on fouette les frondaisons dans les gris du soir. Par le cadre de sa fenêtre s’infiltrent des minces fils de pluie poussée par les coups de bélier que le vent assène contre l’abondance soudaine d’une pluie que ne veut ni homme ni herbe, pas plus que le tonnerre qui vous fait sauter comme un enfant, ou ce vent qui arrive presque à étouffer le gong du soir.
Il y a déjà quelques réécritures sur le site, il y en aura plus demain, quant à moi j'en ai fait un sonnet que voici :
C’était un soir de vent de tonnerre et de pluie ;
Un temps à bouquiner les Hauts de Hurlevent,
En bédé cependant. C’est bien plus captivant !
(Écrit bien trop petit, le roman, ça l’ennuie).
 
Boum un coup de tonnerre ! Elle se fût enfuie
Si la pluie, les éclairs, l’orage, s’aggravant,
Ne l’eussent pas conduite à se mettre devant
La fenêtre, admirant le spectacle, ravie.
 
Elle voit s’infiltrer l’eau qui coule le long
Du cadre et que pousse un terrifiant aquilon
Contre la pluie luttant, cette pluie que refuse
 
Tout homme ou tout brin d’herbe ; on ne supporte pas
Non plus ces roulements qui surprennent, hélas...
Ni ce vent étouffant du soir la cornemuse.

22 septembre 2011

Qui n'en a pas ?


Prostate, par Wikipedia.

En allant vers l’Ardèche, je m’arrête dans la Drôme pour rendre visite à ma mère (87 ans).
Je la retrouve à la terrasse d’un restaurant en compagnie de ma tante (85 ans), de mon oncle (89 ans), plus une nièce et son copain.
Deux bouteilles vides de saint-joseph sur la table témoignent de ce qu’on ne s’est pas laissé périr.
Ma mère m'offre un café et me demande des nouvelles de M.
— Ça va bien !
— Et sa santé ?
— Ça va aussi, à part ses petits problèmes de prostate.
— Oh, mais qui n’en a pas ? s’exclame ma mère, très mondaine.
... Fous-rires !

La grotte en délire

Le cinéma de Ruoms
Nous passions quelques jours à Ruoms en Ardèche. Faute de pouvoir visiter la grotte Chauvet, toute proche mais fermée au public, nous nous sommes rabattus sur le film de Werner Herzog, que donnait l’unique cinéma du village. Dans une salle à l’ancienne, avec des fauteuils pliants rouges atrocement inconfortables, on pouvait seulement espérer le voir en 2D. Mais la 3D aurait-elle changé quelque chose à la nullité de ce film, sorte de patchwork de belles images de la grotte, d’interviews saugrenues, et de docus hors sujet ? Le Canard enchaîné prétend qu’Herzog a dû ajouter une heure de projection pour correspondre aux standards de durée d’un film. On serait porté à le croire tant l’épisode qui concerne l’archéologie allemande semble « plaqué » sur le reste. Au second degré, par contre, c’est un film réellement comique. Parmi les sommets, l’enthousiasme de la conservatrice tout émoustillée par l’évocation de l’homme musclé, gigantesque et velu qui hantait ces lieux. Elle est entourée de collègues féministes qui n’arrêtent pas de la corriger quand elle parle de cet « homme » : — «Dites la personne, précisent-elles. On ne connaît pas le genre». L'interview du parfumeur, persuadé qu'il peut renifler les grottes, vaut son pesant de Chanel numéro 5. Je retiens aussi le délire d’interprétation si enthousiaste d’un vieil archéologue, (je crois bien qu’il s’agit de Jean-Michel Geneste himself) persuadé de voir un «triangle pubien» entre les pattes de bestioles sur un pilier. Je n’ai rien vu de tout ça.
Mais il est vrai que j’y vois pus bien!

21 septembre 2011

Chaussettes

De retour d'une semaine de vacances en Ardèche, je fais une lessive. En l'étendant, je constate qu'il manque une des chaussettes de M.

— Zut ! dis-je en appelant M. J'ai un nombre impair de tes chaussettes !

— Supérieur à 1 ? me demande-t-il d'un ton inquiet.

07 septembre 2011

Pappus dans le ciel

Théorème de Pappus

Dans un plan, soient A1, B1, C1 trois points distincts alignés sur une droite (d), et soient A2, B2, C2 trois autres points distincts alignés sur une autre droite, alors les points A, intersection de (B2C1) avec (C2B1), B, intersection de (A2C1) avec (C2A1), C, intersection de (A2B1) avec (B2A1), sont alignés. C'est le théorème de Pappus.
Comment l'ai-je appris ? C'était cet été à Pirou, pendant le festival oulipien «Pirouésie». Nous avions loué un gîte pas très loin de la place de Pirou-Plage.
Chaque matin de beau temps, et il y en eut beaucoup, M. scrutait, en fumant sa première cigarette, le ciel normand strié des traits blancs laissés par les nombreux avions.
L’entendant grommeler quelque chose comme «cruelle déception matinale», je l’interrogeai. — «Que se passe-t-il ?» —  «J’attendais, me répondit-il, que se configure dans le ciel le théorème de Pappus, mais ça ne s’est pas produit».