21 décembre 2008
Suisses
J'apprends par la télévision qu'on a retiré récemment près de trente mètres cubes de déchets divers de la pièce d'eau des Suisses. Dire que j'ai toujours cru que c'étaient des gens propres !
19 décembre 2008
Georges-Yves Kervern
Voici aussi un lien vers le site de l'UTC, qui publie de nombreux et émouvants témoignages d'étudiants, de profs ou d'administratifs anciens ou actuels, qui ont connu Guy Deniélou.
Par une coïncidence funeste, à peine rentrée j'ai appris le décès de Georges-Yves Kervern, figure des rencontres Internet d'Autrans et des voyages de l'ACSEL. Comme mon père (qu'il admirait, je le sais) il était breton, scientifique, humaniste, doté d'un humour décapant et d'une intelligence innovante. C'était «l'Assureur» de mes romans photos. Je perds avec lui un ami bienveillant. Il va nous manquer.
14 décembre 2008
L'entraînement
À quelque temps de là, il arrêta de boire, et le fit, comme pour le tabac, du jour au lendemain, sans difficulté apparente : plus une goutte d’alcool ne pénétra désormais dans sa gorge, et tant pis pour le porto 20 ans d’âge qu’il prisait fort jusque là. Comme il n’était pas le seul à l’apprécier, il reçut moins de visites à l’heure de l’apéritif. Aux repas, il remplaça le saint-joseph par de la grenadine au grand dégoût de ses commensaux mais ne s’en porta pas plus mal.
Puis, sans même prévenir sa femme qu’il emmenait chaque jour faire les courses au supermarché, il arrêta brusquement de conduire. L’épouse prit l’habitude d’aller faire ses emplettes quotidiennes à pied en tirant son chariot et ne revit plus la mer, la montagne, la ville. Lui non plus, ce qui ne semblait pas lui causer de souci. « Une quoi ? » demandait-il avec une certaine mauvaise foi lorsque quelqu’un prononçait devant lui le mot « voiture ».
Poursuivant son entraînement, il arrêta un jour de jouer aux échecs. Ce champion, qui avait joué contre les meilleurs et avait fait une nulle contre Larsen lui-même, battait régulièrement l’ordinateur dont il avait compris le fonctionnement et connaissait par cœur les parties célèbres et les ouvertures répertoriées. On ne s’étonna donc pas de sa décision, bien qu’il passât ordinairement à sa table d’échecs un temps considérable, concentré sur ses coups et sourd aux conversations. Ce temps fut désormais consacré à la lecture et à la télévision.
J’étais présente lorsqu’il arrêta le repas de midi. Il en fit part le jour même à son médecin, qui n’y trouva rien à redire dans la mesure où il continuait à petit déjeuner et à souper à peu près normalement, mais lui prescrivit tout de même un complément alimentaire protéiné qu’il devait prendre vers 16 heures.
L’arrêt du repas du soir suivit peu après et le petit-déjeuner fut abandonné lui aussi avec la même apparente indifférence. La date approchait maintenant, et l’entraînement devait s’intensifier.
Aussi, quand le jour de l’épreuve arriva, l’homme se sentit parfaitement préparé.
Et sans un mot, après un petit sourire, il arrêta de respirer.
EC
13 décembre 2008
Guy Deniélou
Guy Deniélou a rendu hier soir son dernier sourire. Né le 14 juin 1923, il avait eu trois carrières et deux vies. Trois carrières, puisque d'officier de marine commandant de sous-marins, il devint chercheur en génie nucléaire au CEN Grenoble puis au CEN Cadarache, et quitta le CEA pour fonder, sur le modèle du MIT, l'UTC (Université de Technologie de Compiègne) dont il fut le premier président. Deux vies, puisque frappé par un accident cérébral peu de temps après ses 60 ans, il se considérait comme littéralement ressuscité, ayant dû réapprendre à marcher et à parler. Grand joueur d'échecs, il avait poussé le bois contre Larsen, mais aussi contre Le Lionnais qui lui offrit Le prix de beauté aux échecs dédicacé et l'invita à sa table. Latiniste, érudit, amateur de calembours, de contrepèteries et de jeux oulipiens, excellent cuisinier, curieux de tout et toujours optimiste, il aborda la fin de sa vie avec l'humour qui ne l'avait jamais quitté. C'était mon père.
12 décembre 2008
Oulipo : Autoportraits
04 décembre 2008
Le peigne noir
Un objet noir hideux et disproportionné,
Menaçant, agressif comme un vieux pince-nez,
Ses cheveux gris et gras sont tirés en arrière.
La seule place libre étant juste derrière,
Je l’occupe et contemple d’un œil fasciné
Le sinistre occiput, de ce plastique orné.
Je n’ai pu voir qu’un peu le pif de la rombière,
Son rictus méprisant, son teint parcheminé
Ses petits yeux méchants, son menton de sorcière,
Le parapluie pointu qu’elle a en bandoulière,
Et cela m’a suffi, bien que momentané.
Sa voisine pourtant lui conte la dernière,
Et d’un rire soudain fait plisser sa paupière.
EC
03 décembre 2008
Petit Palais
J'ai raccompagné Cothurne à son boulot après avoir partagé avec elle une salade nordique dans un pub irlandais, puis je suis rentrée à pied. En passant place de la Madeleine, j'ai vu que la truffe noire fraîche était à 2500 euros le kilo. Je devrais sortir plus souvent !
Vierge merdique
Sa sœur partie, C. jette un coup d'œil à leur intéressante collection de films, surprise d'y découvrir quelques titres pornos. — Eh bien, se dit-elle un peu interloquée, qui l'eût cru ? Il ne s'ennuient pas, ici !
Continuant son exploration, elle remarque alors une cassette intitulée «Vierge merdique». N'y tenant plus, et malgré un léger sentiment de culpabilité, elle met la cassette dans le magnétoscope et la démarre. Et alors, rien. La cassette était bien vierge, et merdique.
01 décembre 2008
Paris Normandie sur Twitter
28 novembre 2008
Caradec, l'hommage
Oublions deux minutes la politique et ses anagrammes pour évoquer le dernier Jeudi de l'Oulipo, qui, circonstances obligent, avait changé son programme de LHOOQ en Hommage à François Caradec, excusé pour cause de décès. Ils étaient 9 hier soir sous sa moustache tutélaire : Jacques Jouet, Marcel Bénabou, Michelle Grangaud, Jacques Roubaud, Bernard Cerquiglini, Hervé le Tellier, Frédéric Forte, Anne F. Garréta et Olivier Salon, dans l'ordre et de gauche à droite. Petits films, enregistrements, lectures d'extraits de La Compagnie des Zincs, du Pétomane, de Jane Avril, de Le Porc, le Coq et le Serpent, ou de son premier roman Le doigt coupé de la rue du Bison récemment paru, ont ponctué une soirée pleine d'émotion mais vide de pathos. Puis Thieri Foulc, Provéditeur Éditeur Général du Collège de 'Pataphysique, lut en conclusion un texte pour le moment inédit du «Régent Toponome & Celtipète », qui montre que les Justes arrivant à la droite de Dieu s'y empilent à l'infini, infirmant Sa réputation d'impartialité. Juste mais pas con, François Caradec a certainement dû contourner par la gauche.
Au bistrot d'en face, nous étions douze ensuite. Bonne bouffe, bon vin, bons rires, bon souvenir.
24 novembre 2008
Elle RAYA UN TIMBRE
19 novembre 2008
L'abandon déterré
18 novembre 2008
Solo intégral
17 novembre 2008
Dômes
16 novembre 2008
Monte là-dessus
14 novembre 2008
François Caradec
Ric rac, sa faconde
Se farcira donc ça ?
Frac noir, cascade,
Son cri, ça cafarde.
J'ai passé ma jeunesse sous l'Occupation. J'ai été obligé d'abandonner mes études à un moment où on se faisait rafler trop facilement, je suis devenu typographe. Je me suis retrouvé déporté du travail dans un camp où j'ai réussi après un séjour d'un mois à Berlin à me faire rapatrier comme malade.
racontait-il dans une interview au Matricule des Anges que vous pouvez lire intégralement ici. Le doigt coupé de la rue du Bison se passe justement à cette époque, juste après la Libération. C'est une histoire très noire mais très bien construite, masquée derrière un polar abracadabrant, où l'on retrouve l'humour propre à l'auteur, et quantités d'allusions, de citations, de jeux de mots et de contrepèteries.
Le loup dans la pharmacie
Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
13 novembre 2008
Big Bed
C’est le rêve que j’ai fait dans la nuit du 11 au 12 novembre dernier.
12 novembre 2008
Google médecin
10 novembre 2008
Heureuses insomnies
Franck Martin |
09 novembre 2008
Master
08 novembre 2008
Apollinaire 1918-2008
La rencontre se termina devant l'exposition des dessins et des poèmes projetés, autour d'un verre en compagnie d'universitaires distingués, dont Daniel Delbreil, le Directeur de l'équipe «l'esprit nouveau en poésie : Apollinaire, Queneau» et d'autres «Amis de Valentin Brû».
06 novembre 2008
Question de mémoire
— «Il incarne surtout le fait que le ridicule ne tue pas», dit M. qui se souvient de ce qu'avait dit en 2003 ce personnage à propos de l'Irak, déclarations qu'on peut retrouver ici. Les regrets qu'il a exprimés en 2005 y changent-ils quelque chose ?
05 novembre 2008
Palindromique Obama
À ce propos, il est intéressant de suivre sur ce blog la discussion de latinistes américains : l'un d'eux soutient qu'on devrait dire «obamam amabo» puisque Obama est complément d'objet direct. Il remarque finement que l'expression reste quand même palindromique après correction. Mais un collègue, qui cite Horace, lui démontre qu'il a tort, car rien ne prouve que le nom Obama, qui est propre et pas commun, se décline comme rosa la rose, alors que certains noms propres d'origine grecque sont en «a» à l'accusatif, comme Cyclopa ou Agamemnona. Un troisième, médiéviste, ne se dit pas choqué par l'expression amabo Obama telle quelle, qui passerait très bien en latin médiéval. J'adore ce genre de discussions.
Mashup
04 novembre 2008
Matin
02 novembre 2008
Pluie
29 octobre 2008
Soumise
27 octobre 2008
Un week-end dans le Nord (3)
Dimanche à Lille, au «Tri postal» Raoul a apprécié l'expositition des «Voix magnétiques» comme le prouve cette vidéo.
Un week-end dans le Nord (1)
23 octobre 2008
Plancher
19 octobre 2008
Jardins
N et R sont partis aux aurores ce matin pour New-York, et arrivés sans encombre. À l'heure qu'il est (21 h 28 ici, 15 h 28 là bas) ils doivent être en train de se promener eux aussi, sous le même soleil ou presque (la température est de 13° contre 17° chez nous à la même heure).
Dans Central Park, les amoureux ressemblent certainement à ceux du Palais Royal où j'ai pris cette photo.
Terza Rima
Cette forme a été retrouvée dix fois avant lui, et en ce siècle par Dylan Thomas, Queneau et Jacques Réda (rimes ou mots-rimes).
Il a bien évidemment raison.
18 octobre 2008
Grève
Poubelle
Vendredi
17 octobre 2008
Lauréates
Bravo à Louis Gallois d'avoir fait acte de présence, malgré la crise financière qui doit l'occuper à quasi plein temps en tant que CEO d'EADS, sponsor de l'événement. Il n'a d'ailleurs pas fait que ça : il s'est payé le luxe de critiquer franchement les polytechniciens qui partent tous dans la banque au lieu d'aller soutenir l'industrie, et finissent par fabriquer les produits financiers zarbis qui sont en partie à l'origine de la crise. Il est vrai que c'est un HEC, lui. Valérie Pécresse, bon discours par ailleurs, s'est du coup sentie obligée de rectifier et de défendre ses X. Gallois, mort de rire, se gondolait sur son fauteuil.
Les 450 personnes présentes n'avaient pas pu rentrer dans la salle qui n'en contient que 200. La moitié a dû se contenter de suivre la cérémonie de remise de prix sur écran. Chaque lauréate a eu droit, en plus du prix, a un petit film sur sa vie, très bien réalisé. Celui de Catherine mettait l'accent sur son jardin secret, la musique (elle est altiste).
Pendant le pot qui a suivi, jai rencontré avec plaisir la plus jeune des quatre récompensées, Katell Berthelot, (encore une HEC !) spécialiste du judaïsme ancien, qui parle une douzaine de langues, et dirige une édition bilingue des manuscrits de la Mer Morte.
Et tout cela s'est terminé par un bon pot au feu avec Catherine, sa sœur, ses enfants, ses nièces, sa petite-fille, ses copines, dans un bistrot à côté du Panthéon.
15 octobre 2008
Princesse
06 octobre 2008
Bailout
Voilà pourquoi ceux qui ont acheté ce soir vont se faire des couilles en or.
04 octobre 2008
Rond-point (2)
Au feu
03 octobre 2008
Pleines formes
La pizzeria habituelle ayant fermé, Malo nous en fit découvrir une autre où nous poursuivîmes la soirée dans la joie et la bonne humeur. Aux habitués s'étaient joints quelques anciens de Cerisy et de Pirou, très vite intégrés à la petite bande. Les pizzas se sont avérées nettement meilleures que chez le précédent loufiat, et l'Orvieto a coulé à flots.
01 octobre 2008
Rond point
30 septembre 2008
Menhirs
29 septembre 2008
Châteaux
Oui, mais depuis le temps, je me suis un peu renseignée.
Selon un arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 2 mai 2001, il faudrait pour que je sois attaquée, que les propriétaires apportent la preuve d'un trouble certain porté à leur droit d'usage et de jouissance, et pour qu'il y ait trouble certain, il faudrait que je fasse un usage économique de mes photos, ce qui n'est évidemment pas le cas.
Ce n'est pas tout. Selon un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 mai 2004, le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci et ne peut s'opposer à l'utilisation de l'image de son bien par un tiers que lorsqu'elle lui cause un trouble anormal.
Les plus fameux emmerdeurs concernant le droit à l'image, ce sont ceux qui font commerce de celles de Tintin et dont la société a pris le nom du château qu'Hergé a lui-même copié sur celui de Cheverny avant de lui donner le nom de Moulinsart. On ne compte plus les sites web qu'ils ont fait fermer. Leur dernier exploit concerne mon village natal, d'où je rentre aujourd'hui après une visite à ma famille. Chabeuil est un petit bled au pied du Vercors, traversé par un torrent, la Véore, qui est à sec l'été et peut déborder l'hiver, et qui n'a d'autre prétention, à part celle de s'être autoproclamé la patrie de la caillette, qu'une porte moyennageuse décorative lui permettant de vendre des cartes postales, et... l'honneur d'être le lieu de rendez-vous des tintinophiles du monde entier depuis plusieurs années, en tout cas depuis que trône, rouge et blanche au centre du rond-point qui permet l'accès au village, une réplique de la fusée lunaire d'Objectif Lune et d'On a marché sur la lune. C'est assez ridicule, mais ça ne mange pas de pain et donne l'occasion à la mairie d'organiser des festivités annuelles, comme celles qui viennent de se terminer hier avec expositions, défilés et confettis. Le thème étant cette année Tintin en Amérique, mon village natal s'était orné pour l'occasion de petits drapeaux stars and stripes. Des chevaux tirant des calèches ne rappelant que très vaguement les chariots des cow-boys le sillonnaient en lâchant leur crottin. On avait planté le long du torrent quelques tipis naïvement décorés, et tous les commerçants avaient tenu à participer à la fête en se déguisant. Il fallait voir la boulangère avec ses plumes !
Oui mais voilà : Chabeuil n'avait point demandé la permission à Moulinsart, qui attaque le village. La fusée lunaire sera bientôt enlevée du rond-point. Plus de rencontres tintinophiles. Défense de faire tipi dans la Véore ! Du haut des Gonthardes, la vierge en plâtre qui protège la partie catholique de Chabeuil, règnera seule désormais.
Ma maman, en bonne huguenote, suggérait de la remplacer par la fusée lunaire.
07 septembre 2008
Mur
06 septembre 2008
Introspection
Je quitte l'entreprise dans laquelle je travaille depuis déjà quatre ans.
Je me surprends à compter les jours.
25 août 2008
Variables complexes
— Incroyable, Henri Cartan est mort à 104 ans! dis-je à M., qui l'avait eu comme examinateur autrefois.
— Eh bien, me dit-il, ça conserve, les variables complexes !
Puis, passant d'Henri à Élie son père, grand mathématicien lui-même, M. me narra l'anecdote suivante qui, dit-il, circulait oralement dans leur petit cercle mais reçut, par Jacques Roubaud qui la raconte dans Mathématique à propos de la distraction des mathématiciens, «l'autorité de la chose écrite».
Laurent Schwartz, autre illustre mathématicien, s'était réfugié pendant l'occupation en zone libre, à Lyon, où il enseignait sous un faux nom. Un jour, dans les transports en commun, il fut reconnu par Élie Cartan, son ancien prof, qui lui cria d'un bout à l'autre du bus : «Schwartz! J'espère qu'on ne vous fait pas des ennuis parce que vous êtes juif! Ce serait tout de même scandaleux!» Par bonheur, aucun collabo ne se trouvait ce jour là dans le bus.
12 août 2008
Mauve
11 août 2008
Lessay
C'était le 18 juillet dernier, jour de battement entre le colloque de Cerisy et la semaine Pirouésie. Nous sommes allés revoir l'abbaye de Lessay, où nous avons surpris des baroqueux en pleine répétition. Nous avons donc pris des places pour le concert du soir. L'abbatiale était pleine (600 personnes) et l'éclairage dirigé sur les musiciens projetait sur les fûts des piliers l'ombre de la croix du chœur, de sorte que le Christ ressemblait à une danseuse hindoue (mon croquis). L'ensemble était le Café Zimmerman. Ils avaient entre autres mis au programme le deuxième brandebourgeois. Hélas, hélas, la trompette baroque est un instrument casse-gueule. Et les couacs dans l'allegro m'ont gâché le souvenir du reste.
08 août 2008
Souci
Clos sont les restaurants et déserte la place,
Muette est la cour d’école, abandonnée la classe,
Plus un tabac ouvert, rares sont les métros.
Pendant les mois d’été la rue est en travaux.
Voitures ou vélib, plus personne ne passe,
Seuls deux ou trois piétons marchent dans la caillasse.
Les magasins de fer ont baissé leurs rideaux.
Les patrons sont absents et je n’en suis pas triste,
Seul le DAF est ici (c’était un juillettiste).
Personne sur le dos, on va pouvoir buller,
Songe le salarié qui s’endort sur sa chaise
Regrettant toutefois ce souci qui lui pèse :
La machine à café n’a plus de gobelets.
EC
05 août 2008
La clim
L’immeuble s’est vidé, ils sont tous à la plage.
Eux restent au bureau et étouffent de rage.
De rage seulement ? Non de chaleur aussi.
Et cette chaleur d’août ajoute à leur souci
À leur blues, à leur doute. Ils se savaient en cage
Et voilà qu’à présent ils se sentent en nage.
Soudain, n’y tenant plus, l’un d’eux lève un sourcil :
— Ça vous dérangerait si je mettais la clime ?
Les deux autres, jugeant ce débat légitime,
S’échangent des regards et répondent : d’accord.
Sur la télécommande on s’exécute alors,
Si bien qu’en un quart d’heure on se croirait au pôle,
Vu le coulis glacé qui vous transit l’épaule.
EC
01 août 2008
Différences
Les photos de Cerisy-la-Salle étaient en ligne, celles de Pirou le sont aussi. Ces deux villages du Cotentin, proches de quelques kilomètres, sont pourtant distants de cent lieues. Dans le premier, un château qui vit la naissance de l’Oulipo, où se tiennent aujourd’hui des colloques de grande tenue, rassemblant des universitaires et des auteurs de tous pays. Dans le second, un presbytère modeste aux toilettes rustiques et au plancher jonché de mouches mortes, accueillant «Pirouésie», un mini festival familial qui tient du patronage, du stage d’écriture et de la cure plage-forêt-bulots-cidre. Moi qui ai vécu les deux événements en enfilade, je peux dire que les uns et les autres ne savent pas ce qu’ils ont perdu en n’en suivant qu’un. À Cerisy, les concepts volaient haut malgré le froid et la pluie, les débats étaient vifs. On se réchauffait le soir à la cave au calva, des amitiés se sont nouées, des projets ont vu le jour. À Pirou, il a fait beau, on s’est baigné, on a bronzé, on a bien rigolé, on a retrouvé les copains et on en a rencontré d’autres de tous âges et horizons. Les G. O. (Jacques Jouet, Robert Rapilly, Coraline Soulier et Martin Granger) étaient super, mais les textes produits pendant la semaine paraissent avec le recul bien ineptes. Sans doute le thème imposé (Falstaff, ça parle à peu de gens) ne se prêtait-il pas bien à l’exercice, le rythme forcené imposé par la nécessité de produire un spectacle à la fin (pour les subventions sans doute ?) n’était-il pas propice à la création, et les promenades-découvertes en forêt, au moulin ou au château de Pirou avaient-elles un petit goût de réchauffé de l’année dernière. Qu’importe ? Nous en avons profité quand-même. Martin nous a fait chanter à 4 voix, ce qui ne m’était pas arrivé depuis un bail, et j’ai eu la joie de voir Raoul faire ses premiers pas sur l’herbe du presbytère.
Sur le chemin du retour vers Paris, accompagnés de ML, nous avons fait escale chez AC qui nous attendait avec champagne et gâteaux secs, et nous a fait l’honneur de son extraordinaire bibliothèque.
28 juillet 2008
Reprise
Colloque de Cerisy 2008 |
— Mais non, Blog O'Tobo, je n'étais pas en vacances, j'étais à un colloque sur la Forme et l'Informe dans la création moderne et contemporaine, c'est du sérieux, ça, du travail.
— Si c'est au colloque que j'ai bronzé comme ça ? Oh non que vas-tu imaginer là ! Il a plu presque tous les jours à Cerisy-la-Salle. Mais on s'en foutait car on était tout le temps à l'intérieur à écouter des communications. C'est la semaine suivante, à Pirou, que j'ai bronzé, pendant le stage d'écriture, à cause des monostiques paysagers de Jacques Jouet et des acrostiches dans l'eau de Coraline.
— Pourquoi je ne t'ai pas raconté tout ça ? Ma foi, à Cerisy j'étais un peu crevée pour retourner à l'ordinateur le soir. Mais comme preuve de ce que je raconte tu peux voir mes photos en cliquant sur celle-ci, ou bien lire le blog de Valérie ici. Elle en dit plus que je n'en ai retenu, il faut dire qu'elle a pris des notes, elle !
— Oui, Blog O'Tobo, je raconterai quelques trucs dans les jours qui viennent, mais laisse moi mettre un peu d'ordre dans mes carnets avant. Et faire la fête chez Danie ce soir ! En attendant je te conseille de regarder le blog d'Anne, qui raconte Pirou à sa manière.
À bientôt !
11 juillet 2008
Tam-tam
Cette Ingrid, qué tambour !!!
09 juillet 2008
Migraine
Un coup de pelleteuse malencontreux, et paf, l'abonné Numéricable se trouve à la fois privé d'Internet, de téléphone, et de télévision pendant une journée entière. Que faire alors de sa soirée, sinon lire un roman?
Par chance, M. avait rapporté Migraine, de Louise de Vilmorin, de la bibliothèque. Un des rares romans d'elle que nous n'eussions pas lu. (Cet imparfait du subjonctif est spécialement placé à l'attention d'A. C., fidèle lecteur de ce blog).
Malgré le titre, déjà ambigu en lui-même puisqu’il est à la fois celui du roman, celui de la pièce de théâtre qu’il raconte, et le nom de scène de l’artiste dont il est question dans le roman comme dans la pièce, l’héroïne véritable de Migraine n’est pas ce personnage d’actrice adulée et amoureuse, somme toute banal, mais bien la narratrice, fausse naïve et vraie manipulatrice, elle-même influencée par un mystérieux amant, philosophe à qui elle adresse son récit et attribue toutes les remarques intellectuelles qui le parsèment, jusqu’au mot de la fin (comme le fera Queneau avec Hubert Lubert dans le vol d’Icare, presque dix ans après. Queneau est d'ailleurs cité dans Migraine, à propos d'Exercices de Style).
Un célibataire jouisseur et fortuné, Sandro, s’éprend d’une actrice, Migraine, pendant une représentation de la pièce qui porte son nom. La narratrice, qui est à ses côtés, est témoin de ce coup de foudre et de sa coïncidence avec la jalousie qui s’empare de Sandro lorsqu’il voit Migraine embrasser sur scène un des acteurs, Vauvain. Elle lui reproche alors de confondre le théâtre et la vie.
— Vous ne comprenez pas que s’il n’y avait plus de Vauvain, il n’y aurait plus de pièce ?
Mais est-ce Sandro qui mélange le théâtre et la vie, ou la rouerie de la narratrice qui se plaît à reproduire, dans le récit des aventures de ses proches, les péripéties de la pièce à laquelle ils ont assisté ?
Nous sommes au théâtre… et le théâtre ce n’est pas la vie.
— Moi, voyez-vous, je ne fais pas la différence
Bien vite en effet, deux autres personnages, amis ou parents de la narratrice, se trouvent à leur tour sous l’emprise de Migraine : Gustave, un veuf qu’elle a repoussé, et son frère René, fiancé à la fille de Gustave, Milie, qu’il souhaite rendre jalouse.
Comme par hasard, dans la pièce, le veuf Tautard en pince pour Migraine qui lui préfère Vauvain. Il est le père de Lolle, promise au jeune Le Thaine qui tourne lui aussi autour de Migraine pour faire enrager sa fiancée.
Ce qui confirme ces soupçons de rouerie, c’est que la narratrice, non contente de provoquer elle même la jeune Milie pour qu’elle pousse son fiancé dans les bras de sa rivale, finit par avouer ses affinités avec Migraine : comme elle, elle n’a pas su dire franchement non à son vieux soupirant Gustave, et l’a entretenu dans son illusion, par lâcheté. Dans la bouche du philosophe à qui elle adresse son récit, elle met d'ailleurs cette accusation qui montre bien quelle culpabilité pèse sur sa conscience :
Quand tu veux te voir, tu ne te regardes pas dans un miroir , mais tu te mets devant le portrait que tu viens de peindre de toi-même avec tes pinceaux d’excuses !
Car il s’agit bien d’un jeu de miroirs propre à donner la migraine. La virtuosité formelle de Louise de Vilmorin fait que pour un lecteur superficiel (ou victime de préjugés... ceci à l'attention de H. L. et de P. D. lecteurs occasionnels de ce blog), le roman pourrait passer pour une simple peinture de mœurs très années 50, une histoire d’amour qui tourne mal. Mais…
En lisant ce genre de récit, on est sans cesse sous l’impression que c’est le récit qui vous regarde
fait-elle dire à son philosophe décidément toujours absent et dont l’existence elle-même devient de plus en plus douteuse. La narratrice ne l’aurait-elle pas, lui aussi, inventé ? Ce philosophe, qui (se) réfléchit dans le cerveau de Louise de Vilmorin, ne serait-il pas le véritable auteur de cette intrigue si parfaitement construite ?
Quand je pense que sans ce pétage de câble, je n'aurais pas lu Migraine, j'en ai mal à la tête.
03 juillet 2008
Google opera
Moquette anthracite, ballons de couleur, cafétéria, fauteuils translucides, salon ovale, boissons réfrigérées, et puis cette vue, surtout... Jamais je n'avais eu l'occasion d'admirer le Palais Garnier sous cet angle. Quelle est donc cette entreprise dont les employés ont la chance de travailler dans un tel cadre ?
Google France, voyons !
29 juin 2008
Popolôrepô
Paul Poiret, imbécile célèbre pour avoir «libéré la femme» en créant des robes qui rendaient le corset inutile, ne limitait pas son talent de styliste à la seule couture : la preuve, cette trentaine de merveilleux exercices calligraphico typographiques construits sur des virelangues comme celui-ci: «amir/amar/lamer/mar/iami/amar
/inéin/omar»
(à Miramar, la mère Marie a mis à mariner un homard),
qui forment pour le lecteur autant de rébus ravissants, dans le style art déco.
Les aquarelles de Pierre Fau (l'autre imbécile) qui les accompagnent s'attachent, elles, à illustrer le sens de ces phrases insensées, comme pour donner un indice au lecteur, tout en en accentuant le côté absurde.
Le livre reprend la couverture initiale de l'édition de 1927 (Joncquières) tirée à seulement 300 exemplaires, qui était devenue un livre culte.
Popolôrepô, morceaux choisis par un imbécile et illustrés par un autre,
Michel Chandeigne éditions, octobre 2007, 64 pages, 16,15€. Ne vous en privez pas !
26 juin 2008
Procrastination
Je me rends compte avec horreur que je n'ai rien posté depuis le 2 juin.
Un coucher de soleil pour me faire pardonner, et cette petite histoire vraie.
Je déjeunais vers midi 30 aujourd'hui avec B. qui me confiait qu'elle avait besoin de vacances : doutes, fatigue, manque de motivation, je connais bien ça.
— Tu fais de la procrastination, lui dis-je.
— De la quoi ?
Je le lui explique.
— Mais c'est exactement ça dont je souffre, me répond-elle. D'ailleurs, j'ai acheté un bouquin sur la question. Mais je suis tellement fatiguée que j'en ai remis la lecture à plus tard.
02 juin 2008
Dilettante
À quoi pensent les éditeurs ? Publier un « inédit » de jeunesse de Queneau, sans aucun appareil de notes, avec une préface indigente, alors que ce petit texte inachevé, intitulé Hazard et Fissile, contient déjà en germe une grande partie de l’œuvre future, à tel point qu’on pourrait croire à un pastiche ou à un plagiat par anticipation ! Il n’est d’ailleurs que de comparer les noms des personnages : Excelsior Mû ne fait-il pas penser à Valentin Brû ? Éléazard Hazard ou Florentin Rentin, ces noms qui riment, comme nomen omen, ne rappellent-ils pas Hubert Lubert, l’auteur véritable du Vol d’Icare ?
À propos du Vol d’Icare, Hazard et Fissile est lui aussi truffé de métalepses, ces « transgressions ludiques » au récit narratif que sont le clin d’œil au lecteur, l’intrusion de l’auteur dans le récit, etc. Voici un exemple hellénisant d’adresse au lecteur, page 56 : «Qu’attends-tu maintenant, lecteur à l’haleine tourmentée par les récits que tu viens de lire ? […] lecteur intelligent comme le verre filé,»… Page 69, après une hécatombe de personnages, l’auteur intervient : «Il faut remarquer qu’à ce moment, il ne reste que fort peu de personnages en scène et je suis obligé pour me désennuyer un peu de jeter dans la bagarre quelque autre bipède au teint blême.».
Page 47, le chapitre 11 détaille, sous forme de liste, les goûts et les compétences de Minoff, Fissile et Jim, lequel «parlait couramment le tabele, la tagalog, le tahitien, le vaita, le talaing, le tamil, le tangale, le tanna, le taungthu, le tavara, le taveta», de même que page 63, le chapitre 16 est presque entièrement constitué par l‘inventaire des poches d’Adrien et de Hazard. Des listes, il y en a des tonnes dans les œuvres de Queneau, depuis Le Chiendent au chapitre 4 duquel, Narcense lit les notules du Petit Écho de X… jusqu’aux Fleurs Bleues qui voit le « bon peuple » réciter des proverbes inventés, en passant par Les Derniers Jours où le chapitre 5 commence par la liste quotidienne des dépenses de Vincent Tuquedenne.
La fascination de Queneau pour le monde de la fête foraine se retrouve page 72, où les personnages se trouvent boulevard de Clichy : c’est la foire avec sa bizarre ménagerie, et pour le lecteur de Pierrot mon ami, elle évoque irrésistiblement L’Uni-Park.
Au fil de la lecture rapide de ce projet de roman inspiré de Fantomas, on s’amusera ainsi à relever toutes ces évocations, à apprécier les inventions stylistiques comme « mettre à nuit » pour mettre au jour pendant la nuit, les surprises comme «l’ayant écrasée entre le médius et l’annulaire» ou à noter les nombreux alexandrins qui parsèment le récit, comme «Hazard allait en tête et Fissile suivait», «Il salua Mitaine et s’en fut déjeuner», «N’avait-il pas coupé la gorge de son père », ou le plus beau à mon avis : «le nain jaune était vert comme un marais salant».
Raymond Queneau, Hazard et Fissile, le Dilettante, 92 pages, 12 €.
27 mai 2008
Formules 12
Le numéro 12 de Formules est paru.
Il est consacré au sonnet contemporain, avec, entre autres, les actes du colloque «Retours au sonnet» qui s'est déroulé à Poitiers l'été dernier.
On trouvera ici le sommaire complet du numéro, et ici les éditoriaux.
Parmi les poètes invités, Jacques Roubaud et Dominique Buisset donnent une magnifique «quatorzine luberonne», dont on pourra télécharger, en PDF sur cette page, le «making of» sous forme d'échanges de courriels savoureux entre les deux auteurs.
L'illustration de la couverture est le «pictogram sonnet» d'Eduardo Kac.
En vente dans les (très) bonnes librairies ou sur demande à revue.formules[at]wanadoo.fr. (Remplacer le [at] par l'arobase, c'est pour éviter l'aspiration automatique d'adresse par les spameurs)
23 mai 2008
Homonymes
16 mai 2008
Christophe Bruno
Vous connaissez peut-être déjà Christophe Bruno, spécialiste du Google art, inventeur du capitalisme sémantique et du Human browser, que j'avais eu le plaisir d'interviewer pour Formules.
(l'article en PDF est ici).
Eh bien, à l'occasion des toutes récentes Rencontres internationales Paris-Berlin-Madrid pour l'art contemporain et le nouveau cinéma, voilà que Christophe Bruno a récidivé avec un nouveau projet, intitulé The Dadameter, et précisé «Global Index of the Decay of the Aura of Language». Un travail oulipien, à partir de Roussel, de Google et de la théorie des graphes, que je trouve vraiment passionnant.
En trois étapes: 1) extraction de la masse des données textuelles de Google, 2) analyse en termes d'homophonies (type billard/pillard) et de sémantique, 3) visualisation et interprétation des données, Christophe Bruno dresse la carte du langage, sur laquelle on voit entre autres les puissants courants du Spam pousser les mots du Wasteland créatif au banal Mainstream.
À regarder et lire (en anglais) de toute urgence.
EC
15 mai 2008
Prédateurs
Élire un Directeur de la Rédaction qui s'appelle Gibier, quand on a comme propriétaire le pire carnassier du pays, vraiment !
11 mai 2008
Vanitas
D’attendre le messie, de prendre des amants,
De gagner du pognon, d’avaler des calmants,
De bosser nuit et jour, de brandir des pancartes ?
C’était la vie d’château mais le château de cartes
S’écroule une ou deux fois puis s’aplatit vraiment.
Ce coup-ci c’est la fin, on pleure, on crie maman,
Les derniers mots qu’on dit sembleront plutôt tartes
À la postérité, fort maigre au demeurant,
Qui reçoit le cadeau qu’on lui fait en mourant
Avec l’avidité d’une prostituée,
Et qui répond pour nous : tout ça ne sert à rien.
Alors vaut-il pas mieux qu’on soye épicurien ?
Car tout se barre en couille et s’envole en buée.
EC
04 mai 2008
Benny Lévy
À l’heure où passe sur Arte un docu d’Isy Morgensztern sur Benny Lévy, et où l’on ne compte plus les bouquins sur 68 et la suite, pourquoi n’y irais-je pas moi aussi de mes petits souvenirs ?
- Mon meilleur souvenir de Benny Lévy : quand il m’a appris la recette du café turc.
- Le pire : j’en ai beaucoup de pires.
- Le plus intéressant : Le jour où il avoua ne rien entendre — et n’avoir jamais rien entendu — à la musique, révélation consécutive à la lecture d’un passage talmudique qu’on travaillait en groupe: « “ David était musicien ”. Cela veut dire qu’il savait poser des questions ». Cette infirmité explique à mon avis pas mal de ses outrances.