09 février 2014

Le sein des Amazones

L'article suivant est paru dans le numéro 26 du Correspondancier du Collège de ’Pataphysique
daté du 15 sable 141 (15 décembre 2013).

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Le 9 décervelage 140 (16 janvier 2013 vulg.), le HamburgerMorgenpost fit état d’une inquiétante étude réalisée par l’Oberfeldarzt Björn Krapohl, chef du service de chirurgie plastique et de chirurgie de la main à l’hôpital des forces armées allemandes. 

Bien que rasé de près, cet « amazone »
ne fait pas illusion. Le visage, le biceps
et les mollets sont mâles, sans même parler
de la protubérance sous la jupette.
Ce professeur constatait que sur deux cent onze patients mâles opérés des seins en six ans, trente-cinq d’entre eux étaient issus du Wachbataillon, un corps de gardes d’élite présent lors des cérémonies officielles allemandes. Parmi ces trente-cinq gardes, vingt-six présentaient une hypertrophie de la poitrine à gauche, soit 74 %. Le praticien établit en conséquence une « corrélation significative » entre l’activité de ces militaires et la gynécomastie du côté gauche et transmit illico les conclusions de son étude au ministère concerné. 

De quelle activité s’agissait-il ? De celle de plaquer de façon répétée leur Karabiner 98 K (un Mauser) sur le côté gauche de la poitrine, lors des exercices militaires, précise le Hamburger Morgenpost. L’excitation fréquemment réitérée de cette zone provoque en effet une sécrétion hormonale se traduisant par un amas relativement important, puisque le sein gauche ainsi traité peut parvenir à remplir un bonnet C de soutien-gorge. La correspondance amas-zone est en tout cas clairement établie.

Cette découverte kapitale conduit le pataphysicien à s’interroger, comme le fit Plutarque, sur la réalité ou la véracité du mythe des Amazones, ou au moins à le relire à la lumière verte de sa chandelle. En effet, comme il le note et comme chacun le sait, ces féroces viragos n’hésitaient pas à brûler le sein droit de leurs filles ou à se couper le leur, dans le but de mieux tirer à l’arc. Considérant les corps ainsi obtenus et s’appuyant sur le principe d’équivalence, il pose donc l’égalité suivante : 

(torse féminin) – (sein droit)  = (torse masculin) + (sein gauche).

Cela voudrait-il dire que les soldats de la garde d’élite d’Angela Merkel sont des femmes mutilées ? Pas du tout, mais bien plutôt que les intrépides guerrières de la mer Noire, qui ont tant fasciné Homère, Virgile, Hérodote et Quintus de Smyrne, n’étaient en réalité que de vulgaires troufions… 

Le Wachbataillon à l’entraînement

À force de bander leur arc et de frotter leur avant-bras contre un mamelon viril, les militaires scythes, plagiant par anticipation leurs collègues allemands, virent avec honte et effroi se développer sur leurs torses velus une excroissance féminine, et cette excroissance trompa facilement, on le conçoit, Bellérophon, Achille, Héraclès, Thésée, Priam et autres héros grecs confrontés à leurs troupes belliqueuses.

Un problème de symétrie


À ce point de la démonstration, le pataphysicien se heurte à un problème de symétrie. En effet, se dit-il, si les archers scythes tenaient leur arme de la main gauche et la bandaient de la droite, c’est logiquement le sein droit qu’ils auraient dû voir pousser à force de sollicitation pectorale. Celui précisément que se coupaient les Amazones ! 

Écartant l’hypothèse, sans fondement historique, d’une vision des Amazones dans le miroir du bouclier d’Athéna, comme celle d’une armée de Méduses contre lesquelles marcheraient à reculons des troupes de Persées, le pataphysicien, avec méthode, en arrive à la seule conclusion possible : les soldats scythes tenaient leur arc de la main droite et tiraient avec la gauche. 

Cela n’a rien d’extraordinaire. Des histoires comparables sont d’ailleurs décrites dans d’autres écrits antiques. Par exemple, les Benjaminites, tribu sanguinaire s’il en fut, tiraient à la fronde du côté gauche comme il est écrit : 

Dans toute cette armée, il y avait sept cents hommes d’élite gauchers.
Tous ceux-ci, avec la pierre de leur fronde,
étaient capables de viser un cheveu sans le manquer
.
(Bible de Jérusalem, Jg 20:16.)

Et s’ils avaient tiré à l’arc plutôt qu’à la fronde, ç’aurait été bien évidemment du même côté.
Selon toute probabilité, les fières Amazones étaient donc des gauchers.

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