20 juillet 2012

Le cirque


L’instituteur avait réfléchi longuement : il lui fallait mobiliser ses petits autour d’un projet concret réunissant des savoirs diversifiés.
Et soudain, son visage poupin surmonté de cheveux bouclés s’était illuminé. Il avait trouvé ! Son projet pédagogique, ce serait… le Cirque !
Quoi de plus motivant, quoi de plus concret, quoi de plus varié que le Cirque ? Avec enthousiasme, il avait réalisé le programme de l’année.
Les fauves, les chevaux, les illusionnistes, les acrobates, les jongleurs, les éléphants, les trapézistes, les clowns, bien sûr, les clowns.
Un travail passionnant sur le corps, les formes, les couleurs, qui serait couronné par une excursion de toute la classe dans un vrai cirque.
Tout se passa pour le mieux. Les gosses de la maternelle, enflammés par ce sujet et par cette perspective firent de spectaculaires progrès !
Les mamans attendries s’enorgueillirent des éléphants et des lions en pâte à sel et des beaux dessins que leur rapportait leur progéniture.
Aussi à la fin de l’année scolaire plusieurs se portèrent volontaires pour accompagner l’instituteur et sa classe au spectacle tant attendu.
Rayonnants de bonheur, les petits s’installèrent aux premiers rangs, l’instituteur et les mamans se répartirent çà et là pour les encadrer.
Le nez en l’air, ils assistèrent aux souples exploits des trapézistes. Ils poussèrent des oh et des ah devant les tours des illusionnistes.
Les éléphants les impressionnèrent, c’est gros, un éléphant. Et comme le costume du dompteur était beau, tout rouge avec des boutons dorés !
Vint enfin le tour des clowns : mais qu’il était drôle, ce clown musicien ! ses instruments de musique, c’était vraiment du n’importe quoi !
Allait-il arriver à tirer un son de ce tuyau ? On se moquait de lui. L’air fâché, il demanda à des spectateurs de le rejoindre pour essayer.
Parmi les spectateurs choisis, il y avait évidemment l’instituteur que le clown avait repéré avec ses boucles, ses lunettes et son air naïf.
Il lui fit signe de souffler dans le tuyau. Aucun son ne sortit et le clown prit l’air encore plus fâché. L’instituteur s’époumona, en vain.
Le clown alors sortit de son vaste manteau un énorme pistolet de clown en plastique, il saisit l’instit par le col et le traîna en coulisse.
On entendit alors Pan ! Pan ! puis un silence de mort. Et soudain, un long hurlement, né dans les premiers rangs, s’éleva sous le chapiteau.
C’était un hurlement aigu, épais, inextinguible, fait de vingt cinq petits hurlements de terreur mêlés de sanglots et de halètements humides.
Et les mamans affolées n’arrivaient pas à consoler les petits spectateurs de l’assassinat de leur maître. Sa résurrection même n’y put rien.
Et tout le cirque, consterné, fut malgré lui le témoin d’une grandiose déconfiture. Celle d’un ambitieux et intelligent projet pédagogique.
EC, 20 juillet 2012

2 commentaires:

  1. Les clowns tristes, c'est plus ce que c'était !
    "J'voulais pas faire clown ! C'est mes parents qui m'ont forcé : "ton grand père était clown... ton père est clown... tu s'ras clown !"... J'voulais pas faire clown... J'voulais faire instituteur !" (Guy Bedos ... citation approximative...)

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