01 juin 2012

La guêpe

Je m'aperçois que la contrainte du texte formé de paragraphes de 140 caractères chacun se prête très bien aux récits, aux petites histoires vraies, aux souvenirs. Alors voici un de ces souvenirs, qui date d'une bonne vingtaine d'années. Il s'appelle « La guêpe ».
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Au mois d’août, en Ardèche, il fait trop chaud pour déjeuner dehors avec les enfants. La cuisine aux murs épais, offre un peu de fraîcheur.
M. a fait des poires au vin, c’est un dessert traditionnel de la vallée du Rhône. Mais en les sortant du frigo je pousse un cri de surprise.
Une guêpe s’est noyée dedans ! Son petit corps est recroquevillé, les pattes repliées comme il convient à une morte. Je la cueille du doigt.
Les enfants m’entourent aussitôt. Ils sont curieux, respectueux, graves et attentifs comme les médecins de La Leçon d’anatomie de Rembrandt.
On compte les pattes, on nomme le thorax, l’abdomen strié de jaune et de noir, la fine taille qui les sépare, les mandibules, les gros yeux.
Délicatement, je retourne l’insecte pour qu’ils examinent les deux paires d’ailes, toutes poisseuses de confit de vin et les antennes mais ?
— Oh, elle a bougé une antenne ! s’écrie l’un de mes neveux, dont l’accent du midi semble encore plus intense avec la surprise. Je regarde.
Il a raison, l’antenne droite de l’hyménoptère, engluée et luisante de sirop, s’est animée de faibles mouvements. L’insecte n’est pas mort !
Les têtes se rapprochent de mon doigt le long duquel, à présent, la guêpe essaie vainement de ramper. — Apportez-moi un verre d’eau, dis-je.
Sous des yeux ébahis, je trempe le doigt de l’autre main dans l’eau et me mets à laver très doucement les ailes qui essaient de se déployer.
Elle fait de gros efforts, la guêpe. Les gosses l’encouragent lorsqu’elle arrive enfin, après plusieurs lavages, à déplier la première aile.
Puis c’est la deuxième. — Elle va te piquer, dit une petite voix. Je rassure l’enfant, les guêpes ne piquent que lorsqu’elles sont menacées.
Celle-ci sait à qui elle doit son salut. Elle agite ses ailes frénétiquement, marche vers le bout de mon doigt, hésite un peu, et s’élance !
Avec un murmure émerveillé, bouche bée, les petits suivent le vol erratique. Elle est saoule, la guêpe, dit l’un deux. Et tout le monde rit.
Et voilà comment à peu de frais, on peut s’assurer pour la vie ou presque, l’admiration, la confiance et le respect des jeunes générations.
EC

2 commentaires:

  1. Très joli!

    Cependant, contrairement aux abeilles, les guêpes sont voraces et imprévisibles. Elles n'hésitent pas à attaquer. Parole de mon voisin apiculteur qui vint à mon secours alors que je ne pouvais tailler la pelouse, aux prises avec un nid de ces bestioles et fut piqué pour la première fois de sa vie!

    Zéo ¦-)

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    1. Forcément, s'il s'attaquait à leur nid !!
      Mais si l'on ne leur fait rien, il n'y a aucun problème, comme me l'ont confirmé les pompiers fréquemment appelés pour des nids. Il suffit de ne pas bouger, de ne pas faire de gestes d'affolement.
      Les abeilles en revanche peuvent attaquer pour des questions de territoire ou d'odeur: mes enfants en ont été victimes une fois, rien qu'en traversant un square ! Deux éclaireuses les ont attaqués en piqué comme des avions de chasse et ont visé le cou.

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