30 novembre 2007

Rome

Jamais la rue de Rome ne porte aussi bien son nom que par un matin d’hiver, quand de légers nuages taupe rendent le bleu du ciel plus lumineux, et que le soleil, cirant les rails et dorant les façades, italianise tout le tableau.

28 novembre 2007

Hier matin

Le vert fluo des feux de signalisation,
Le prix exorbitant d’un pull en cachemire
Dans le ruisseau brillant un pigeon qui se mire,
Un gosse en trottinette — attention, attention !

Le talon conquérant d’un chargé de mission,
Tous les bijoux perdus de l’antique Palmyre
À présent exposés en vitrine (j’admire),
Un parfum délicieux de panification,

Dans la rue de Lévis un toutou qu’on promène,
Sur le pas de sa porte un boutiquier amène,
Des jeunes en rollers et des vieux en vélo,

Les bouchers du Monop’ déchargeant leur carcasse
Le soleil caressant les balcons de la place,
C’est ce que je remarque en allant au boulot.

@@
@

Ça, c'était hier, parce qu'aujourd'hui, 29 novembre, tout est gris !

Gratuit

Chaque soir place de Clichy, les zusagers sortant du boulot (et de la bouche de métro) en direction du Nord ne peuvent échapper à une horde de distributeurs du journal gratuit « Paru Vendu ». C'est uniquement par respect pour ces jeunes, obligés de faire un boulot aussi peu enthousiasmant, que je me retiens de leur refourguer ce torchon en disant « Pas vu, Rendu ! »

Conseil

Un conseil anagrammatique qu'on pourrait donner aux ados révoltés de Villiers-le-bel serait :
« Lis, vil rebelle »

Mais, oh comme c'est con, la bibliothèque a brûlé, justement.

26 novembre 2007

Acrostiche publicitaire


Chais pas vous mais moi, il commence à me gonfler grave, le gars Paul, avec ses spots radio hyper chers, son blog trop léché, et son prétendu buzz. Pas étonnant qu'Emma ait quitté un mec aussi pégueux. Vlatipa qu'aujourd'hui, il prétend même lui faire un poème. Un « po-aime », dit-il sans peur de paraître original. Et un poème acrostiche s'il vous plaît !

Emma reviens
Mon amour pour toi
M’a ensorcelé
A
jamais
C'est évidemment plus facile de faire des poèmes acrostiches quand il n'y a que quatre lettres. Quant à la métrique, 4/5/5/3, elle est, euh, intéressante. Et puis ya quand même deux mots qui riment, certes pas très richement, et aussi un peu approximativement, mais à l'ère du vers libre, on va pas chipoter. Comme je mets à la place de cette pauvre Emma, j'ai bien envie de répondre à ce bêlant bellâtre à sa manière, histoire de me dépêtrer de ce pot de colle. Allez, j'essaie ?
Pas
Ainsi, tu es
Usant, très
Lourd !
Pars !
Allez, c'est
Urgent ! Très
Loin !
ou alors :
Paul, ton
Amour
Unilatéral me
Lasse
ou encore
Putain, ton
Attitude est
Ubuesque
Lâche-moi !
ou peut-être
Papa est mon
Amour
Unique
La la la

à moins que..

Paul,
Arrête, avec ton
Ultimatum
Lamentable !
À vous de continuer !



22 novembre 2007

Réussite

À N., qui ne fait pas grand chose mais se défend aux échecs, C. a conseillé de faire plutôt des réussites.

20 novembre 2007

Caïn

70 % d'accidents corporels en plus chaque jour depuis le début de la grève. Le gréviste s'en sent-il un peu responsable ? Cela m'étonnerait. Les piétons, les cyclistes, les motards n'ont qu'à rester chez eux ou faire attention.
« Suis-je le gardien de mon frère ? ».

16 novembre 2007

Autonome

Quand on leur pose la question « mais que craignez-vous de la loi sur l'autonomie des universités ? », souvent les étudiants répondent : « on va la privatiser », ce qui semble pour eux le comble de l'horreur.
Privatiser l'université ? Il faudrait d'abord trouver un acheteur. Quant à moi, même si j'étais un fonds de pension américain, ce n'est pas là dedans que j'irais investir.

@@
@

Hier soir, face à un étudiant précisément envahi de cette même crainte, une personnalité a cité l'exemple de la très cotée UTC (Université de Technologie de Compiègne), à qui on ne peut pas dire que l'autonomie ait porté la poisse, puisqu'elle vit très bien en passant des contrats de recherche avec les entreprises.

Très juste : et c'est en 1972 qu'elle a été fondée, sur le modèle du MIT, par Guy Deniélou, qui se trouve par ailleurs être mon père, et à qui j'envoie un coup de chapeau au passage. Il avait contre lui et la gauche et la droite, les bâtons dans les roues n'ont pas manqué, mais il a réussi. Il y a 35 ans de cela !

15 novembre 2007

À nous de vous faire préférer l'avion

Il date déjà d'il y a quelques semaines, mais Europe 1 en a passé un extrait ce matin fort opportunément : le videopastiche des Village People, dans lequel « Y.M.C.A. » est remplacé par « S.N.C.F. », est bidonnant et de plus en plus d'actualité. Pour ceux et celles qui ne l'auraient pas encore vu :
cliquez ici : SNCF

14 novembre 2007

Avantages à qui ?

J'ai apprécié la franchise d'un jeune cheminot en formation à qui l'on demandait à la radio pourquoi il soutenait la grève :
— « Ben, » a-t-il expliqué avec candeur, « c'est pour tous ces avantages qu'on a voulu travailler là, c'est sûr que dans le privé on n'aurait pas tout ça ! »
Ah bon, il n'a pas choisi ce job pour la pénibilité du travail ?

11 novembre 2007

Pot d'adieu

Contre les murs de plâtre on a poussé les tables ;
Dix ans dans la maison, maintenant il s’en va.
Sur le sol carrelé qu’hier soir on lava,
Les sièges empilés ont un air lamentable.

C’est la fête au bureau. Le peuple corvéable
S’apprête à sa manière à faire la java :
On sert le crémant tiède, on dit « ça va ça va ».
Pour trinquer, le plastique est assez déplorable.

Depuis bien quinze jours l’enveloppe circule ;
On n’a pas hésité, malgré le ridicule,
À lui offrir un gril de la marque Téfal.

Il ouvre les paquets puis on le congratule :
« Un discours un discours ! » mais le discours s’annule,
Car sur les macarons se jette le morfal.

EC

07 novembre 2007

Alex

Comme son rival Galouzeau, mais en nettement plus naturel, Nicolas Sarkozy est un poète. À preuve ce bel alexandrin dont il est l'auteur : « Je veux reconquérir le cœur de l'Amérique ».

05 novembre 2007

Brioche

Hollande compare Lagarde, qui veut qu'on prenne le vélo quand il n'y a pas d'essence, à Marie-Antoinette, proposant aux pauvres qui manquent de pain de manger de la brioche.
Pourtant il aurait bien besoin de pédaler pour perdre la sienne, de brioche.

02 novembre 2007

2CV


Après avoir publié coup sur coup Le pornithorynque est un salopare, en mars 2004 et L'anarchiviste et le biblioteckel, en mars 2006, aux éditions Mille et une nuits, ce grand voyageur qu’est Alain Créhange range ses mots valises dans le coffre de sa 2CV et part pour un périple hilarant à travers des siècles de peinture.

Depuis l’Antiquité, où l’on découvre sur les frises du Parthénon le rôle prédominant que joua ladite 2CV dans la prise de Troie, jusqu’au XXe siècle que résume la fameuse 2CV blanche sur fond blanc de Kazimir Malevitch, le lecteur étonné a 64 pages pour constater à quel point les peintres de tous les temps ont pu être inspirés par ce fleuron de l’art automobile.

Chaque reproduction, sur la page de droite, est accompagnée sur celle de gauche d’une explication historique fort utile à la compréhension de l’œuvre.

À signaler page 61, en bonus, un avatar de Nerval (les Filles du Feu rouge) qui est un clin d’œil amical à Camille Abaclar, et comporte de beaux vers : « mon capot se souvient du baiser de la brise » ainsi que des rimes hardies (autochtone/klaxon).

Dédié à un célèbre garagiste d’Arcueil, Pierre Tabone, qui en fut « le démarreur », (voir l’allusion de Nicolas Poussin à son garage page 27), En peinture Simone est de plus un beau bouquin qu’on aura plaisir à offrir pour Noël. 20 € prix affiché.

Hiver


Bien que j'aie de la bouteille, je peux encore mélanger celle de l'eau d'Évian et celle de l'eau de Spa, ce qui prouve que si Jean-Christophe Averty n'entend pas grand chose, moi, je n'y vois goutte.

Guy Ciancia, à qui aucune monstruosité n'échappe, me l'a fait aimablement remarquer, et je le cite : «
Fanchon Daemers ne carbure ni à l'éther ni à l'Évian, mais à l'eau de Spa. Seule la licence homophonique peut autoriser à confondre l'eau des Vian et les autres. Spa? »

@@@
@

Sonnet de Novembre

Je suis seule au bureau, on est le 2 novembre ;
Ils ont tous fait le pont et j’ai quelque remords
De n’avoir aujourd'hui à fleurir aucun mort,
Qui fût un bon prétexte pour garder la chambre.

Mais du club des feignants jamais je ne fus membre ;
En dépit des douleurs qui torturent mon corps,
L’arthrite, le prurit, la scoliose, l’angor,
Je fais face à l’écran, je le toise et me cambre,

Empoignant la souris dans un dernier effort,
Chatouillant du clavier l’électronique plume,
Je m’apprête à saisir mon rapport, bref j’assume,

Quand, détournant les yeux, je vois l’Hiver dehors,
Et dans le ciel laiteux que nul astre n’allume,
La bave d’un soleil sur un buvard de brume

EC

01 novembre 2007

Haha

27 haha, Occultation d'Alfred Jarry : il y a cent ans aujourd'hui, le père du père UBU mouchait sa chandelle verte. Peu de médias pour célébrer dignement cet anniversaire. Mais vendredi, samedi et dimanche dernier, le collège de 'Pataphysique faisait la fête à la fond'action Boris Vian : présentation du Correspondancier du Collège de 'Pataphysique, qu'on peut se procurer là, avec un passionnant dossier de Guy Ciancia consacré aux monstres de Josep Baqué (exposés à la fond'action pour la circonstance), une pièce d'Arrabal, une conférence du Dr Lichic sur les Chaelicerops (de bien sales bêtes, ma foi), un récital de la chanteuse Fanchon Daemers, et deux œuvres télévisuelles de Jean-Christophe Averty (photo) : Ubu Roi, et Alfred Jarry, qui ont fait l'objet d'un DVD également disponible à la même librairie.
Pendant le récital, j'étais assise à côté de Jean-Christophe Averty, qui m'a fait mourir de rire. Ayant perdu ses oreilles dans les studios d'enregistrement, il ne pouvait entendre la voix pourtant puissante et bien timbrée de la chanteuse, qui attaquait en coulisse une complainte assez sinistre.
— Il se passe quelque chose ? me demande-t-il.
Je lui explique tant bien que mal qu'une voix vibre quelque part.
— Quelle contenance dois-je prendre ? poursuit-il.
Je lui indique de prendre comme modèle mon voisin de droite.
La chanteuse enfin apparue poursuit son récital, prenant juste le temps, entre deux airs, de boire à sa bouteille d'Evian.
C'est alors qu'Averty me hurle confidentiellement à l'oreille :
— C'est de l'éther !
Et, devant mon scepticisme :
— Je n'entends rien, mais je sens !!!
Nous avons pris le fou-rire.