25 juin 2007

Peinture à l'eau

Il est mignon, le jardin de la gare de Charonne. Situé à l’emplacement d’un ancien dépôt de charbon, tout près de la Petite Ceinture, à l’angle de la rue du Volga et du boulevard Davout, il offre aux promeneurs des allées ombragées, aux amoureux et aux vieillards des bancs en nombre appréciable, et aux enfants une aire de jeux que domine un imposant toboggan, qu’on dirait dessiné par Tardi ou construit par Guénolé Azerthiope avec des objets de récupération. Un potager bordé de choux-raves très décoratifs, une fontaine gazouillante et des bassins nénuphardés de rose complètent ce tableau idyllique. Et voilà soudain le paradis envahi jeudi, vers 18 h, par une horde d’hurluberlus hirsutes, frôlant le 3e voire le 4e âge, chargés qui d’un seau en plastique, qui d’un balai brosse, qui d’une bouteille d’eau percée scotchée sur un manche, qui d’un pinceau chinois au bout d’un bambou, qui encore d’une éponge taillée en pointe et vissée à un bâton. Ces étranges personnages, ayant trempé leurs étranges instruments dans le seau rempli d’eau ou directement dans les bassins, entreprennent alors de réaliser à même le sol des dessins que photographient deux de leurs compères. Entreprennent seulement, car il ne faut pas plus de quelques minutes pour qu’ils se voient entourés d’une nuée de gosses, curieux d’abord, puis s’enhardissant jusqu’à vouloir essayer eux-mêmes. L’attroupement provoque l’arrivée des gardes qui, après avoir palabré, pesé le pour et le contre, et constaté que l’inondation du sol, non seulement ne provoque aucuns dégâts, mais tend de plus à s’évaporer avec la chaleur, décident de laisser faire. La patouille devient alors générale. Un jeune Brandon tout noir a signé de son nom un gigantesque bonhomme qu’il contemple avec une fierté mêlée d’émotion. Une fillette de 8 ou 9 ans a tracé un grand cercle rempli de petits ronds, c’est un arbre avec des fraises. Guénolé Azerthiope, tiens le voilà, s’entoure de gidouilles humides, tandis que Thieri Foulc, d’un filet d’eau continu, fait apparaître dans la poussière les courbes appétissantes d’une femme à poil, provoquant l’étonnement des petits et des grands. Les photographes continuent imperturbables leur travail. Les photos, réunies en un livre, fixeront pour l’éternité ou presque ces œuvres éphémères. Il se fait tard. Les mamans des enfants s’inquiètent de ces jeux inhabituels. Le jeune Brandon, sérieux comme un homme, me rend solennellement le balai de chiottes qu’il m’avait emprunté. « Je dois y aller », me dit-il. Et il ajoute, avec un tantinet de cérémonie : « Merci, j’ai aimé le faire ».

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