17 janvier 2007

Hasard

Le hasard a fait que j'ai revu le film Harry, un ami qui vous veut du bien le jour où je terminais le dernier livre d'Arturo Perez Reverte, Le peintre de batailles. Hasard, car dans les deux cas, il s'agit de la rencontre d'un homme avec son double (son inconscient ou sa conscience) pendant une crise existentielle. Mais là s'arrête la ressemblance. Car « Harry » peut très bien se lire au premier degré comme un thriller hitchcockien (ce à quoi s'est d'ailleurs arrêtée la majorité des critiques), tout en restant un excellent film. Ce n'est qu'en « épluchant l'oignon », comme aurait dit Queneau, qu'on s'aperçoit qu'Harry est finalement plus que le simple camarade de classe débordant de bonne volonté qu'on nous donne à voir. Il matérialise en effet l'inconscient innocent du héros, capable de réaliser instantanément ses désirs les plus secrets, en toute facilité, en toute simplicité. Meurtre des parents envahissants et du frère débile, possession d'un gros 4x4... Il est aussi son surmoi, celui qui lui « fait la morale », réussit à libérer enfin sa créativité littéraire longtemps retenue (la scène se passe d'ailleurs dans les toilettes !), et trucide la blonde lascive et sans cervelle qui vivait quelque part dans ses rêves les moins avouables.
Le peintre de batailles ne présente pas ces différents niveaux de lecture. S'il s'agit bien d'un homme à qui sa conscience vient rendre visite sous l'apparence du personnage d'une de ses photos de guerre, on n'arrive pas à croire à leur dialogue, tant il est philosophique — au sens « essai philosophique » du terme. Très écrit, pas transposé, tout simplement impossible à entendre dans la réalité par des gens de chair et d'os qui se parlent. D'ailleurs les personnages sont-ils vraiment des personnages, ou des allégories ? C'est en tout cas un livre ambitieux, noir de suie et rouge de sang, qu'on lit sans lâcher, et dans lequel l'auteur explicite à travers le personnage principal, peintre et ex photographe, quelques uns des thèmes qu'on trouve dans ses romans antérieurs, comme le thème de l'échiquier. Une vision du monde s'y exprime aussi, pas très optimiste.

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